Thierry Coudert : Sarkozyste de gauche
Octobre. 2008 \\ Par Jérôme Lamy

Président-fondateur du club des sarkozystes de gauche, La Diagonale, Thierry Coudert entend jouer un rôle dans la reconstruction de la droite parisienne.

Sarkozyste de gauche, bobo de droite : Thierry Coudert avance en politique avec une étiquette solidement collée. ça le gêne d’autant moins que ce positionnement politique épouse son parcours. Proche de Maurice Benassayag et des réseaux mitterrandiens à la fin des années 80, directeur de cabinet du secrétaire d'État aux Affaires sociales Kofi Yamgnane,  dans le gouvernement Cresson (1991), cet ancien élève de l’ENA fut deux fois dir’cab’ de Brice Hortefeux, la première quand ce dernier était ministre délégué aux collectivités territoriales dans le gouvernement Villepin (2005-2007) et la seconde au ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale, dans le gouvernement Fillon (2007-2008).
De la gauche à la droite, celui qui fut sous préfet de Nogent-sur-Marne (2002-2005) est surtout le président-fondateur de La Diagonale, club réunissant les sarkozystes de gauche, qui défendent des valeurs sociétales progressistes. Sa trajectoire personnelle est devenue un think tanks influent, sorte de laboratoire d’idées de l’UMP sur les questions de société. Dans le jargon politique, on dira que Thierry Coudert a l’oreille du Président. Non seulement le candidat Sarkozy avait répondu à son invitation, aux Bains Douches, lors du débat “Peut-on être gay et sarkozyste?”, mais ses portes-paroles Rachida Dati et Xavier Bertrand avaient également suivi le débat Sarkozy-Royal depuis le Showcase, sous le pont Alexandre III, où La Diagonale avait organisé une grande soirée.
Élu du XVIIe au Conseil de Paris où il a créé, avec quelques amis, le courant “Pari-Paris” pour défendre notamment le vote des étrangers aux élections locales, la célébration des PACS en mairie, la mise en place d’un péage urbain, l’installation de tours ou  la place de la culture dans la Capitale, Thierry Coudert a l’ambition aujourd’hui de faire entendre sa petite musique dans la reconstruction de la droite parisienne.

Clin d’oeil.- Quel est l’état de la droite parisienne?
Thierry Coudert.- La droite est en reconstruction à Paris après des Municipales où elle n’a perdu aucune mairie d’arrondissement mais où elle n’a pas réussi à reconquérir l’Hôtel de Ville. Les dernières élections municipales n’ont pas marqué la défaite d’une personnalité politique mais d’un positionnement idéologique. La droite n’a pas réussi à s’adapter à la nouvelle sociologie parisienne, à l’évolution urbanistique, et par conséquent elle n’a pas su répondre aux aspirations des Parisiens. Le défi de l’UMP, c’est de conjurer cette fatalité et ce phénomène n’est pas seulement parisien. Ce défi, c’est aussi celui de Nicolas Sarkozy, car il faut se souvenir que son positionnement idéologique, pourtant iconoclaste à droite, n’avait pas trouvé sa meilleure résonance dans les grandes villes de province.
Comment expliquer l’érosion de l’électorat de droite notamment dans le 2e arrondissement?
L’électorat traditionnel de la droite à Paris, c’était non seulement la bourgeoisie installée mais aussi le Paris populaire. Or aujourd’hui, les couches populaires ont pour l’essentiel dû quitter le centre de Paris. Dans le 2e mais aussi dans le 3e arrondissement, les électeurs ont un niveau de vie plus élevé qu’il y a 30 ans, un lien fort avec la citoyenneté et la vie en communauté. Ils sont davantage sensibles au développement durable et aux logiques de déplacement qu’aux questions de logement social, même si ce problème reste entier à Paris. Il faut avouer que Delanoë a su adroitement capter l’intérêt des bobos ou plutôt donner l’impression de s’inscrire dans leurs aspirations. Le maire de Paris a des idées avant-gardistes avec quinze ans de retard. Son talent de communicant, c’est d’enfiler le costume d’un homme innovant. Le Velib’ est une belle opération mais en leurs temps, Michel Crépeau à La Rochelle et Catherine Trautmann à Strasbourg avaient été plus innovants.
Bertrand Delanoë a pourtant répondu à l’attente des Parisiens en matière de déplacement...
Il a seulement utilisé la vieille ficelle de la dissuasion de la voiture par la congestion des embouteillages. Il faudrait réfléchir à un péage urbain comme à Singapour, qui éviterait de faire une césure Paris-banlieue. En tout cas, il est impératif de nourrir toute réflexion sur les déplacements dans la capitale à l’aune du Grand Paris.

La droite souffre-t-elle d’un manque de leader identifiable à Paris?
Je ne crois pas. Pas davantage que je ne crois qu’un autre candidat aurait sensiblement fait mieux que Françoise de Panafieu aux Municipales. Aujourd’hui, on souffre d’un problème du renouvellement de nos thématiques plus encore que de notre personnel politique. Se demander aujourd’hui si le futur candidat à la mairie de Paris sera issu du gouvernement ou du Conseil de Paris n’est pas l’actualité du jour.

La rumeur avait fait de vous un possible candidat dans le 2e arrondissement lors des Municipales. Est-ce que vous confirmez?
Cela a en effet été évoqué, au regard de mon positionnement politique et de la sociologie du 2e.

Vous avez créé La Diagonale en mai 2006. Quelle est la vocation de ce club politique?
La Diagonale est plus qu’un club et moins qu’un parti. Avant l’élection présidentielle, on a servi de sas entre les gens de gauche et Sarkozy. Au départ, beaucoup de ceux qui avaient travaillé dans des cabinets de gauche me disaient : “tiens, il y a ça qui me plaît chez Sarko, pourquoi pas...” Et puis, on a sauté le pas. Du coup, on a créé ce club. On a tenté de capter l’attention de gens qui ne se seraient pas rapprochés spontanément de l’UMP. Et depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, on essaye de secouer le vivier idéologique de la Droite, notamment à Paris.

C’est quoi être sarkozyste de gauche?
C’est non seulement être progressiste sur les questions sociétales mais aussi et surtout soutenir le Président de la République dans sa politique de réforme.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous ranger derrière Nicolas Sarkozy?
Nicolas Sarkozy est le seul homme politique qui donne l’impression de vouloir changer la vie. Ce qui était formidable au PS après le congrès d’Epinay, c’était la liberté d’expression qui y régnait. A l’époque, le PS était un large espace de débat où l’on réfléchissait à haute voix sur une société, qu’on voulait changer. Aujourd’hui, le PS est un champ de ruine où les écuries se composent et se décomposent au son des trahisons et compromissions de personnalités persuadées d’avoir un destin personnel. Ce qui est dramatique, c’est que le PS est non seulement incapable de jouer son rôle d’opposant mais surtout d’enfiler les habits d’une possible alternative, crédible, préparée.

Est-ce que c’est facile d’être sarkozyste de gauche au sein de la droite parisienne encore très chiraquienne?
On ne se pose pas ce genre de questions. On essaye simplement de faire avancer nos idées. On a créé avec Lynda Asmani (Xe), Pierre-Yves Bournazel (XVIIIe), David Alphand (XVIe), Géraldine Poirault-Gauvin (XVe) et Roxane Descortes (XVIIIe) une sensibilité au sein du groupe UMP au Conseil de Paris, qui s’appelle Pari-Paris. Notre objectif est défricher des idées nouvelles pour permettre à l’UMP de l’emporter dans 6 ans..

Vous devez vous réjouir devant le projet d’une tour de bureaux au parc des Expositions, porte de Versailles...
Je ne suis pas certain que la période actuelle, marquée par une violente crise économique, soit le meilleur moment pour annoncer la création d’une tour de bureaux. Sans doute le maire de Paris a-t-il voulu faire oublier les années blanches que nous venons de vivre sur le plan architectural.

Vous dénoncez aussi l’inertie de la majorité municipale au niveau de la culture...
Dire que la culture n’a pas été un thème majeur des Municipales est un euphémisme. C’est dommage car Paris est une référence mondiale et quand Paris tient son rang, c’est la France qui tient son rang. Le bilan culturel de Bertrand Delanoë se résume essentiellement au “104” “et à la Nuit Blanche. Même si ce sont d’excellentes idées, c’est évidemment trop peu. En tout cas, le groupe UMP au Conseil de Paris entend faire des propositions en matière culturelle, y compris dans des domaines nouveaux comme la défense de collectifs d’artistes menacés d’expulsion.

Depuis la rentrée de septembre, Nicolas Sarkozy a gauchisé son discours en tançant notamment les parachutes dorés. Vous êtes un homme heureux...
Nicolas Sarkozy ne tient pas des propos de gauche. Il tient un discours dynamique et moderne. La France n’avait pas connu de réformes depuis 20 ans. Il a donc entrepris un énorme chantier de recarénage du paquebot France. Le vrai thème, c’est comment l’Etat peut-il intervenir mieux et à moindre coût. Pour répondre à cette question, le Président sait dépasser les clivages politiques.