Serge Raffy : La répudiation de Valérie Trierweiler est un secret d’état
Août. 2015 \\ Par Jérôme Lamy

DANS «MOI, L'HOMME QUI RIT», SERGE RAFFY N’EPARGNE PAS L'EX-COMPAGNE DU PRESIDENT. LE REDACTEUR EN CHEF DU NOUVEL OBSERVATEUR LEVE LE VOILE SUR LA RUPTURE HOLLANDE-TRIERWEILER.

Il surnomme Nicolas Sarkozy, «le sortant». Il qualifie Valérie Trierweiler «d’empoisonneuse». Et désigne Ségolène Royal comme «la reine mère». Serge Raffy n’a pas sa langue dans sa poche. Il l’a encore prouvé lors de deux escales littéraires organisées au Sofitel Thalassa Sea & Spa, à Agadir et Sofitel Mogador Golf & Spa, à Essaouira où le journaliste-romancier a présenté Moi, l'homme qui rit (Flammarion).
Parce qu’il s’est intéressé à François Hollande quand il n’intéressait personne, Serge Raffy bénéficie d’une légitimité assez unique et d’une crédibilité totale. «J’ai commencé à travailler avec François Hollande après le congrès de Reims, à l’automne 2009» explique-t-il. «Il était cramé, il n’était rien, il n’apparaissait nulle part et surtout pas dans les sondages. Bref, il n’avait aucune chance de devenir président...»
Le temps d’un roman écrit d’une plume alerte et talentueuse, il a enfilé les habits de François Hollande et s’est mis dans la tête du Président pour un exercice à la schizophrénie évidente. «La meilleure façon de l’approcher, c’était de prendre sa place» précise Serge Raffy. «C’est évidemment d’une arrogance extrême mais c’était la seule solution pour avoir une liberté de ton totale. J’ai essayé de construire une passerelle entre deux mondes dans une sorte d’aller-retour entre la réalité et la fiction. Il faut préciser que c’est la première fois qu’un auteur se met dans la peau d’un Président pendant son règne. Je me suis beaucoup amusé»
L’assistance s’est aussi divertie autant qu’elle a été captivée. Une sujet fort (les arcanes du pouvoir), un auteur charismatique (Serge Raffy) et un maître de cérémonie, drôle et pertinent (Daniel Karbownik): voilà les ingrédients d’une soirée littéraire réussie en compagnie d’un «cambrioleur des âmes», dixit  Daniel Karbownik, le directeur général de Sofitel, à Agadir. «Il faut se méfier des biographes» confirme Serge Raffy. «Nous sommes des intrus. Notre métier, c’est de creuser le passé pour comprendre le présent.  Avec François Hollande, je suis remonté jusqu’à ses ancêtres bataves du 17e siècle qui ont fini par s’installer dans le Nord de la France. Cette histoire d’une famille avec la valise à la main explique le parcours de François Hollande sans attache régionale et clanique.»
Comparé à Jacques Chirac, pour son rattachement à la Corrèze par opportunisme politique, François Hollande est pourtant plus proche de François Mitterand et de son exercice du pouvoir. «Manuel Valls est à Hollande ce que Michel Rocard était à Mitterand: un Premier Ministre avec qui le Président joue au chat et à la souris» lance Serge Raffy.  «La différence c’est que si Mitterand méprisait Rocard, Hollande apprécie Valls. Il le voit comme son complément. Hollande a la mâchoire molle, Valls a la mâchoire carrée.  Valls peut servir Hollande mais il peut aussi devenir son rival.»
N’empêche, l’adversaire préféré de Hollande, c’est Nicolas Sarkozy. «Hollande rêve d’affronter Sarkozy, en 2017» dit Raffy. «Il pense que c’est sa seule chance de rester à l’Elysée. C’est pourquoi, il n’a jamais essayé d’instrumentaliser la justice pour nuire à Sarkosy.» Pour l’ancien et l’actuel président, la vie privée a irrigué leur mandat. «Dans ce domaine, Sarkozy est un petit joueur comparé à Hollande» tranche raffy. «La porosité incroyable entre la vie privée et le pouvoir a été catastrophique pour Hollande qui rencontrait déjà beaucoup de difficultés à assumer sa fonction en entrant à l’Elysée. Alors que Nicolas Sarkozy montait sur son siège de Président, trépignait et finissait par le massacrer; François Hollande le regardait, le trouvait beau et se demandait ce qu’il pourrait bien en faire...»
ça ne l’empêche pas d’avoir le cuir tanné. «L’homme est tombé dans une impopularité abyssale, il en prend plein la figure mais il est toujours là, d’égale humeur. Il fait même preuve d’une belle jovialité. C’est ce paradoxe qui m’a interpellé. C’est cette mécanique intérieure, cette complexité de l’être humain que j’ai voulu comprendre.» Dire que François Holande fait preuve d’une plasticité à toute épreuve est un doux euphémisme. Même le brûlot de Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment, a glissé sur lui comme une olive sur une toile cirée.
Le rédacteur en chef du Nouvel Observateur a la dent dure avec l'ex-compagne du Président. La scène inaugurale du livre s’ouvre sur le baiser de Valérie Trierweiler à François Hollande, le soir de l'élection. «Je n'aurais pas dû», se répète instantanément comme une litanie son héros. «Valérie Trierweiler a toujours empoisonné la vie de François Hollande» lance-t-il.
«Quand j’ai travaillé sur la biographie du?Président, François Hollande, Itinéraire secret, Valérie Trierweiler m’a encouragé à la condition que j’occulte Ségolène Royal. Comment ne pas citer la mère de ses enfants, qui fut candidate à l’élection présidentielle?»
A cette question qui vaut réponse, Valérie Trierweiler a eu une réaction édifiante. «Elle a été prise d’une soudaine crise de nerfs» confie Serge Raffy. «Nous avons poursuivi par un échange de mails dans lesquels elle est apparue très menaçante. J’ai vite compris qu’on n’était pas dans la rationalité. Avec Varélie Trierweiler, on était toujours dans la paranoïa, dans l’agressivité extrême. Ensuite, elle a fait preuve d’une grande jalousie pour les heures de travail nocturne que je passais avec François Hollande. Pourtant, j’étais bien le seul à donner de l’importance à son compagnon.»
N’empêche, valérie Trierweiler présente des circonstances atténuantes. «Elle n’est pas coupable de tout» assure Serge Raffy. «Les communicants du?Parti Socialiste ont monté de toutes pièces un personnage qui s’est retourné contre eux. Ils conseillaient au futur Président de rester en couple jusqu’aux élections afin d’instrumentaliser politiquement le côté glamour de Trierweiler. C’est ta Jackie Kennedy ou ta Carla Bruni entendait-on souvent dans l’entourage de Hollande»
Ce sera surtout son pire cauchemar. «Dès son élection, à l’Elysée, elle a monté une barricade autour du Président» raconte Serge Raffy. «Elle ne voulait ni de la présence de Ségolène Royal, ni de leurs enfants à l’Elysée. Quand on se souvient qu’en 2007, Ségolène Royal, alors candidate, a dit à François Hollande: si tu quittes Valérie Trierweiler, je te laisse ma place, on imagine le psychodrame romantique.»
L’histoire de la séparation, qui aura lieu sept ans, plus tard, au début de l’année 2014, est entourée d’un authentique «secret d’état» selon Serge Raffy.  «La violence inouïe de leur scène de ménage n’a jamais été racontée» assure-t-il. «On a assisté à une répudiation violente et sale de Valérie Trierweiler. Elle a été enfermée dans la résidence de la Lanterne. On ne sait pas si elle a été droguée. En tout cas, son hospitalisation à la Pitié Salpétrière est une forme de séquestration. On l’a soignée sous tranquillisants pour l’envelopper dans un masque de fer. La vérité est pire que ce que l’on peut imaginer. Elle éclatera forcément avec le temps qui passe et les témoignages nouveaux qui apparaitront.»
On comprend mieux pourquoi Serge Raffy a hésité à appeler son roman: «Tais-toi, valérie»... Il dit : «Je n’ai pas voulu tomber dans la facilité et me vautrer dans une telle vulgarité...»