Pierre-Yves Bournazel: Bébé Sarko
Avril. 2009 \\ Par Jérôme Lamy

Ancien conseiller politique de Françoise de Panafieu, aujourd’hui conseiller de Paris du XVIIIe, Pierre-Yves Bournazel est le symbole du renouveau de la droite parisienne. A 31 ans, il ne cache ni son ambition, ni son admiration pour Nicolas Sarkozy

Appelé le jeune aboyeur de la droite ou le Rastignac de l’UMP Paris, selon le degré d’affection ou de crainte qu’il inspire chez ses adversaires politiques ou chez ses amis, Pierre-Yves Bournazel est un homme pressé. Ancien conseiller politique de Françoise de Panafieu et porte-parole, avec Jean-François Lamour, de l’ancienne candidate aux Municipales, ce jeune (31 ans) homme est aujourd’hui  élu du XVIIIe arrondissement. Connu pour son sens de la formule, son ouverture sociétale et son ambition assumée, Pierre-Yves Bournazel incarne la relève de la droite parisienne.
Comment est née votre vocation publique et votre engagement politique?
Il n’y avait pas de gens engagés dans ma famille, en Corrèze. A huit ans, je regardais l’heure de vérité. A dix ans, je lisais Le Monde et le Nouvel Observateur. Mais je ne les trouvais pas à la maison. C’est moi qui avais cette envie-là. Très vite, j’ai été passionné par la politique, par l’action publique. Très vite, j’ai eu envie de m’engager.

Clin d’oeil.- A huit ans, quels sont vos modèles, vos icônes politiques?
Pierre-Yves Bournazel.- J’écoutais tout le monde avec attention. C’était les années Mitterrand. Je penchais déjà un peu à droite même si je n’avais pas de conscience politique. Elle est venue plus tard, à l’adolescence.

C’est donc le crépuscule des années Mitterrand qui a nourri votre engagement à droite...
C’était la fin de règne de Mitterrand. Je n’avais connu que lui, je n’entendais parler que de lui et j’espérais autre chose. Qui plus est, je suis très pragmatique et je trouvais à l’époque, comme aujourd’hui encore, que la gauche française était trop dogmatique. Il faut néanmoins préciser que j’ai beaucoup de respect pour Mitterrand, aujourd’hui. C’était un homme enraciné, cultivé. Il avait une vision, que je ne partage pas toujours, mais il a marqué l’histoire.

La gauche n’a-t-elle pas évolué depuis les années Mitterrand?
L’ancrage idéologique de la gauche française dépasse les années 80 puisque il remonte au XIXe siècle. La gauche nous ressert depuis plus d’un siècle le même discours avec une sauce différente mais rien n’a fondamentalement changé.
C’est un discours très sarkozyste...
C’est Nicolas Sarkozy qui a vraiment guidé mon engagement à droite. Je le suis et je l’admire depuis très longtemps, bien avant qu’on pense qu’il puisse, un jour, être Président de la République. J’ai aimé son énergie, sa volonté, sa combativité lors de la campagne des Élections Législatives de 1993. Déjà, il assumait d’être de droite et d’être moderne.

Quand on est Corrézien, c’est bizarre de ne pas être chiraquien...
Quand on est corrézien, on a du respect pour l’homme mais ma génération, c’est celle de Nicolas Sarkozy. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer les hommes politiques corréziens, Jacques Chirac bien sûr, mais aussi François Hollande.
Vous avez 31 ans. Comment vous sentez-vous au sein de la droite parisienne?
Je me sens libre, devant une feuille blanche. Nous avons tout à construire. C’est passionnant ! Pour élaborer un projet, il faut des idées. Il faut travailler. Mais il faut le faire sans tabou. Il faut donner du sens à notre projet. Quelles sont nos idées sur le transport, le logement, la propreté, l’urbanisme, le Grand Paris ? Qu’est ce qu’on veut pour notre ville dans 20 ans ? Par exemple, je suis favorable aux tours de grande hauteur pour peu qu’elles soient de haute qualité environnementale, dédiées à l’activité économique et qu’elles embellissent les zones désertées aux portes de Paris. C’est à toutes ces questions qu’il faut répondre pour construire un projet alternatif à la politique de Bertrand Delanoë. Mais le politique n’a pas la vérité révélée, il doit donc s’ouvrir à la société civile, à tous ceux qui connaissent ces sujets. Pour cela, on doit fédérer les énergies, les talents et les compétences. Il faut que la droite parisienne apprenne à nouveau à additionner.

Est-ce que Françoise de Panafieu était la meilleure candidate pour fédérer?
C’était notre meilleure candidate mais il n’y avait pas d’espace. On sait que 80% des maires sortants, à la fin d’un premier mandat, sont réélus. C’était d’autant plus compliqué que Bertrand Delanoë jouissait, l’an dernier, d’une vraie popularité. A nous de mener dès maintenant la bataille des idées pour qu’il y ait un espace en 2014. Nicolas Sarkozy n’est pas devenu Président de la République en claquant des doigts : il a d’abord remporté la bataille des idées. Il a imposé ses thèmes, ses idées, ses convictions. Il a assumé ce qu’il était. Il était là où on ne l’attendait pas. La droite parisienne doit emboîter le pas au Président sans tabou.
Comment expliquez-vous la popularité de Bertrand Delanoë à Paris ?
C’est un bon communicant, qui a correspondu à ce qu’attendaient, à un moment, les Parisiens de leur maire. Je crois que la méthode Delanoë va mal vieillir.
Le futur candidat de droite doit-il être issu du Conseil de Paris ?
Je n’ai pas de religion sur la question, ni de tabou. Le ou la meilleure, celui ou celle qui sera le mieux placé pour remporter Paris devra porter nos couleurs. Si on a un bon projet et si on a renouvelé nos équipes, on aura toutes les chances de reconquérir la Capitale.

Quel bilan tirez-vous du second mandat de Delanoë ?
On ne sait pas où on va. Il y a un manque de vision. Delanoë a voulu faire de son premier mandat et du début de son second un exemple en matière de démocratie locale. Est-ce que quelqu’un est capable de dire combien de propositions nées en conseil de quartier ont été retenues par la Municipalité ? L’exemple du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de 2005 est d’ailleurs édifiant à ce sujet...

La droite n’a de cesse de tancer les hausses d’impôts de Delanoë...
La Ville de Paris, c’est 7 milliards d’euros de budget. La Ville de Paris a une compétence municipale et départementale, donc sociale. Bertrand Delanoë n’a pas pris conscience qu’il y avait une crise. En continuant à augmenter les impôts des plus fragiles, Bertrand Delanoë pense que la crise s’est arrêtée aux portes de Paris. La ville de Paris n’assume pas ses responsabilités. Quel est le plan anti-crise de Delanoë ? Il dit tout le temps : ‘j’ai dit pendant la campagne que j’augmenterai les impôts, donc je le fais’. Mais depuis la campagne, la situation économique a profondément changé. La crise frappe de plein fouet les Parisiens. La seule réponse de Delanoë, c’est d’augmenter les impôts de tous les Parisiens, quelque soit leur quartier et leur niveau social, à travers la hausse de la taxe d’habitation, qui concerne les plus modestes et les classes moyennes. L’autre réponse, c’est d’augmenter les loyers des logements sociaux. ça, je ne l’accepte pas. La vie des Parisiens est suffisamment difficile pour que les décisions municipales ne viennent pas la compliquer davantage. Dans le XVIIIe, les habitants des quartiers populaires sont fous de rage : outre la hausse de leur loyer et de la taxe d'habitation, leur quartier est de plus en plus sale et les problèmes d’insécurité prégnants.
Comment peut-on répondre à la crise du logement qui frappe Paris ? Les politiques ont-ils la clef ?
Il y a plusieurs pistes. Dire qu’on logera les 110.000 demandeurs de logements sociaux à Paris serait un mensonge. C’est pourquoi la question du Grand Paris se pose vraiment, aujourd’hui. Il faut réfléchir à une politique du logement à l’échelle du grand Paris. Il reste encore des zones défrichées aux Batignolles ou gare de Lyon, à aménager. Il ne faut pas se tromper de politique, en édifiant des ghettos de logements sociaux. C’est la création de richesse, qui manque à Paris. C’est la création de richesse, qui permettra une meilleure redistribution  en matière de logement. Il faut relancer la construction en respectant la diversité sociale. Ce n’est pas normal de continuer à construire des HLM à la Goutte d’or où il y a déjà plus de 50% de logement social, dans certaines rues. A l’inverse, je suis favorable à ce que le XVIe arrondissement accueille du logement social. Il n’y en a que 2,6% : je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas de logements sociaux dans le XVIe, à condition qu’ils s’intègrent dans le paysage urbain. Il ne s’agit pas de faire une politique gadget, il s'agit de répartir la diversité sociale dans la ville.

 

La droite parisienne doit-elle évoluer sur les questions sociétales?
Elle doit aborder ces thèmes sans tabou. Je n’impose rien mais, par exemple, je suis pour le droit de vote des étrangers aux élections locales. Les étrangers qui sont installés sur notre sol depuis dix ans, doivent avoir le droit de s’exprimer sur des questions d’urbanisme, de logement, de transport. Un Algérien ou un américain, vivant rue Montorgueil, a autant de légitimité à voter qu’un bulgare ou un anglais installé depuis six mois, qui pourra voter puisqu’il est ressortissant de l’Union Européenne. De même, si on pense que les étrangers ont le droit de voter aux élections locales ou si on est favorable à la célébration de PACS en mairie, on a le droit de le dire, même si on est de droite. On doit être extrêmement décomplexés sur tous ces thèmes. On ne gagne pas une élection sur ces questions mais on peut la perdre. On ne doit pas donner le sentiment qu’on est à côté d’une nouvelle sociologie. On doit être libérés, dire ce qu’on pense et cerner ce que sont les Parisiens aujourd’hui.

Quel rôle entendez-vous jouer dans la reconstruction de la droite parisienne ?
La nouvelle génération et moi-même devons amener de nouvelles idées dans un élan partagé par les plus expérimentés. Ce n’est pas parce qu’on représente la nouvelle génération qu’on a raison sur tout mais ce n’est pas parce qu’on représente la nouvelle génération qu’on n’a pas le droit de s’exprimer. On doit impérativement donner un nouveau visage à la droite parisienne. C’est indispensable pour séduire, à nouveau, notre électorat, et lui redonner confiance. Je suis de droite, à?Paris, et je l’assume, j’en suis fier. il faut être fier de porter nos couleurs. Il faut que les gens comprennent que le mouvement demain à Paris, c’est à droite, que les idées nouvelles, c’est à droite, que les ambitions nouvelles pour Paris, c’est à droite, que l’avenir, c’est à droite. Car, c’est la droite parisienne qui sera la plus qualifié pour répondre aux préoccupations de la vie quotidienne stressante des Parisiens. Vivre à Paris, ce n’est pas facile pour tout le monde. Comment faciliter la vie des Parisiens ? On doit répondre à cette question et la droite devra entendre les réponses concrètes de la nouvelle génération.

Beaucoup d’électeurs de Sarkozy à la Présidentielle ont voté Delanoë, notamment dans le 2e...
A nous de faire en sorte que les électeurs de Delanoë, en 2008, soient les électeurs de la droite en 2014. La politique, c’est force et conviction. C’est la capacité à modifier un rapport de force. Il n’y a ni fatalité, ni résignation à ce que la droite demeure minoritaire à Paris. Je n’y crois pas. Nicolas Sarkozy a été majoritaire à?Paris lors du second tour de l'élection présidentielle. A nous de nous inspirer du Président et de convaincre les Parisiens.

Vous avez dit que Bertrand Delanoë n’avait pas conscience de la crise. Etes-vous satisfait de la réponse du gouvernement ?
Il y a des efforts sans précédent, qui vont être faits à destination des classes moyennes. Le gouvernement a décidé d’octroyer une prime exceptionnelle de 500€ dès le mois d’avril et de faire une économie de 200€ sur le 2e et 3e tiers de l’impôt sur le revenu, en septembre, pour les catégories les plus affaiblies par la crise. A circonstances exceptionnelles, décisions exceptionnelles, c’est ce que le gouvernement fait mais il doit poursuivre ses réformes pour que la France devienne un pays compétitif et de plein emploi. Nicolas Sarkozy a été pragmatique afin de permettre aux gens les plus faibles de pouvoir faire face à la crise.
Est-ce que la droite a trop commenté le “pardon” de Ségolène Royal à Dakar?
Est-ce que Ségolène Royal fait de la politique ? Ce qu’on attend, c’est qu’elle propose des solutions. Or, on n’entend rien de sérieux. Parfois, on se dit: ‘heureusement que Nicolas sarkozy a été élu Président de la République.’ La politique, c’est du courage et des décisions et non des positionnements politiques stériles. Je préférais la Ségolène Royal de 2006, celle qui pourfendait les 35 heures et parlait d’insécurité. Il y avait une forme de sincérité et de courage chez elle. Depuis, on a l'impression qu’elle est retombée dans la critique systématique de l’action de Nicolas sarkozy.

C’est le piège pour la droite avec Delanoë...
Il faut avoir une opposition ferme et pas fermée. Il faut assumer ses convictions et ne pas se cacher derrière son petit doigt. Quand on n’est pas d’accord avec Bertrand Delanoë, on a le droit de le dire haut et fort. A l’inverse, ce n’est parce que Delanoë fait quelque chose, que c’est forcément mauvais.

Est-ce que vous avez des points de concordance avec Delanoë ?
Sur les question sociétales, sur les immeubles de grande hauteur, par exemple, je suis en phase avec le maire de Paris.

Quelle est votre position sur le travail le dimanche ? On entend beaucoup moins la droite sur le sujet depuis quelques temps...
La question est complexe. Il faut prendre en compte les commerçants, qui sont dans les quartiers concernés et qui ont besoin d’ouvrir, les touristes, les étudiants, qui aimeraient bien travailler. C’est difficile d’avoir une réponse idéologique à cette question. Dans certains quartiers de Paris, cette question ne doit pas être tabou. Il faut néanmoins veiller à ce que cela ne se fasse pas au détriment du petit commerce de bouche et de proximité. Quand les grandes surfaces sont ouvertes le dimanche, c’est une concurrence pour les Abbesses, Montmartre ou Montorgueil... 

Quelle est votre vision du Grand Paris ?
Paris est une petite ville de 105 km2, qui a besoin du Grand Paris pour répondre aux problèmes de transport, d’activité économique, de logement et de sécurité. Le premier, à parler du Grand Paris, à faire travailler une équipe d’architectes, c’est Nicolas Sarkozy. A nous élus parisiens et franciliens de travailler ensemble afin d’avoir une vision commune du Grand Paris. L’exemple des incidents de la gare du Nord, l’an passé, quand deux bandes rivales de Seine Saint-Denis étaient venues s’affronter, est symbolique en matière de sécurité. Que les compétences du préfet de Paris s’arrêtent aux limites du périphérique, c’est tout simplement aberrant.

En terme de transport, que proposez-vous d’alternatif à la politique de la majorité municipale ?
Je suis favorable à des couloirs de bus mais encore faut-il que les bus soient efficaces. Aujourd’hui, quand on prend le bus à?Paris, on ne sait pas à quelle heure on va arriver à son rendez-vous. Quand on fait des couloirs de bus, on engage de l’argent du contribuable, il faut donc qu’il y ait plus de bus qui circulent. Et des bus qui circulent mieux. Il faut aussi améliorer considérablement le RER et le métro en terme de sécurité, de tranquillité. Il faut répondre aux problèmes de vétusté des lignes A et B du RER. Il faut dédoubler un certain nombre de ligne, notamment la ligne 13 où il est impossible de circuler le matin et le soir. Il est temps de remettre de l’argent sur le transport en sous-sol. Le Grand Paris doit surtout nous permettre de diminuer le nombre de voitures à Paris, ce que j’appelle de mes voeux. Le Grand Paris doit nous aider à construire un métro circulaire, qui relierait les banlieues les unes aux autres, sans passer par la Capitale. Pour inciter les gens à laisser leurs voitures aux portes de Paris, il faut une offre de transport en commun crédible. Paris a besoin d’une vraie révolution des transports. Un jour, pas demain mais après-demain, il faudra un métro 24h/24... C’est un objectif fort, il va bien falloir y arriver. D’autres villes, dans le monde, le font... Pourquoi Paris n’y arriverait pas ? Il faut permettre à chacun, quelle que soit sa condition sociale, que ce soit les gens qui travaillent la nuit ou ceux qui sortent, d’aller et venir en toute sécurité, toute la nuit. Même si ce projet peut s'imaginer à une échelle de dix ou quinze ans, il faut réfléchir et en parler dès maintenant. C’est scandaleux que personne n’en parle. La vérité est détenue par quelque uns. On a l’impression que les choses sont immuables, que le métro doit fermer ses portes à 1h du matin la semaine, et 2h le week-end. On a envie de dire aux décideurs : ‘sortez ailleurs, et allez voir ce qui se passe dans les grandes métropoles européennes’. Les gens du monde de la nuit vous le disent: il ne se passe plus rien, à Paris... Aujourd’hui, pour faire la fête, il faut aller à?Barcelone ou à Berlin, pas à Paris.

On dit que vous êtes le Rastignac de la droite parisienne, le jeune ambitieux aux dents longues...
Je ne suis pas un héritier, si je ne vais pas chercher et que je ne prends pas, on ne me donnera pas... Rastignac ? On l’a dit de tellement de monde que ça devient éculé comme terme.
Est-ce que vous assumez votre ambition ?
Bien sûr ! La cacher, c’est hypocrite ! Quelqu’un qui fait de la politique, c’est quelqu’un qui doit avoir de l’ambition. Sans ambition, comment voulez vous porter des idées, fédérer des hommes et des femmes ?

Comment vous imaginez-vous dans 15 ans ?
20mn m’avait posé la même question. Je leur avais répondu maire du XVIIIe et je crois que je vais m’en tenir, à nouveau, à cette réponse...

Le XVIIIe, c’est un lieu important pour vous...
C’est le lieu où je vis. Un lieu qui me plait pour sa diversité sociale, internationale et générationnelle. La gauche détient tous les pouvoirs depuis des années. Bertrand Delanoë a les clefs de l’Hôtel de Ville, Daniel Vaillant a les doubles, à la mairie du XVIIIe. Je je veux faire sauter tous les verrous.