Quand Pierre Sarkozy enflamme Mohammedia !
Il est grand, élégant, poli, courtois. Il se présente avec une tignasse de surfeur et un look bobo, col mao, plus travaillé qu’il n’y paraît. Il s’intéresse aux autres. Il demande les prénoms. Les retient. Il pose des questions. Écoute les réponses. Il a du charisme à revendre derrière une voix très douce et un sourire cajoleur, séducteur.
Pierre n’est pas un homme politique. C’est le fils de l’ancien Président français Nicolas Sarkozy, un des personnages les plus populaires en France pour être sous les projecteurs des feux médiatiques depuis quarante ans. Pierre, 32 ans, est DJ. A ceux qui pensent encore que son patronyme est la clef du succès, il leur a répondu au début de sa carrière en communiquant sur son pseudo DJ Mosey. «Mosey, ça veut dire se balader sans trop se presser» précise Pierre. «C’est un peu l’esprit de ma musique.»
Les clients du Roof, qui se sont pressés en nombre, à Mohammedia, pour écouter le set de Dj Mosey, n’ont pas fait une simple balade. Ils ont débuté un long et surprenant voyage. Car, une nouvelle fois, Pierre Sarkozy n’est pas là où on l’attend. Avec l’art du contre-pied, il vous amène dans son univers musical avec une signature artistique pointue qui est celle des artistes. Jamais, il ne tombe dans la facilité de l’immense tube commercial pour relancer l’ambiance.
Pierre Sarkozy vous prend la main pour vous guider dans une sorte de nirvana qui résiste au temps qui passe. «Les gros tubes sont oubliés très vite» précise Pierre. «J’aime les musiques qui provoquent des réactions moins euphoriques mais qui vieillissent dans nos têtes, nous poursuivent. Je ne cherche pas à voir des gens les bras en l’air toute la soirée sur le dancefloor, je préfère les ondulations des épaules.»
Il peut être fier de lui. Car, au Roof, au bord de l’Atlantique, les épaules ont suivi le mouvement des vagues sur des sonorités soul, disco, rhythm and blues inspirées des années soixante-dix de Al Green à King Curtis, de Stevie Wonder à Marvin Gaye. Autant de musiques qui ont bercé son enfance. Forcément, on imagine que ce sont les inspirations de son papa. «Je ne vous dirai pas le contraire» glisse Pierre. «La musique a toujours été importante pour mon père.»
Une nouvelle fois, Pierre, que nous avons retrouvé après son show à l’Hôtel Aventi de Mohammedia où il logeait, nous surprend. Malgré notre appréhension, il ne rechigne pas à parler de son père. «Mon père me soutient dans ma recherche du bonheur» confie-t-il. «Et si mon bonheur passe par la musique, ça ne lui pose aucun problème. Comme tous les pères du monde, il s’inquiète pour mon avenir. Voilà pourquoi, mon moteur n’a jamais été de me construire en opposition ou en rebellion contre quelqu’un ou quelque chose.»
Pierre a abandonné le droit, à l’âge de dix-neuf ans, quand il a pu signer deux titres sur un CD de Jamel Debouze. «J’ai compris que la musique pouvait me permettre de gagner ma vie» dit-il. «Depuis, je suis ma passion quand bien même elle sort d’une voie que l’on avait tracée pour moi. Mon père m’a toujours dit que le plus grand risque était de ne pas en prendre. En tout cas, il n’y a jamais eu le moindre problème entre nous concernant mes choix professionnels. Cela n’a jamais été un sujet.»
Celui du jour, c’est sa soirée, au Roof. «J’ai bien transpiré, c’est un bon baromètre» lance-t-il. «Jouer sur un toit-terrasse, c’est magique. J’essaye d’aller piocher parmi mes inspirations dans les hémisphères les plus proches des lieux où je joue. Mais je reste dans mon périmètre. Je ne jouerai pas quelque chose que je n’aime pas juste parce que c’est plus facile. Sinon, autant prendre un Juke-box.»
Cela aurait été dommage ! Fabrice Arnoux ne dira pas le contraire. «Le temps est passé très vite» dit le propriétaire du Roof qui ne regrette pas son casting. Ni la clientèle du Roof «chaude, festive et accueillante comme le Maroc» selon Pierre qui est un faux timide. «En fait, je suis surtout réservé» poursuit-il. «J’attends avant de me livrer. Je ne donne pas tout du premier coup. Pour la musique, c’est pareil, j’ai besoin de temps. Le set-time idéal, c’est entre 2 h et 5 h du mat’ afin de traverser pas mal d’émotions.»
Le temps de décoller l’étiquette «du fils de». C’est la raison pour laquelle il se produit davantage à l’étranger qu’en France. Avant Mohammedia, Pierre a joué à Odessa, Berlin, Ibiza, Londres et Beyrouth. Après un retour chez lui, à Neuilly-sur-Seine, dans la chic banlieue ouest de Paris, il repartira vers Tel Aviv et Los Angeles pour d’autres aventures musicales.
«Il y a des avantages et des inconvénients dans chaque situation» dit Pierre. «Porter mon patronyme n’échappe pas à la règle. Il faut faire la balance entre les deux et garder la tête non pas froide mais tiède. Il ne faut pas se laisser résumer à ça. C’est le défi majeur.»
A l’autre bout du monde, là où son patronyme est moins connu, il s’épanouit avec son pseudonyme. «La question, c’est de savoir ce que je vaux quand les gens n’ont pas accès à toutes les données sur ma vie» avoue-t-il. «Grâce à ce métier, je peux avoir un début de réponse. C’est important pour moi d’éprouver ma valeur d’homme aussi bien dans le travail qu’en amitié ou en amour.»
Amoureux du Maroc, comme son père, il reviendra «pour jouer ou pour des vacances.» Il aime la musique Ganawa mais confesse un manque de culture en musique africaine. Sportif, il prend soin de son corps et goûte avec plaisir aux sorties à vélo avec son père. Il ne boit pas, ne fume pas. «Il y a trop de clichés dans le milieu de la nuit» rigole-t-il.
Il rêve de faire un morceau avec D’Angelo, un chanteur de Neo soul américain. Il aimerait apprendre à monter à cheval. «Un grand regret» assure-t-il. Et dit qu’il mixera peut-être un jour sur des sons de Carla Bruni. «J’adore son univers» lâche-t-il. «Elle est brillante. Un jour, si les circonstances s’y prêtent, pourquoi pas...»
On l’a compris, Pierre Sarkozy ne s’interdit rien.