Mairie de Paris: quand débat rime avec pugilat
Les compte-rendus de mandat de Bertrand Delanoë sont de magnifiques moments de démocratie locale. Ce sont aussi souvent d’immenses purges quand les associations confondent démocratie et cacophonie. Le bilan de mandat du maire de Paris, au gymnase Jean-Dame, dans le 2e arrondissement, n’a pas dérogé à la règle: intéressant sur la forme (débat citoyen), inexistant sur le fond (règlement de compte).
Accueilli par le maire du 2e Jacques Boutault, accompagné de sa première adjointe Anne Hidalgo et de ses adjoints, Lyne Cohen-Solal (commerce, artisanat, professions indépendantes et métiers d'art), Annick Lepetit (déplacements, transports et espace public), Seybah Dagoma (économie sociale et solidaire), Pierre Schapira (relations internationales, affaires européennes et francophonie) et Jean Vuillermoz (sport): Bertrand Delanoë a su garder son calme et faire preuve d’une patience de hamster à l’instant d’écouter et de répondre à ces attaques frontales assez violentes.
En accordant un temps extraordinaire de parole - et forcément d’écoute - à des associations qui se regardent le nombril avant de penser à l’intérêt général et donc à celui des Parisiens, l’édile de la Capitale s’est retrouvé dans le rôle de l’arroseur arrosé. Et si Delanoë avait été attaqué l’an dernier à pareille époque, lors de son bilan de mandat, avec une véhémence que personne n’a oubliée, au sujet du Jardin Lalanne aux Halles, c’est cette année le débat autour du droit aux terrasses qui a animé la soirée .
Bien sûr, Bertrand Delanoë est un formidable orateur - sans doute le meilleur avec Nicolas Sarkozy et Dominique De Villepin - et il lui faut davantage que quelques Don Quichotte de quartier pour perdre la face, mais la pauvreté des débats pose la question non seulement de la légitimité des Associations à occuper avec autant de prégnance la scène municipale mais aussi de la nature même de l'exercice annuel du maire.
Ceci dit, la cristallisation des questions sur le seul sujet du droit des piétons n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour Bertrand Delanoë. Elle crée un écran de fumée qui porte à penser qu’il n’y aurait pas d’autres problèmes à Paris. ça évite de parler des questions qui fâchent, à l’instar de la hausse de la fiscalité locale. En expert de la communication, le maire de Paris a néanmoins mis les pieds dans le plat dès le début de la réunion pour mieux évacuer le problème. «L'augmentation de la taxe foncière pour les propriétaires est sensible mais elle est juste» a confirmé Delanoë. «Je le sais car je la ressens moi même. J’ai trouvé plus normal de modérer la hausse de la taxe d’habitation et d’augmenter davantage la taxe foncière car la valeur de biens des propriétaires a parfois triplé sur les dix dernières années. Il fallait assurer la répartition de l’effort et il n’était pas logique que seuls les locataires contribuent aux dépenses de la société.»
LA?LEGISLATION DES?TERRASSES
«Allez vivre à Rodez» avait lancé le maire de Paris aux Associations qui pourfendaient le droit des terrasses dans le centre de Paris, lors de son bilan de mandat dans le 1er arrondissement. Comme Bertrand Delanoë est un homme qui assume ses propos, il a remis le couvert en ventant les charmes de l’Aveyron. «C’est ici, qu’on veut vivre et pas ailleurs» s’est emballé Gilles Pourbaix, le Président d’Accomplir. Il en faut davantage pour destabiliser le maire de Paris. “Paris a la vocation d’une ville frondeuse et j’aime ça» s’est-il réjoui. «Mais, comme d’habitude, vous gâchez un bel exercice de démocratie locale en défendant des intérêts particuliers. J’habite depuis 34 ans à Paris, j’ai longtemps vécu dans le centre et le problème est évidemment plus complexe que dans le XIXe par exemple car les rues sont très étroites même si on a élargi beaucoup de trottoirs. Les terrasses de la rue Montorgueil font partie des vitrines de Paris. Il faut savoir que le maire de Bruxelles adore manger des huitres en terrasse rue Montorgueil. Qui n’aime pas vivre dans une ville animée? Qui n’aime pas aller au café? Ce sont les terrasses qui ont fait la renommée mondiale de la rue Montorgueil. C’est peut-être un excès de convivialité mal maîtrisé qui explique le débat actuel.?J’ai l’impression que la situation s’est dégradée ces derniers mois. Ce qui était sympathique et populaire est devenu insupportable, envahissant et bruyant.» Aux propos extrémistes d’un intervenant comparant «es commerçants à des hors la loi, la rue Montorgueil dans le meilleur des cas à un grand centre commercial et dans le pire des cas à une cellule de dégrisement où les Parisiens viennent faire la fête à Montorgueil avant d’aller dormir dans des quartiers sans bruit», le maire de Paris n’a pas reparlé de Rodez mais il a parlé «de nuisances sonores de Paris qui existaient bien avant que nous ne soyons nés». Aux accusations de mépris et d’omerta, Delanoë a dit : «je ne vous méprise pas mais je ne vais pas vous proposer la suppression des terrasses dans le Centre de Paris pour vous faire plaisir. Quant au mot ‘omerta’, je vous demanderai de le garder pour Berlusconi et les affairistes de la politique s’il y en a en France. Pour les terrasses, nous allons commander un audit, définir une charte, communiquer sur cette charte et avoir une démarche volontariste pour qu’elle soit respectée et sanctionner les commerçants.»
LA?RéNOVATION?DES?HALLES
Attaqué par Accomplir qui reproche à Delanoë de laisser trop de pouvoir à David Mangin pour la rénovation du Jardin des?Halles et de sacrifier la place René Cassin,Bertrand Delanoë a manifesté sa lassitude face à l’entêtement et aux oeillères des Associations sur ce sujet. «Il m’arrive de dire la même chose que les Associations mais vous ne m’écoutez pas» a précisé l’édile de la capitale. «J’ai toujours dit que la Place René Cassin serait conservée. Jamais la concertation et la démocratie locale n’auront autant fonctionné sur un dossier. Pour la rénovation des Halles, je demande seulement d’être jugé en fonction des résultats comme pour le Boulevard des Maréchaux. Je rêve de me balader en toute discrétion aux Halles, dans quinze ans, et de me dire ‘on n’a pas fait tout ça pour rien’. Voilà, mon ambition...»
OPPOSITION MUNICIPALE
“L’attitude de l'opposition municipale au Conseil de Paris ne la grandit pas» a lâché Delanoë. “En faisant une obstruction significative, elle ne fait même pas avancer sa cause. Quand on pense à ce qu’elle a fait pendant 24 ans lors qu’elle avait le pouvoir à Paris, il y a de quoi être circonspect.»