Momo, sincère, comme un grand frère
Partager un thé marocain avec Momo, en début de soirée, dans le cadre cosy et so british du Duke's Bar, à l'Amphitrite Palace de Skhirat, c’est aussi incongru que prendre un petit-déjeuner avec un veilleur de nuit. Il y a un décalage assez foudroyant, la vague impression de ne pas être avec la bonne personne au bon moment. Momo est le roi de la radio. Mais c’est surtout le prince du morning. Depuis septembre 2009, c’est au micro de Hit Radio qu’il réveille des millions de Marocains.
A l’Amphitrite Palace où Didier Escartin, le charismatique directeur général, nous a reçus avec sa légendaire élégance, Momo nous attendait installé dans un joli fauteuil, avec sa bonne bouille, ses vannes décapantes, ses millions d’auditeurs et un chapeau sur la tête pour cacher tout ça. Il se débattait surtout avec sa carte bleue pour régler sa facture de téléphone sur son mac portable. Plutôt timide, comme les grands comiques, il n’a montré aucune impatience malgré notre retard.
Et s’il entamera, après les vacances d’été, sa huitième saison sur la matinale de la grande radio de la jeunesse marocaine, il fêtera surtout cet été, avec la gourmandise non feinte de celui qui mesure l’altitude atteinte, le dixième anniversaire du lancement sur les ondes de Hit Radio dont la licence de diffusion a été signée le 27 mai 2006.
Lui, l’homme des premières heures - la diffusion sur les premières fréquences de Hit radio remonte aux premières lueurs de juillet 2006 -, des premières sueurs et des premiers bonheurs aura forcément un pincement au cœur. Pas seulement parce que sa notoriété et sa popularité énorme dans le coeur des Marocains - «je ne comprends toujours pas les personnes qui veulent se prendre en photo avec moi» avoue-t-il - sont liées à la croissance exceptionnelle de la radio chère à Younes Boumehdi. Mais parce que son parcours ressemble à un rêve éveillé balisant la galère, la misère jusqu’à l’aisance et la reconnaissance.
Né à Casablanca en 1983, Momo, de son vrai patronyme Mohamed Bousfiha, traverse une enfance modeste, avec la bonne humeur qui est sa signature, boulevard Yacoub El Mansour, à proximité du boulevard Ghandi et du quartier Beauséjour. «Comme dit un proverbe arabe, on n’a pas d’argent, on n’a pas besoin d’argent» dit-il. Il avait seulement besoin d’amour. Avec Rachida et Hassan, la maman au foyer et le papa commerçant, il a été gâté. «En citant le prénom de ma maman, je prends le risque d’être ensorcelé par une jolie jeune femme...» dit Momo, mi-sérieux, mi-plaisantin.
Pourtant, il n’a jamais fait les choses à moitié. Doué pour les études, il se noie dans le travail et ne laisse que d’excellents souvenirs à l’école primaire Oudiri, au collège Gandhi et au Lycée Moulay Abdellah. Quand il accepte d’aider son père, vendeur de chaussures à la foire internationale de Casablanca pendant le ramadan, le jeune adolescent relève le défi comme si sa vie en dépendait. Il ne le sait pas encore mais il vient de trouver sa voie grâce à son papa. «Je criais Mia (NDLR: 100) Dirhams toute la journée» se souvient Momo. «En fait, c’était ma première expérience d’animateur. Je prenais du plaisir à vendre ces paniers de chaussures soldées.»
Il ne bradera pas sa passion naissante pour l’animation et endossera régulièrement le costume de DJ, dès l’âge de 14 ans. «Un soir, j’ai trouvé un micro dans la cabine pour mixer» se rappelle Momo. «Je parlais aux clients quand je passais les disques. Ils étaient réactifs. J’ai trouvé ça génial.» Momo est le plus drôle de la famille. Celui qui fait le pitre pour détendre l’atmosphère alourdie par le handicap de sa sœur Salima. «Petit, j’ai trouvé une caméra. A l’époque, c’était aussi fort que d’avoir croisé un extraterrestre. Je me suis filmé. Je me souviens avoir fait le fou...»
Est-ce le désir d’attirer l’attention ou de prendre le pouvoir sur les autres ? Il y a sans doute un peu de tout cela. Reste que Momo se découvre une vocation et s’invente un rêve. Il sera animateur radio ou artiste. «J’ai su très tôt ce que je voulais faire» assure-t-il. «Les animateurs radio m’ont toujours fait rêver. On ne les connait pas. Et on croit tout ce qu’ils disent. Je trouvais ça magique.»
Peu importe que l’offre radiophonique se circoncise à trois radios publiques, peu importe qu’il n’y ait aucune formation diplômante sur le marché, Momo croit en son étoile hertzienne. Et s’il suit des cours de Sciences Juridiques, Economiques et Sociales à la faculté Cadi Ayyad de Marrakech, s’il travaille dans un centre d’appels pour boucler les fins de mois, sa tête et son cœur sont ailleurs. «‘SFR bonjour, vous voulez noter les coordonnées ou je vous les envoie par sms?’ Vous avez déjà entendu cette phrase? Et bien, c’était moi !» lance Momo. « En tout cas, mes parents étaient si heureux que je débute une carrière dans un centre d’appels SFR.?C’était d’ailleurs leur grande idée afin que je bénéficie de la CNSS. Ils me disaient ‘trouve-toi une femme qui travaille dans le centre d’appels, épouse-là, faites des enfants qui travailleront dans un centre d’appels et ouvrez un centre d’appels familial.’»
Forcément, ça ne le fait pas rêver. Il restera un an sur les bancs de la fac. Pas davantage chez SFR. L’artiste sommeille en lui. Il préfère les animations en supermarché chez Marjane à Casablanca ou Label Vie, à Rabat. Il se déplace également pour les anniversaires. Sa taille (1m86) lui permet même de jouer les videurs dans certaines soirées. En fait, Momo n’attend pas son heure. Il courbe le destin. Il écoute régulièrement l’émission Vol de Nuit, présentée par Samir Snaji sur la Chaine Inter. «J’appelais beaucoup pour participer et intervenir à l’antenne» confie-t-il.
Surtout, il envoie une candidature spontanée à Radio 2M. A sa grande surprise, Marc Scherrer, le boss, le reçoit. Et le courant passe entre Momo et le patron de 2M qui ressent la passion énorme et la motivation extrême du jeune homme. Mais le CV de cinq pages de Momo, surtout garni d’animations de kermesses, ne réussit pas à masquer l’absence d’expériences à la radio. «J’ai confié à Marc Scherrer mon rêve absolu de devenir animateur» dit Momo. «J’avais 20 ans. Les radios n’étaient pas libérées. Il était difficile d’avoir de l’expérience. Scherrer m’a dit, ici, c’est 2M, ici c’est 4 étages, ici c’est la radio nationale, ce n’est donc pas possible de te recruter mais si tu veux faire un essai...»
Pour un test, ce sera un vrai test ! Momo prend l’antenne le mercredi 11 juillet 2013. Il ne la rendra que deux jours plus tard pour une émission qui aura duré quarante-huit heures. «On m’a retiré le micro un vendredi 13, vous comprendrez que j’ai une phobie de cette date» plaisante Momo. A l’époque, il ne rigolait pas. On lui reproche d’utiliser un langage de la rue intolérable sur une chaine publique. «C’était soit l’arabe classique, soit le français pas le darija» résume Momo. «On m’a dit que je parlais le Français comme une bête et que je ne ferais jamais carrière derrière un micro. On ne m’appelait ni Momo, ni l’animateur mais ‘smitu’ (NDLR: machin).
Il ne sera pas animateur mais... stagiaire producteur. «Marc Scherrer m’a proposé de rester à 2M» se souvient Momo. «Il m’a assuré ne rien me promettre, il m’a dit que je serais frustré de ne pas être à l’antenne mais que cette expérience me permettrait d’acquérir une maitrise générale des métiers de la radio». Momo laisse tout tomber pour se consacrer à sa fonction de stagiaire non rémunéré chez 2M. Il vend son matériel de DJ pour survivre... avec 20 dhs par jours. «5 dhs pour un premier grand taxi, 5 dhs pour un second grand taxi, 5 dhs pour 5 cigarettes Marquise, 4 dhs pour 2 cafés au distributeur» énumère Momo. «Il me restait 1 dh à la fin de la journée. Je prenais mes cafés en cachette pour que personne ne me demande de lui en offrir un. Heureusement, le déjeuner était offert par 2M qui me permettait également de rentrer chez moi avec le transport du personnel.»
Forcément, sa famille est inquiète et ne comprend pas l’abandon d’une carrière dans les centres d’appels. «Mon entourage me décourageait dans mon projet professionnel mais j’ai toujours écouté mon cœur et mon âme» confie Momo. «Une petite voix me répétait : ‘fonce, tu vas y arriver’. Il ne faut jamais abandonner ses rêves au coin de la route.» Le sien ne devient pas encore réalité mais il monte une première marche en signant un premier contrat de stagiaire rémunéré à 2000 dhs par mois. «Je vivais avec 50 dhs par jour: c’était Las Vegas» lance Momo. «Je pouvais offrir des cafés et acheter carrément le paquet de cigarettes.»
Sa famille reprend espoir et fait de nouveaux plans sur la comète. «Mes parents m’encourageaient à épouser une fille qui travaille à la radio, à faire des enfants qui travailleront à la radio et à monter notre radio nationale familiale» s’amuse Momo. Dire qu’ils ne comprendront pas son choix de quitter la stabilité de Radio 2M pour l’aventure avec Hit Radio est un euphémisme.
C’est la décision de Sa Majesté la Roi Mohammed VI d’opter pour la libéralisation des ondes marocaines et la création de radios privées qui a changé la vie de Momo. «Ma vie, au fond, ce n’est pas le problème» glisse le Momo. «Mais Sa Majesté la Roi Mohammed VI a changé la vie de millions de jeunes marocains qui ont gagné le droit de choisir leur média et surtout qui ont enfin trouvé une radio qui leur parlait.»
Quand on monte dans sa voiture, on peut désormais écouter la radio de son choix. Ce n’est quand même pas négligeable. Rarement décision n’a été aussi impactante sur la vie de notre jeunesse. Quand on a commencé à parler de radios privées, j’ai su que mon heure allait sonner. Pour toutes ces raisons, je remercie Sa Majesté.»
Momo doit aussi une fière chandelle à Marc Scherrer. C’est l’homme fort de Radio 2M qui a pris Momo dans ses bagages à l’instant de muter pour Hit Radio. «Je lui dois beaucoup, en effet» avoue Momo. «Au fond de lui, il a toujours cru en moi. On a toujours été très proches. Marc est aujourd’hui directeur de France Bleue Lorraine, à Nancy. On ne s’appelle pas souvent mais quand on se parle, ça dure des heures...» Il a eu besoin de moins de temps pour être séduit par Younes Boumehdi, le fondateur de Hit Radio. «Dans une interview avant la création de la radio, Younes faisait l’apologie des talents musicaux marocains, du rap marocain, du langage en darija, tout ce qui ne passait jamais à la radio. Une radio musicale marocaine, ça correspondait tellement à mes aspirations.»
Le 20 août 2006 est une date historique. Momo signe son contrat d’embauche sur Hit Radio. Il brûle d’impatience. «Depuis deux ans, sur 2M, j’avais vu et vécu pas mal de choses» dit Momo. «Je réalisais des émissions. Je préparais des interviews. Surtout, quotidiennement, je m’entraînais seul dans le studio pour endosser, un jour, un costume d’animateur. En fait, j’étais comme un footballeur qui est resté assis deux ans sur un banc de touche sans jouer.»
Il ne va pas seulement jouer. Il va gagner. Momo, lui l’ancien DJ, pioche dans son carnet d’adresses pour lancer de nouveaux artistes. «Lors des premières semaines, on travaillait avec un CD de secours» confie-t-il, un peu nostalgique de ces années riches en rencontres et créations.?En décembre 2006, Momo est animateur. Il fait la fierté de sa famille, notamment de ses parents, de sa soeur Salima et de son frère Adil, chef cuisinier. Il présente le Hit des Clubs avec son complice Marc Scherrer.
C’est ce dernier qui lui donne naturellement son nom de scène: Momo. «Les débuts ont été difficiles» se souvient Momo. «Nous avons commencé l’émission en version semi-enregistrée. Nous nous enregistrions et nous diffusions dix minutes plus tard. Nous cherchions un ton.?Je crois que nous l’avons assez vite trouvé entre le darija et le français. En fait, nous parlions le langage de la rue. Aujourd’hui, toutes les radios parlent ce langage-là. Il faut néanmoins se souvenir qu’on m’a reproché de déformer la langue»
Momo vole bientôt de ses propres ailes et présentera, seul à l’antenne, l’émission Les Dédicaces, dès septembre 2007. Son talent est aussi évident que son humour, son énergie, sa malice et ses vannes sont déroutantes, avec un sens de la répartie peu commun. Il utilise un langage simple qui fait mouche. Il ne triche pas avec les auditeurs. Il est vrai, sincère, comme un grand frère. C’est le rôle qu’il a choisi. C’est celui qui lui convient le mieux. Il ne l’a jamais abandonné. Tant et si bien que Hit Radio lui offre une émission à son nom, La Click de Momo où il régale les ondes avec une bande de potes.
Mais l’apothéose, c’est aux commandes de La Libre Antenne qu’il l’obtient. Émission phare, novatrice sur le concept, précurseur sur la ligne éditoriale, en avance sur son temps, prônant une antenne libre et une parole libérée dans la société marocaine qui découvre l’évasion des mots et du ton, elle attire l’attention, l’intérêt autant qu’elle choque. Les auditeurs appelaient et abordaient, avec Momo, le sujet de leur choix. Forcément, ils rentraient souvent dans leur sphère privée et intime. Et flirtaient avec les limites.
L’émission est si populaire que c’est à ce moment que Momo entre vraiment dans la maison et la radio des Marocains. «C’était une forme de consécration» convient-t-il. «Nous nous amusions tellement, notre succès était si important que nous ne savions pas si on devait dire stop ou encore aux auditeurs. Nous ne nous rendions pas compte que nous jouions avec des allumettes.»
Le feu couve. Il va s’embraser à cause d’une auditrice vulgaire. La sanction tombe. La HACA (Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle) signe la mort de l’émission. Momo est privé de six longs mois d’antenne. «Heureusement que j’ai vécu cette épreuve à 25 ans pas à 50 ans» dit Momo. «Je fais un super job mais c’est un métier dangereux. Ton propre métier peut être ton pire ennemi. Tu crois que tout le monde t’aime mais ce n’est pas de l’amour. En six mois, j’ai énormément appris sur la nature humaine et sur mes erreurs. Du jour au lendemain, j’étais devenu le chat noir. Mon téléphone ne sonnait plus. Et plus personne ne me répondait, ni me rappelait.»
Hit Radio reste fidèle à celui qui est devenu son animateur vedette. Momo est nommé directeur artistique, le temps de laisser passer l’orage. Après un gros vent, le ciel s’est éclairci et la star des ondes marocaines s’est assis dans le fauteuil du morning, en septembre 2009. Il ne l’a plus quitté depuis, au point que cette tranche horaire matinale le drape désormais comme une seconde peau. Son secret? La sincérité. «En arabe, on appelle ça la ‘niha’» précise Momo. «Je suis tout le temps de bonne foi. Je suis vrai. Je fais un métier vrai où il est indispensable d’aimer les gens. Je ne cherche pas à faire du cinéma, à biaiser, à tricher. Les gens n’aiment pas le fake.»
Momo, lui, offre sa vraie vie à ses auditeurs. Surtout, il il sait jouer à merveille avec le système médiatique. Sa demande en mariage, c’est sur l’antenne de Hit Radio qu’il la formule à la grande surprise de sa future femme Kawtar. Plus étonnant, il partage aussi son divorce avec ses auditeurs. «Quand je parle de mon mariage à l’antenne, tout le monde est content mais quand je communique autour de mon divorce, tout le monde me le reproche» regrette Momo. «C’est ça être vrai, c’est parler des bons moments mais aussi des mauvais moments. En tout cas, je ne regrette ni l’un, ni l’autre. Je ne suis pas un homme parfait.»
Et Momo de poursuivre : «Le divorce est une forme d’échec qu’il faut évacuer. Il y a une chose assez incroyable, tout le monde te donne des conseils. Et les proches, à qui tu avais raconté tes galères, te disent: ‘félicitations’ ! De toute façon, on ne peut pas se tabasser la gueule tous les jours devant des enfants sans prendre le risque de les perturber. Il est impossible de grandir sereinement dans un climat électrique.»
A Jamel Debbouze, qui lui demandait les raisons de son divorce, toujours au micro de Hit Radio, lors d’une émission spéciale consacrée au Marrakech Du Rire, organisée au Sofitel Palais Impérial, en juin 2015, Momo eut une réponse un peu différente. «J’ai pris du poids après mon mariage» a-t-il expliqué. «Au Maroc, on sait très bien que le mariage et l’arrêt de la cigarette font grossir. J’ai voulu avoir une explication. Comme j’avais arrêté de fumer un an avant le mariage, j’ai décidé de divorcer. Si je reprenais la cigarette, c’était plus risqué. Je suis toujours gros, donc c’est la clope !» Jamel est décontenancé. Et séduit par l’humour de l’animateur. Rien d’étonnant qu’il ait programmé l’animateur vedette, au Marrakech du Rire...
Toujours à Jamel, Momo lui demande de saluer ses enfants Hassan et Naëlle. «Ils ont 3 ans et 2 ans; 3-2, c’est un score de foot. Bientôt, 7-6, un score de tennis, puis 35-34 un score de basket» » précise Momo qui redevient sérieux. «C’est magique d’avoir des enfants. Je suis responsable. Je suis un papa. Mais, en vérité, ça ne change pas grand chose. Bien sûr, ils ne vivent pas avec moi. Mais rien, ni personne ne me feront changer ma façon d’aborder mon métier. Trop de personnes changent de vie après le mariage, c’est une grave erreur. Il n’y a pas un avant et un après mariage. Il y a seulement une vie avec des événements heureux ou moins heureux. Dans la langue française, il y a un mot que j’adore, c’est le mot ‘compagne’. Oui, les femmes nous accompagnent. Après, soit on fait carrière à deux, soit on fait carrière en solo.»
Solo ou pas - «Je suis célibataire en ce moment» assure-t-il. «Je n’ai pas de temps à consacrer à une histoire.» -, Momo mélange sa vie avec celle de la radio. Ça tombe bien puisque les deux sont liées.
La fameuse cigarette, c’est encore et toujours à l’antenne qu’il a décidé d’arrêter de la griller. «Dans mon rôle de grand frère, j’ai toujours déconseillé aux auditeurs de fumer» dit Momo. «Un matin, une jeune femme m’a fait remarquer que je n’étais pas crédible car je fumais chaque jour. J’ai eu un choc psychologique. J’ai déchiré mon paquet de cigarettes, en direct. Je ne fume plus désormais et je remercie cette auditrice.»
Il sait aussi occuper à merveille l’espace médiatique pour envoyer des cartes postales à ses auditeurs. Il ouvre son intimité à feu le magazine Hola Maroc pour refermer le dossier de son divorce. Il accepte de poser mi-femme, mi-homme à la Une du magazine Citadine. Et à nos confrères du magazine féminin Illi, il n’hésite pas à confier son peu de goûts pour les tâches ménagères mais assure «ramasser ses chaussettes sales.» Il va même plus loin en nous confiant «n’avoir jamais dragué une fan ou pratiqué le sport numéro un de l’homme marocain: demander le numéro de téléphone d’une fille dans la rue».
Dans le jargon médiatique, on appelle ça un bon client. C’est surtout un homme sincère. Il ne botte pas en touche à l’instant d’aborder le passage dans le morning, au mois d’avril dernier, du chanteur L-Fadly Meezo, qui a accusé l’animateur d’avoir voulu l’humilier pour faire le buzz, à l’instar des méthodes controversées de Cyril Hanouna. «Si j’avais voulu agir de cette manière, je l’aurais fait au début de ma carrière» précise Momo. «J’ai fait des centaines d’interviews et je n’ai jamais eu aucun problème. Mon but n’a jamais été de faire le buzz. Je suis de bonne foi. Parfois, ça peut être mal interprété. C’est surtout dommage que des personnes dont l’art ne permet pas d’exister, ni d’avoir des millions de vues sur You Tube essayent de se construire une notoriété en m’utilisant comme marchepied. Ils n’iront pas loin.»
Momo qui frôle le million de fans sur facebook est évidemment le bon client d’autant qu’il vient de franchir la barre des 400.000 followers sur Twitter et des 300.000 sur Instagram. «Je ne fais pas de la radio ou du stand-up pour compter mes fans sur facebook» coupe Momo. «Le vrai fan, c’est celui que je croise dans la rue, qui me salue et est heureux de me voir. Attention, je ne dis pas non plus que je néglige facebook. Au contraire, je suis tout ce qui se passe sur ma page.»
A 33 ans, Momo est un homme de son temps qui connait mieux que personne la société marocaine pour être en contact, chaque matin, depuis sept ans, avec sa jeunesse. «Les jeunes marocains sont super connectés sur le monde grâce à internet» dit Momo. «Ils voient comment les choses se passent ailleurs et ils ont envie que ça se passe de cette manière chez eux. Ils ont envie d’avancer vite. Mais il est difficile d’aller plus vite que la musique quand on n’a pas tous les outils pour cela.»
Il ne veut surtout pas être un exemple pour cette jeunesse. «Je suis seulement un mec passionné avec plein de défauts qui est allé au bout de son rêve» dit-il. «Les mômes rêvent d’un Maroc sans corruption, d’un Maroc qui bouge encore plus vite, d’un Maroc de l’égalité des chances. En tout cas, les choses vont dans le bon sens. On va y arriver, tous ensemble.» . N’empêche, Momo est entré dans le coeur des marocains comme un des porte-drapeaux de la liberté d’expression, un précurseur des la parole décomplexée. «En dix ans, la parole s’est totalement libérée» se réjouit momo. «En France, cela a pris plus de temps. Entre 2006 et 2016, l’évolution a été très rapide. Parfois, on doit se pincer pour se convaincre que ces émissions sont bien diffusées, au?Maroc.»
Momo ne veut pas être récupéré. Il veut rester un homme libre dont le destin lui appartient. C’est la raison pour laquelle il refuse l’idée d’avoir des modèles. «Chourouk Gharib, avec son émission Nwaddah Lik, sur Atlantic Radio ou Noureddine Karam, avec sa libre antenne Journal Ijtima3i, sur Radio 2M font partie des symboles de cette émancipation où Hit Radio a évidemment joué un rôle majeur» dit-il. «Sinon, il y a seulement des gens qui m’ont donné envie de faire ce métier comme Arthur, Difool, Cauet ou Baffie le meilleur sniper du Paysage Audiovisuel Français».
Il tord le cou aux comparaisons avec Arthur, le roi de l’audiovisiuel en France. «Non, je ne suis pas le Arthur marocain, de la même manière qu’Arthur n’est pas le Craig Ferguson français» précise-t-il. «En revanche, on ne dit jamais que certains de nos concepts ont été exportés comme la boite vocale dans la matinale de Fun Radio, en France ou chez Kiss FM, à Los Angelès.» Et si Momo concède une similitude entre son jingle et celui d’Arthur sur le thème Brazil, il dit en avoir parlé avec la star française née à ... Casablanca. Qui a plutôt bien accueilli l’hommage. «Il m’a juste taquiné sur les horaires de notre Matinale».
Car si Momo sévissait, au départ, sur la tranche 7h -11 h -ce qui lui a valu les sarcasmes d’Arthur qui estimait que ce n’était pas une vraie matinale- il opère désormais entre 5h30 et 10H. Forcément, il a une vie d’ascète. Il joue au football deux fois par semaine pour laver son esprit et recharger sa batterie. Il se complait dans une vie sans excès avec beaucoup de sommeil. «Mon réveil sonne à 5h du matin, donc à partir de 22h30, je suis aux abonnés absents» précise Momo qui vit dans le quartier de l’Agdal, à Rabat, non loin des studios de Hit Radio. Il ne s’imagine pas travailler sur une autre antenne marocaine. Pas seulement par fidélité. «Pour aller où?» demande Momo. «Bien sûr, travailler pour une autre radio marocaine paraît difficile...»
Peut-être, ainsi que le répand la rumeur, traversera-t-il, un jour, la Mediterranée pour prendre les commandes d’une grande matinale en France où sa popularité est de plus en plus forte depuis le succès de son spectacle Binatna (voir pages suivantes). «Mais je ne suis pas éternel» dit-il. «J’aime ce que je fais mais ça s’arrêtera un jour quand je n’aurai plus la foi, l’étincelle, quand je passerai à autre chose. L’humour est un métier à la durée de vie limitée. Arrêter ou pas? Partir ou pas? Je ne me pose pas encore la question...»
Au plus grand bonheur des auditeurs de Hit Radio qui sont des millions à écouter leur Momo national. Ils ne lui reprochent jamais de quitter l’antenne sans dire au-revoir. Sans doute parce qu’il a passé beaucoup de temps à leur dire bonjour... «Je ne dis jamais au revoir ni dans les soirées, ni à la radio. Car la vie continue...»