Morjana Alaoui acte II
Clin d’oeil.- Avez-vous hésité avant d'accepter le rôle?
Morjana Alaoui .- Pas une seule seconde je n’ai eu l’ombre d’un doute. A la première lecture du scenario, j’ai été absorbée par l’intensité de l’histoire. J’ai trouvé que le film avait du fond et de la matière. J’étais submergée par Martyrs et son suspense permanent. J’ai tout de suite voulu faire partie de cette histoire. Mon rôle m’a aussi très vite convaincu. Anna est un personnage fort et extrêmement complexe. Elle est animée par une contradiction qui n’est pas forcément apparente : son extrême bonté en fait quelqu'un de presque abstrait mais en même temps, elle existe, elle est palpable et profondément humaine. Ce personnage m’a fascinée, je voulais plus que tout jouer ce rôle.
Entre Marock, votre premier film, et Martyrs, c'est quand même le grand écart...
Je ne peux pas dire le contraire. Mais on ne fait pas ce métier pour jouer le même rôle à satiété. L’univers de Marock m’était familier. Je connaissais bien le sujet et les problématiques du film. Marock constituait le premier long-métrage pour la plupart de l’équipe, il y avait une énergie de groupe, une dynamique qui était nécessaire à l’intrigue. Le travail pour Martyrs était tout autre. C’était plus individuel, chacun devait trouver ses marques sur le plateau et donner son maximum pour que cela fonctionne. L’univers de Martyrs est à l’opposé de Marock, c’est un film d’horreur à suspense, l’énergie et le travail étaient du coup, complètement différents.
Qu'attendez-vous à titre personnel de ce film?
C’est un film qu’on fait sans se poser de questions, on se lance ou on ne le fait pas. Aujourd’hui, je peux dire que j’aimerais avoir d’autres projets aussi forts, iconoclastes et percutants : en clair, des projets qui sortent des sentiers battus...
Quelle était l'ambiance sur le tournage?
Le travail était très intense et autonome, on n’avait pas le temps de se poser des questions, de réfléchir. Il fallait foncer ! J’ai mis tout ce que j’avais à l’intérieur de moi pendant les six semaines de tournage. J’ai encore énormément de choses à apprendre mais Martyrs m’a formée en tant qu’actrice. Physiquement, il fallait être en super forme pour tenir le rythme du plateau et gérer toutes les cascades. L’ensemble de l’équipe était très positive et solidaire.
Est- ce qu'il est possible de sortir intacte psychologiquement d'un tel rôle?
Durant le tournage, mon implication dans mon personnage était totale. J’étais très concentrée, j’angoissais beaucoup, mais je n’ai eu aucun mal à sortir de ce rôle en revenant à Paris. Je n’ai pas encore eu l’occasion de connaître la difficulté de sortir d’un rôle. ça doit être une expérience ô combien troublante.
Quelle a été la réaction de vos parents après avoir vu Martyrs?
Au début, ils étaient très surpris de me voir évoluer dans un rôle aussi différent de ce que je suis. Ils ont été très marqués par le film. Ils ne sont pas restés attachés à la violence physique mais ils ont davantage lu dans Martyrs une réflexion réelle et profonde sur le rapport à la souffrance. Ils ont adoré le film, son intrigue et la relation entre les deux personnages principaux.
Physiquement, vous avez été obligée de raser vos cheveux pour les besoins du scénario. Avez-vous davantage de succès auprès des hommes avec les cheveux courts?
Je ne me suis jamais posée la question (rires). A l’aéroport, on me prenait pour un mec ! C’était donc super cool d’avoir la tête rasée...
Quand avez-vous eu la volonté de devenir comédienne?
Dès les premières scènes que j’ai tournées dans Marock, j’ai compris que quelque chose m’attirait fortement dans ce métier. Avant, je ne m’étais jamais posée la question. D’ailleurs, aujourd’hui, je n’ai pas encore réglé cette interrogation : je ne sais toujours pas si je veux être comédienne. J’entretiens un rapport assez particulier avec ce métier, une relation amour/haine…
Avez-vous suivi des courts d'art dramatique?
C’est après avoir tourné Marock que j’ai essayé plusieurs écoles différentes, Florent, Pygmalion mais aussi des cours chez des particuliers. Chacune d’elle m’a apporté un enseignement différent. Mais en arrivant sur le tournage, plus rien ne compte, c’est l’énergie du plateau qui m’aide à me concentrer et à rentrer dans mon personnage.
Si vous n’aviez pas été comédienne, vous auriez aimé évoluer dans quelle profession?
J’ai suivi les cours d’une école de journalisme, j’aurais donc sûrement continué dans cette profession.
Avec quel réalisateur aimeriez- vous tourner?
Terrence Malick, sans aucune hésitation. A l’image de La Ligne rouge, tous ses longs-métrages sont considérés comme des œuvres majeures du cinéma contemporain.
Quel est le rôle de vos rêves?
Je rêve d’un rôle très sombre. Pourquoi pas une junkie qui lutte pour faire face à la vie, pour survivre? En même temps, j’ai très envie de jouer dans une comédie.
Est- ce qu'il y a un rôle que vous pourriez refuser?
Oui, tous les rôles qui constituent des clichés sur mes origines.
Pensez-vous que les actrices d'origine maghrébine sont suffisamment considérées sur le marché du cinéma français? La plupart des scenarios que j’ai reçus sont caricaturaux : j’ai quatre frères qui me cassaient la gueule dès que je sortais boire un café avec ma petite cousine... Je pense avoir répondu à votre question (sic)...
Marock a rencontré un vif succès au Maroc. Avez-vous envie de tourner dans votre pays d’origine?
Oui, il y a différents projets auquel j’aimerais participer. Les sujets sont variés, et du coup les rôles peuvent être très intéressants. Franchement, j’aimerais clairement tourner au Maroc.
Comment se porte le cinéma marocain?
Le cinéma marocain est en ébullition, de plus en plus de projets se concrétisent. En plus, les films marocains voyagent aujourd’hui à travers le monde et sont représentés dans les plus grands festivals. Le cinéma au Maroc est en pleine dynamique, des écoles de cinéma sont créées, le public s’y intéresse davantage. Cela dit, le plus gros souci, c’est le manque de salles à cause du piratage. Il va falloir faire face à ce problème.
Quels sont vos projets?
J’ai un projet de film au Maroc. Je travaille aussi avec Leila Marrakchi sur son prochain long-métrage.
Pouvez-vous nous parler de votre vie à Paris?
J’en ai souvent assez de Paris, mais dès que je quitte cette ville, elle me manque.
Pourquoi avez-vous décidé de vous installer dans la quartier Montorgueil?
J’aime l’énergie qui se dégage de ce quartier, on peut passer d’une ambiance à une autre. On se sent vraiment au centre de Paris. J’y ai trouvé mes repères, mes habitudes et ma tranquillité.
Comment vous imaginez-vous dans dix ans?
Franchement, je ne sais pas. Je ne me pose pas la question : je ne sais même pas ce que je vais faire demain.