Pierre Bergé : « J’ai toujours été plus exigeant avec les peintres »
Pierre Bergé est un habitué des escales littéraires organisées par Elsa Soltes, au Grand Café de La Poste. Déjà, lors de la soirée dédiée à Abdellah Taïa, on l’avait aperçu, anonyme, passionné dans le public. Rien d’étonnant qu’il ait accepté de se prêter à l’exercice. Humaniste au grand cœur, Pierre Bergé a profité de l’occasion et du micro tendu par Elsa Soltes pour souffler sur les braises de son amour pour les écrivains au premier rang duquel on citera Proust. «C’est un peintre et un écrivain polymorphe. On n’en finit jamais avec Proust. Des gens passent leur vie sur Proust. Et je les envie...»
On citera aussi Giono: «il n’a jamais quitté son fauteuil; parfois les plus beaux voyages, on les fait chez soi». On citera surtout Cocteau. «C’est une histoire intime pour moi. Dire que j’éprouve de l’admiration pour Cocteau est un euphémisme. Il était devenu parano. Il pensait être détesté. Parfois, il avait raison.»
Pierre Bergé ne déteste personne. Pourtant, toujours au micro d’Elsa Soltès, la brillante maitresse de cérémonie, il dit : «il n’y a pas que les goûts qui peuvent changer. On peut changer de dégoût. Et le dégoût est souvent plus important que le goût». Et concède : «Camus et Malraux ne font pas partie de ma conception de la littérature. Cela dit, je n’ai pas toujours cherché les cimes dans ma quête de littérature. Les sommets, c’est fatigant et on manque d’oxygène. Il m’est arrivé de m’emballer pour de nombreux auteurs qui n’ont pas révolutionné le genre. En fait, j’ai toujours été plus exigeant avec les peintres...»
Et généreux avec les artistes. «Un artiste a toujours raison» lance Pierre Bergé. «Un artiste permet de voir. Oscar Wilde disait : ‘Avant Turner, il n'y avait pas de brouillard à Londres’. L’art n’est pas fait pour distraire mais pour provoquer. Tous les artistes anarchistes sont des démiurges. Leur rôle, c’est de jeter des bombes dans la société.»