Louchebem: Les héritiers des halles.
L’histoire de Jeanne et Jojot ressemble un peu aux sagas télévisées de l’été. Le titre pourrait donner " les héritiers des boucheries des Halles "… Pas très glamour ? Et pourtant leur jolie aventure romanesque est sans doute la clé de leur éternel sourire et constante bonne humeur.
Petits, sûrement se sont-ils croisés en poussette dans le quartier agonisant des Halles du début des années 70. Jeanne allait chez son père et son grand-père aux Boucheries Premières pendant qu’Etienne, dit " Jojot " (c’est son nom de famille) se rendait chez son paternel aux Boucheries de Paris sises non loin, rue du Louvre. Les deux familles avant d’être concurrentes étaient surtout amies.
Chacun des deux amoureux ont leur lot de souvenirs de l’époque déchue des Halles. Jojot conserve les images de Vatier où l’on a fêté son baptême et où il voyait son père descendre sa demie roteuse quotidienne sur le zinc à 8h du matin lorsqu’il l’accompagnait. Il se souvient des mandataires, des «mecs avec des rouleaux de billets dans les poches et des discussions interminables pour 50 centimes qui faisaient partie du jeu» et de cette confiance perdue qui régnait dans le quartier : «mon père signait des chèques en blanc !», précise Jojot non sans émotion puisque son père s’en est allé il y a quelques mois à l’âge de 96 ans.
Pour Jeanne aussi l’année 2007 représente la fin d’une époque. Les Boucheries Premières créées par son grand-père puis reprises par son père et aujourd’hui Pierre, son cousin, ont dû se résoudre à quitter la rue du Faubourg Saint Honoré au printemps. Pourtant le couple grâce au Louchebem s’attellent à maintenir vivant l’ambiance des Halles.
Nos deux amoureux font vraiment connaissance vers 22 ans, lors du mariage du cousin de Jeanne. Mademoiselle termine des études d’hôtellerie chez Vatel, monsieur, diplômé en droit et anglais est embauché dans un grand groupe de presse comme traducteur et journaliste. Mais la crise de 1991 aura rapidement raison de ce premier job et Jojot s’essaye ensuite au négoce immobilier. «Je n’y suis pas arrivé, les collègues roulaient en Porsche, il fallait être un vrai requin, moi j’étais trop gentil» dit-il. En fait, il envie sa belle et aspire lui aussi depuis tout jeune à travailler dans la restauration.
C’est que Jojot aurait aimé faire Lausanne, mais sa mère ne voulait que son fils ait la même vie dure que son père, elle le voyait médecin ou avocat. Grâce aux relations du père de Jeanne, il fait pourtant son apprentissage sur le tas, dans une brasserie à Asnières, et en 1996, il reprend les rennes du Louchebem que le père de Jeanne avait ouvert 10 ans auparavant.
Le Louchebem, c’est un peu la mémoire des bouchers des Halles, d’ailleurs ce mot désigne l’argot utilisé par les bouchers parisiens et lyonnais. Evidemment Jeanne ne tarde pas à rejoindre l’affaire familiale et son cousin des Boucheries Premières fournit le restaurant et leur réserve toujours «le haut du panier» précise Jojot. Le Louchebem devient dans le quartier une véritable institution. Le jeune couple qui se marie alors à Saint-Eustache n’est pas peu fier d’augmenter le nombre de couverts de presque 30% ! Leur succès est tel qu’il ont repris le mois dernier le restaurant en face du Louchebem, le " beau vin " qui sera tantôt rebaptisé " Lamfé " (cela signifie femme en louchebem) et deviendra plutôt le fief de Jeanne : «il y aura une déco et une carte plus glamour, plus féminine, mais nos fournisseurs et notre savoir-faire restent les mêmes» indique la jeune maman d’Apolline, 6 ans et Louis-Etienne, 3 ans. Ainsi la descendance semble t’elle assurée et les deux petits Jojot peut-être perpétueront ils l’esprit des louchebems (1) des Halles.
(1)bouchers. Le jargon louchebem consiste à déplacer la première consonne d’un mot à la fin et la remplacer par un L. Enfin on ajoute un suffixe argotique tels –oque, -ji, -ème, -muche… Le mot loufoque, veut dire fou en louchebem par exemple.
Le Louchebem - 31, rue Berger - 75001 Paris
01 42 33 12 99