Olivier Cadic : Il faudra compter avec l'UDI !
Août. 2015 \\ Par Jérôme Lamy

LE SENATEUR OLIVIER CADIC DENONCE LE CASTING DES CANDIDATS A L'UMP ET APPELLE PLUTOT AU GRAND MAELSTRÖM DES IDEES NOUVELLES. IL PREPARE L'ALTERNANCE DE 2017 AVEC L'UDI. PLUS QU'UN RETOUR DES HOMMES DU PASSE, IL VEUT PREPARER L'AVENIR ET RENVERSER LE SYSTEME.

Il a quitté la France pour Londres, en 1996, au son du canon avec le costume très voyant de l’entrepreneur « délocalisé ». Il a retrouvé l’Hexagone au son du clairon, le 28 septembre dernier, par la porte majestueuse de la Chambre Haute, suite à son élection comme Sénateur des Français de l’étranger. Olivier Cadic a l’art du contre-pied. Entrer au Palais du Luxembourg à 52 ans, là où beaucoup terminent leur parcours politique, est une promesse d’un avenir majuscule. Vice-président de la délégation aux entreprises et membre de la commission aux Affaires sociales, Olivier Cadic n’est pas là pour le protocole. «Appelez-moi par mon prénom» demande-t-il aux huissiers qu’il croise chaque semaine, au bas de l’escalier d’honneur qui mène à l’hémicycle. «Je vis chaque semaine comme si elle était la dernière de ma vie. Ici je ne fais que passer» prévient-il.

Né d’un père breton, Jacques, ingénieur à la Maison de la Radio, et d’une mère, pied-noir d’Algérie, Suzanne, comptable - «une des clefs de mon succès précoce dans le monde des affaires» confie-t-il - Olivier Cadic a quitté l’UMP au début de l’année 2011 après qu’elle lui a refusé l’investiture pour les élections législatives, à Londres.

Ancien membre des centristes de l’UMP, Olivier part seul au combat et réalise le meilleur score d’un indépendant à l’étranger. Pas question pour lui de se présenter sous la bannière du Modem. «En 2007, Bayrou a bousillé tous ses soutiens alors qu’ils lui avaient permis d’atteindre un score historique à la présidentielle. Il a pris la tête de l’UDF qui comptait 107 députés en 1998. En 2012, le Modem n’en compte que 2. Il va voir Hollande quand il veut la peau de Sarkozy, puis il va voir Juppé pour se faire élire à Pau: quel triste spectacle de la politique...».

Dans la dernière ligne droite de la législative 2012, ce créateur d’entreprise autodidacte retrouvera Jean Arthuis qui l’invitera à cofonder l’UDI et à travailler sur son projet européen. «Depuis deux ans, tout ce que je n’ai pas pu faire à l’UMP, je l’ai réalisé à l’UDI» dit Olivier Cadic sans fausse pudeur. «A l’UMP, j’avais le sentiment de devoir réunir des spectateurs dans le seul but de remplir des salles et non de débattre des idées. A l’UDI, le projet est au centre de notre construction.» Et Olivier Cadic au centre du jeu. «Quand j’ai voulu être candidat aux législatives, j’ai perdu; quand je n’ai rien demandé, l’UDI a proposé ma candidature au sénat» résume-t-il avec une humilité qui est une signature.

Il cite Albert Einstein : «N’essayez pas de devenir un homme qui a du succès, essayez de devenir un homme qui a de la valeur». Pour les questions sociétales, il écoute beaucoup sa fille, Margot, brillante élève en études politiques, à Londres. «Sur toutes ces questions, il faut faire attention au choc générationnel» dit-il. «Ma fille m’a aidé au sujet du Mariage pour tous. Je n’ai pas eu à le voter mais j’y aurais été favorable même si j’avais heurté des personnes.»

Une respiration rompt un silence. Il poursuit: «j’aurais été fier d’être aux côtés de Simone Veil pour l’IVG.» Il pense que la GPA devrait être discutée à l’ONU. «La marchandisation du corps humain nécessite un débat mondial.» Il érige la liberté individuelle comme une ligne de conduite. «On ne peut pas s’immiscer dans le droit de mourir ou de se marier».

Vous êtes entré en politique tardivement.?Pouvez-vous nous raconter votre parcours?

La politique est venue à moi. Je n’ai rien demandé à personne. En 2005, Joëlle Garriaud-Maylam, Sénatrice des Français établis hors de France, m’a convaincu que j’étais fait pour la politique. Sa proposition tombait au bon moment. En 2006, lors de l'élection des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), j’ai conduit la liste UFE au Royaume-Uni, avec le soutien de Nicolas Sarkozy qui cherchait des personnalités issues de la société civile.

Votre carrière politique a débuté pendant l’accession de Nicolas Sarkozy au pouvoir...

A l’époque, j’étais fasciné par Nicolas Sarkozy, son énergie, sa jeunesse, son aura, l’espoir qu’il levait. Comme chef d’entreprise, j’étais sensible à son discours. Il donnait du sens à mon parcours.

On sent une pointe de déception dans votre voix...

Chirac s’est fait élire en 1995 avec le soutien d’Alain Madelin qui prônait une libéralisation de notre économie. Chirac l’a révoqué quelques semaines plus tard. Nous étions tous frustrés par la frilosité de Jacques Chirac. Nous attendions énormément de Nicolas Sarkozy. Il a voulu aller trop vite et a pris des décisions à l’emporte pièces. Il n’a pas baissé les charges hormis celles sur les heures supplémentaires. Il n’a pas donné aux entreprises l’élan dont elles avaient besoin. Surtout, son discours de Toulon, sur la crise financière, à l’automne 2008, a fini par noyer mes illusions. Sarkozy s’est fait paternaliste alors qu’il vantait la responsabilité individuelle pendant sa campagne. Est-ce mobilisateur de dire au peuple que l’on va régler ses problèmes sans en avoir les moyens ?

Votre idéologie politique a toujours été clairement positionnée à droite. Pourtant, vous pourfendez régulièrement l’héritage du Gaullisme et la notion de chef.

L’approche martiale, la vision bonapartiste d’un chef qui décide de tout ne fonctionnent plus au 21e siècle. Contrairement à ce que pensait le Général de Gaulle, l’élection au suffrage universel du président de la République n’apporte pas l’autorité nécessaire pour entreprendre de grandes réformes. Au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. Ce n’est pas un vote d’adhésion. De fait l’Etat de grâce ne dure jamais très longtemps. Les partis centralisateurs ont un point commun lorsqu’ils ont la majorité à eux seuls à l’Assemblée nationale : on entre avec ses idées, on sort avec les idées du chef ! Les députés élus dans la foulée de la présidentielle ont un rôle très relatif. A l’UDI, nous prônons une décentralisation maîtrisée et une alliance équilibrée entre des partenaires. Il est nécessaire d’établir des coalitions pour constituer une majorité. Les grandes réformes nécessitent la recherche préalable du consensus.

Le Président de la République a-t-il trop de pouvoir, en France?

Evidemment ! La Ve République concentre trop de pouvoirs sur un seul homme. A titre d’exemple, le Président de la République peut décider seul de l’envoi de nos forces armées à l’étranger ou d’engager nos forces nucléaires. Il n’y a pas un seul pays démocratique qui fonctionne de la sorte.

L’UDI doit-elle participer à une primaire ouverte à l’ensemble de la droite et du centre?

Non ! Il est évident que si Juppé échoue face à Sarkozy lors des primaires, Bayrou voudra repartir pour un tour en se prévalant du centre... De mon point de vue, l’UDI n’aura pas le choix. La 3ème force parlementaire doit être présente à l’élection présidentielle. D’autant que Jean-Christophe Lagarde est capable de ringardiser très vite certains dinosaures et de créer la surprise. Tony Blair et Barack Obama étaient inconnus du grand public deux ans avant l’échéance qui les a propulsés.

Comment analysez-vous la popularité nouvelle d’Alain Juppé?

Le phénomène Juppé repose sur des instituts de sondages dont les questions balayent tout l’échiquier politique. Forcément, Juppé est plus populaire que Sarkozy auprès du peuple de gauche. Or, ce dernier ne glissera jamais un bulletin Juppé dans l’urne. Il faut donc se méfier des effets de loupe, ceux-là même qui avaient placé Barre, Balladur ou Jospin sur orbite. Sans oublier que Juppé est un homme politique très impliqué dans les gouvernements du passé, dirigés par le RPR puis par l'UMP. A l'inverse, l'UDI est le seul parti qui réunit une nouvelle génération. La famille centriste est à nouveau en capacité de conduire notre pays, ce qui n’est plus arrivé depuis 34 ans... Le problème n'est pas la personnalité de tel ou tel, c'est ce qu'on propose de nouveau aux Français. Le problème, c'est le système. En 2017, je vous le dis, il faudra compter avec l'UDI !

La candidate anti-système, c’est Marine Lepen. Avez-vous peur du FN?

Bien sûr, la musique actuelle ressemble à celle des heures sombres de nos livres d’histoire. Je suis sans doute en décalage avec les sondages mais je ne veux pas croire que la présence de Marine Le Pen, au second tour de la prochaine élection présidentielle, soit assurée. La France est au point mort, avec le FN ce serait la France en marche arrière ! Ca me parait surréaliste. Le programme du FN repose sur le néant absolu, sur le seul rejet. Mais, attendons de voir où nous en serons dans deux ans. Le pire n’est jamais certain…

Etes-vous un chef d’entreprise ou un politique?

Je suis toujours un entrepreneur mais je suis devenu un homme politique au service de l’intérêt général. Un homme politique dont le seul souci est le résultat, les réalisations concrètes. Un homme politique dont l’unique préoccupation est de faire sauter les verrous et libérer les initiatives. Un homme politique dont l’inquiétude est de répondre à deux questions essentielles : qui fait quoi et pourquoi on le fait? Si on trouve ces deux réponses, on va alléger le fonctionnement administratif. En tout cas, je fais de la politique sans dogmatisme mais avec les yeux d’un entrepreneur. Je me demande toujours qu’est-ce qui fonctionne ? Je ne viens jamais avec une solution toute faite. Je viens avec une démarche qui permet de trouver la lumière à travers un management participatif, à l’image de notre mise en place du Plan Ecole, à Londres.

Quelles sont vos ambitions politiques?

Je n’ai pas l’habitude de cette vie-là et des égards dus à ma fonction. Je prends beaucoup de distance avec tout ça. Mes ambitions sont la réalisation de mes objectifs, de mes défis. La fascination des statuts et la logique de cour ne font pas partie de mon logiciel. Etre proche du calife pour avoir la meilleure place mais ne rien en faire, ça n'est pas moi ! Je suis là pour travailler. Si on a besoin de moi, je suis là. Si on n’a pas besoin de moi, ça n’est pas grave. Je n’ai aucun plan de carrière…

Votre élection au sénat vous a permis de retrouver la France que vous aviez quittée, en 1996...

Je suis parti car les charges sociales trop lourdes menaçaient la survie de mon entreprise. J’avais déclaré que mes clients, qui avaient des usines en France et qui ne pouvaient se déplacer comme moi, disparaitraient si rien n’était fait. Il y avait 138 usines de circuits imprimés en 96. Il en reste 20, soit une disparition en moyenne tous les 2 mois depuis près de 20 ans. La France est bloquée, shootée aux emprunts publics et anesthésiée par sa dette. 60% de la nouvelle génération envisage désormais son destin sous d’autres cieux. Une partie de la population révèle sa désespérance dans les urnes. Mais la France conserve de beaux atouts. Elle peut se relever à tout moment si on la libère de ses carcans.