Tariq Kabbage: Taghazout est un projet ghetto
Rencontrer Tariq Kabbage, c’est se réconcilier avec la politique. Pour le député-maire d’Agadir, la chose publique n’est pas une fonction, c’est une mission dont la rime avec dévotion est d’une logique évidente. La probité, l’honnêteté, la fidélité sont, pour l’un des derniers maires socialistes du Maroc, davantage que des moteurs: ce sont des valeurs indéfectibles. En France, on pourrait le comparer à Lionel Jospin. Pas seulement pour leur socialisme chevillé au corps mais aussi pour leur manière d’envisager la politique et surtout de la pratiquer.
Tellement droit qu’on lui reproche parfois d’être inflexible, Tariq Kabbage s’active avec une abnégation sacrificielle, qui confine à l’acharnement, dans le seul et unique intérêt des habitants d’Agadir.
Pour Tariq Kabbage, la politique n’a de sens que si sa mise en place transforme la vie des citoyens, ressuscitant ainsi les vieux slogans des combats électoraux: «changer la vie». Dire que Tariq Kabbage et son équipe ont changé la vie des habitants d’Agadir, depuis leur premier mandat en 2003, est un doux euphémisme....
Né en 1948, à Agadir, de l’amour d’une mère, Henriette, du Sud-ouest de la France, et d’un père, Abbès, nationaliste jusqu’au bout des ongles, né à Tanger, Tariq Kabbage grandira aux côtés de son seul frère, Khalid.
C’est l’histoire de son père, Abbès, figure emblématique et tutélaire, qui a changé la sienne. Un paternel qui s’engage très tôt dans le mouvement national, à Marrakech, en 1938, avant de poursuivre son combat, à Agadir, où il participera à l’implantation du parti de l’Istiqlal. En 1952, Abbès Kabbage sera arrêté et expulsé vers Casablanca avec le grand nationaliste Hmad Oulhaj Akhannouch, père d’Aziz Akhannouch, actuel ministre de l’agriculture et de la pêche. Emprisonnés à Goulimine, puis transférés à Bouizakarne, ils contribueront, à l’indépendance du Maroc.
Abbès kabbage obtiendra la reddition du Glaoui. En 1958, il démissionnera du Parti de l’Istiqlal quelques mois avant la scission à cause de nombreux différends avec la direction du parti en particulier sur la question du soutien à l’armée de libération pour achever la libération des territoires encore occupés. Il participera à la création de l’Union Nationale des Forces Populaires. En 1963, il sera élu député de la région des Ouled Teima/Chtouka. Lors d’un procès durant lequel seront jugés un grand nombre de militants de l’UNFP, Abbès Kabbage sera, une nouvelle fois, incarcéré à la prison de Rabat où il partagera la cellule de Feu le grand patriote Hassan El Arj Safiedine et Mohamed Forkani. Il sera acquitté à l’issue de ce procès.
Derrière chaque grand homme, il y a une grande femme. Henriette Fleurenceau, maman de Tariq Kabbage, est une femme immense. En épousant Abbès Kabbage, cette française, originaire de Bordeaux, épousera immédiatement la cause de la Libération Nationale du Maroc, sous protectorat Français.
Ce ne sont pas ses opposants politiques, même au sein de l’USFP, ou les promoteurs immobiliers qui diront le contraire. A l’endroit des premiers, à l’image du patron de l’USFP, Driss Lachgar, il est respectueux de la hiérarchie démocratique du parti sans pour autant en partager toutes les orientations... Aux seconds, il demande de construire des centres culturels ou des écoles. Bagarreur de chaque instant, Tariq Kabbage est aussi un provocateur hors pair. «Ma mère m’a éduqué dans le refus des compromissions et m’a transmis le courage de ses opinions et l’intransigeance sur les principes» confirme Tariq Kabbage. «Et mon père m’a transmis l’engagement politique autour des valeurs de dignité de solidarité d’humanisme et de fidélité mais aussi l’amour et la solidarité familiale comme valeurs.»
C’est dans son vaste bureau, équipé d’un vitrage anti-balle, à l’Hôtel de Ville d’Agadir, que Tariq Kabbage, docteur en chimie et homme d’affaires, nous a reçus. C’est de ce bureau que feu sa Majesté le Roi Hassan II dirigeait le Royaume pendant la Marche Verte, en 1975. D’ailleurs, le bureau qui trône, non loin de la grande table de réunions, était celui qu’occupait le Roi défunt. Dans ce cadre solennel, celui qui pratique la marche mais dit préférer les joutes verbales au sport, a répondu, avec passion, à toutes nos questions. Et s’est félicité, avec une gourmandise non feinte, de l’excédent budgétaire de 228 millions de dirhams dégagé par la ville d’Agadir, en 2013.
Comment jugez-vous votre bilan depuis votre élection à la mairie d’Agadir, en 2003?
C’est une question embarrassante ! Nous sommes très fiers de la promenade du front de mer. C’est un lieu fréquenté toute la journée, toute l’année par les touristes, les résidents de la ville, de la région. C’est un lieu de mixité sociale qui séduit et attire les gens. Nous avons réussi, également, à lancer des projets de proximité à travers la ville. C’est un vrai succès car tous les quartiers demandent à bénéficier du même type d’équipement. L’idée est simple: réunir dans un même lieu, autour d’un vaste jardin, des équipements sportifs, sociaux, éducatifs et des maisons de quartier. Le concept est dédié à tout le monde, des enfants aux retraités. A la fin de mon mandat, on pourra dire que tous les quartiers bénéficient d’un minimum d’espace de proximité autour du sport, de la culture, du social.
«Agadir serait en grande difficulté sans la promenade du front de mer.»
Quelle est votre vision de la ville?
Une ville n’est pas seulement un lieu de travail ou d’habitations, c’est aussi un lieu de loisirs. C’est pourquoi nous avons aussi rénové et restauré la voirie, l’éclairage public, etc... Nous avons fait de gros efforts budgétaires en investissant plus de 2 milliards de dirhams. C’est sans commune mesure avec ce qui se pratique dans les autres métropoles régionales, y compris dans la capitale. Il est rare de trouver des ornières dans les rues d’Agadir quand on circule en voiture. Sauf dans certains quartiers avec des lotissements de l’Etat où la voirie est déplorable surtout après les pluies des dernières années. Les infrastructures de l’Etat ont été mal conçues. Nous exerçons une pression pour que l’Etat et son bras armé au niveau de l’urbanisme prennent leurs responsabilités.
Quels sont vos chantiers prioritaires?
Le jardin botanique du quartier Talborjt mobilise actuellement toute notre énergie. Bien sûr, pas parce que c’est le quartier de mon enfance mais parce qu’on réalise un devoir de mémoire. Le jardin reprend toute la trame du quartier Talborjt qui avait été entièrement détruit, en 1960, par le tremblement de terre. En travaillant le plan urbanistique de ce quartier, on rappelle qu’il y avait une vie, des habitants. Le jardin accueillera énormément de plantes de notre région, ses espèces endémiques. Nous avons aussi un grand projet de réhabilitation du nouveau Talborjt pour le rendre davantage piétonnier ainsi que la création d’une nouvelle promenade urbaine dans le secteur du Barreau Est-ouest, à proximité des facultés. Dans le prolongement du Barreau Est ouest sur 300 ha, nous prévoyons un grand pôle universitaire et téchnologique. Une école d’ingénieurs est en cours de construction, de plus un CHU et une faculté de médecine doivent être construits à partir de 2014. Ces projets pourront générer à terme plus de 2000 emplois et faire d’Agadir un centre pour les nouvelles technologies.
Vous êtes aussi particulièrement sensible au déplacement à l’intérieur dans la ville.
En effet, nous sommes en phase finale d’étude du busway, un bus à haut niveau de service, en site propre, prioritaire aux carrefours, dont les deux lignes feront la liaison entre le nord et le sud de la ville, avec une capacité de transport de plus de 20.000 personnes par jour et par ligne. Nous attendons un soutien de l’Etat pour ce grand projet. L’Etat a mis beaucoup d’argent, à Casablanca et Rabat, pour la construction du tramway. Nous aussi, nous attendons notre quotepart. Le busway est inspiré de l’exemple de Nantes qui est une ville remarquable dans le domaine de l’aménagement urbain et du mieux-vivre ensemble.
Le busway est-il une meilleure alternative que le tramway?
Chaque mode de transport dépend de la dimension de l’agglomération et du nombre de ses passagers potentiels. Un busway, qui permet de déplacer 2500 à 3000 personnes à l’heure, est suffisant pour les besoins d’une ville de 500.000 habitants comme la nôtre et d’une agglomération de 1 million d’habitants. Un tramway permettrait de transporter trois fois plus de passagers mais c’est six fois plus d’investissement. Aujourd’hui, cet investissement ne se justifie pas. Il ne faut pas oublier que le tramway n’a pas toujours donné les résultats escomptés dans les grandes villes marocaines faute d’une vision basée sur une intégration globale des différents modes de déplacement.
La mobilité urbaine est-elle le principal souci des villes marocaines?
C’est un problème fondamental. Le taux de motorisation reste faible et les problèmes de congestion sont déjà importants. Quand la géographie s’y prête, il faut développer les modes doux de déplacement. A Agadir, on entend également donner toute leur place aux vélos avec des pistes cyclables et aux piétons avec les promenades urbaines.
Peut-on imaginer des Vélib’ comme à Paris, Lyon ou... Nantes?
Dans ce domaine, on ne peut pas «copier-coller» le modèle français ou un autre. Dans quelques années, nous serons peut-être prêts. Aujourd’hui, c’est trop tôt car il faut payer un abonnement. Les villes françaises ne sont pas aujourd’hui les mêmes que ce qu’elles étaient il y a vingt ans. La France a changé. Il y a des modes de mobilité forts comme les transports en commun mais le vélo et la marche à pieds représentent 45% des déplacements dans notre pays. Les citoyens doivent donc pouvoir se déplacer sur des trottoirs libérés.
Améliorer le cadre de vie, c’est aussi se donner l’opportunité d’attirer de nouveaux investisseurs, à Agadir...
Pour attirer les investisseurs, il faut une ville attractive. C’est notre cas. Mais trop de projets concernent aujourd’hui la spéculation immobilière pour les touristes, qui cherchent un appartement pour les vacances, au détriment des résidents locaux qui rencontrent des difficultés pour devenir propriétaires de leur logement social. Il faut aussi cibler les secteurs d’investissements comme l’off-shoring des entreprises liées aux nouvelles technologies. Si on se dirige vers les nouvelles technologies, on doit posséder un système éducatif performant avec une université qui prépare à l’emploi. On doit être très vigilant pour ne pas décourager les entreprises à la recherche de cadres performants. C’est pourquoi on travaille sur un pôle universitaire fort de 300 hectares avec universités, grandes écoles et zones de services dans les nouvelles technologies au centre-est de la ville, jouxtant le nouveau stade, à proximité du Barreau Est-ouest.
A l’évidence, vous placez le curseur sur le domaine des hautes technologies.
Nos ambitions doivent être plurielles. On ne peut pas se contenter de miser uniquement sur l’agriculture, la pêche et le tourisme qui utilisent souvent un personnel formé mais souvent sous-payé dans certains sous-secteurs de ces filières.
Êtes-vous satisfait des retombées du nouveau stade?
L’organisation de la coupe du monde des clubs a été une réussite. Le projet avait pris beaucoup de retard. L’environnement était peu propice. On a été informé au dernier moment du déroulement de cette manifestation. On s’est mobilisé pour être prêt à accueillir un tel public dans cet environnement. L’ironie, c’est qu’on a réhabilité une ancienne décharge voisine du stade et c’était le lieu le plus propre ! Nous avons couru au plus pressé pour nettoyer les abords, éclairer les accès. Bien sûr, on a entendu des reproches surtout sur la présence de gravats dans les alentours du stade et sur les collines. Ce n’est pas de notre responsabilité, mais on a fait le maximum...
Regrettez-vous d’avoir démissionné de votre fonction en 2011?
Je ne cultive jamais les regrets. Au contraire, cela m’a permis d’éclaircir la situation. Les vexations, les injustices m’ont conduit à prendre cette décision. A l’évidence c’était la bonne d’autant que la banalisation du manque de soutien était insoutenable. Il convient de se souvenir que ce n’est pas seulement le maire qui a mis sa démission sur la table mais l’ensemble des élus socialistes du conseil municipal qui m’ont soutenu et imité. Et si notre parti, l’USFP, a mis du temps à réagir et à nous soutenir, il a fini par nous demander de faire marche arrière et de reprendre nos fonctions. Pendant un mois, je n’ai pas exercé mes fonctions de maire.
«Taghazout n’est pas Versailles. Le projet du village des surfeurs est dangereux. Sur tous les spots de surf, je vois plus de spectateurs que de pratiquants. A l’évidence, on fait des projets sans réfléchir. Les responsables de Taghazout sont ailleurs, sur une autre planète...»...»
C’est quoi être socialiste, en 2014?
Être socialiste, c’est mettre le citoyen au centre de sa politique. Le réflexe d’un maire socialiste, c’est de se tourner vers l’individu et lui offrir un cadre de vie qui soit le même pour tous afin de gommer les injustices, notamment dans les quartiers difficiles. Il n’y a pas que les gosses de riches qui ont droit à une qualité de vie digne, agréable. Être socialiste, c’est aussi encourager les investissements pour créer de l’emploi. Être socialiste, c’est avoir une vision claire sur la qualité de vie, sur l’aménagement du territoire et une finance forte basée sur la redistribution des richesses. Tous ces projets nécessitent une appropriation du foncier pour réaliser les maisons de quartiers, les espaces de jeu, les équipements sportifs gratuits. Nous faisons des efforts considérables pour améliorer les ressources de la ville d’Agadir. On cherche l’argent par tous les moyens. Et les impôts nous permettent d’investir. Il faut savoir que la taxe sur les terrains non bâtis va nous rapporter cette année 75 millions de dirhams. C’est exceptionnel..
Le cadre de vie est aussi important pour le tourisme...
Comment voulez-vous que le tourisme puisse réussir dans une ville où les disparités sont importantes. Travailler sur le mieux vivre ensemble n’est pas une option, c’est une obligation. Malheureusement, Agadir n’est pas isolée et appartient au grand Agadir. Ce que nous faisons à Agadir n’est malheureusement pas fait à sa périphérie nord , notamment, où on trouve des communes sans équipements, avec des conditions de vie déplorables et depuis 2011, des constructions anarchiques à l’image de certaines cellules cancéreuses.
L’USFP adopte des positions très modernistes sur les questions sociétales. Êtes-vous en phase ?
Nous avons toujours milité pour le droit des femmes, notamment dans le droit d’héritage sur les terres collectives. Il faut comprendre et expliquer ces positions. Cela étant, il ne faut pas oublier que le droit à l’héritage est lié à l’Islam. Et l’Islam a permis aux femmes d’obtenir davantage de progrès qu’avec la religion catholique qui a toujours été en retard dans ce domaine. Dans les grandes familles, on ne partageait pas l’héritage. En Europe, seul le frère ainé héritait sans aucun partage. Il y avait celui qui héritait de tout, celui qui allait à l’armée, celui qui allait à l’église. Et les femmes, on les mariait en espérant les placer... avec des hommes de bonne famille pour créer des alliances. Il y a eu des combats historiques en Europe pour le droit des femmes qui partaient avec beaucoup de retard sur la femme musulmane dont certaines ont pu accéder au droit de vote avant leur consœur européenne. Maintenant, il faut continuer à aller de l’avant.
L’USFP a-t-elle fait le bon choix en rejoignant l’opposition gouvernementale ?.
L’USFP a incontestablement fait le bon choix mais elle l’a fait trop tardivement. Nous aurions du rejoindre l’opposition dès 2002. N’ayant pas eu la direction du gouvernement, malgré notre victoire électorale, nous aurions dû en tirer les conséquences plus tôt. Peut-être que mes camarades trouvaient le fauteuil de ministre très confortable, de la même manière que je trouve celui de maire « très confortable » pour réaliser le changement.
Il n’y a qu’un pas pour que vous nous annonciez votre candidature à votre réélection...
Ça dépend de mes camarades militants socialistes d’Agadir et des citoyens. Ça dépendra aussi un peu de moi: aurais-je encore la force de conduire la politique de la ville d’Agadir. C’est dur d’être maire!
Comment jugez-vous le rapprochement entre l’USFP et l’Istiqlal?
Il y a une « chabatisation » de l’USFP (rires). Avec l’Istiqlal, c’est je t’aime moi non plus. L’histoire des deux partis a été jalonnée de rapprochements et d’éloignements. J’espère que ce rapprochement-là débouchera sur quelque chose de solide pour construire une opposition forte et une alternative.
Quel regard portez-vous sur le projet Taghazout?
Ça devrait être une valeur ajoutée pour Agadir où notre capacité litière de qualité est très faible. On compte de 13000 à 15000 lits de qualité sur 28000 lits. Lors de ces 25 dernières années, l’accroissement de la capacité litière a été insignifiant. Seul le gouvernement Youssoufi avait ouvert en 2000 une zone pour la construction d’hôtels...
Vous attendez donc avec impatience la réalisation du projet Taghazout...
Déjà, on doit dire Agadir-Taghazout. C’est Agadir qui est connue internationalement. Taghazout ou le projet du Sud, à Tifnit, doivent constituer un seul ensemble touristique comme Antalya, en Turquie. Ensuite, ce ne sont pas les 4000 à 5000 lits prévus, à Taghazout, qui vont résoudre le problème d’Agadir. Enfin, une grande importance a été donnée au RIPT (Résidence immobilière de promotion touristique). Aux Canaries, les RIPT sont en perte de vitesse. Ils se dégradent avec le temps et les gens n’investissent plus. Donc le projet actuel se caractérise par peu de lits hôteliers, trop de lieux résidentiels: ce n’est pas le bon cocktail surtout en matière de création d’emplois.
Vous avez toujours été très sévère au sujet de la construction urbanistique du projet.
J’ai beaucoup insisté et milité pour un front de mer dégagé et large sur 20 à 30 mètres. Taghazout comme Agadir se situe sur une zone où la population locale est très présente. Ces personnes-là ont aussi besoin d’aller à la plage. L’animation paysagère et l’offre de restauration doivent intégrer ces gens-là. C’est indispensable. Il ne faut pas oublier qu’Agadir serait en grande difficulté sans la promenade. Les responsables du projet Taghazout ne veulent pas le comprendre. Ils sont ailleurs, sur une autre planète. Ils ont sans doute trop étudié le modèle des villes touristiques égyptiennes qui sont implantées dans le désert, au milieu de nulle part. Les seuls Égyptiens présents sont ceux qui travaillent dans les hôtels. Les « indigènes » ont été oubliés à Taghazout. Le mépris pour les citoyens est total
Quel sera l’impact du projet Taghazout sur l’économie de proximité?
Des projets, comme celui du village des surfeurs, sont très dangereux. Ce projet risque de déstabiliser une quarantaine de petites entreprises très bien structurées à l’image des maisons d’hôtes typiques ou des petits restaurants locaux qui plaisent à un large public. Aura-t-on la capacité d’accueillir davantage de surfeurs que ceux que nous accueillons aujourd’hui? Je ne le pense pas. Je suis même très perplexe. Sur tous les spots de surf, je vois plus de spectateurs que de pratiquants. A l’évidence, on fait des projets sans réfléchir. Qui plus est, Taghazout et Tamraght devaient être restructurées au niveau de l’assainissement et des infrastructures. Mais rien n’est prévu, rien n’est fait. J’ai posé des questions orales au parlement, j’ai imposé des réunions avec des députés et le ministre du tourisme, mais autant parler dans le vide... Il y a de quoi également s’interroger sur l’irrigation du golf. La récupération de l’ensemble des eaux usées du projet avait été évoquée. Mais, depuis, il n’y a eu aucune communication sur le sujet.
Est-ce que vous partagez l’inquiétude de ceux qui redoutent un bétonnage du projet?
Il n’y aura pas forcément de bétonnage. Les responsables parlent d’une station écologique à densité faible. De mon point de vue, la densité est même trop faible. Si on plante des arganiers, je dis banco. Si on construit des jardins à la française partout, je suis très inquiet. Taghazout n’est pas Versailles. Ne tombons pas dans l’absurde. L’accessibilité est, aussi, aberrante. Au lieu de prévoir de nombreux parkings, un seul grand emplacement est fixé au début de la zone. Au fond, Taghazout c’est un projet ghetto. Pourquoi n’impose-t-on pas la construction des hôtels avec 30 mètres d’espace libre et des aménagements du front de mer permettant de se ménager une belle promenade? Il faut respecter le retrait de 100m pour protéger le littoral. A Agadir, les hôtels avaient été construits dans l’eau. Aujourd’hui, certains d’entre-eux souffrent des dégâts intermittents dus aux fortes marées. Profitons de l’expérience d’Agadir. Il faut respecter la nature et les principes d’aménagements urbains. Dans nos villes, tous les espaces sont un prétexte pour construire et bétonner. C’est un drame. Nos villes d’aujourd’hui sont une catastrophe pour l’avenir.