Les fulgurances d’Abdellatif Kechiche
Acclamé au dernier Festival de Venise où il a raflé le Prix spécial du Jury et celui de la meilleure révélation, décerné à la belle et talentueuse Hafsia Herzi, La Graine et le Mulet, est une histoire simple, celle de Slimane (Habib Boufares), un vieil ouvrier immigré des chantiers navals de Sète, mis à la porte car il n'est “plus rentable”, après des décennies de sacrifice.
Slimane décide alors d'ouvrir un restaurant de couscous (la graine) au poisson (le mulet) sur un vieux rafiot rongé par la rouille. Entre humiliations larvées et frustrations oubliées pour cet homme modeste, il bénéficie du soutien des siens pour relever cet impossible défi. De sa famille, de ses vieux copains de l'hôtel de l'Orient où il vit et élève sa belle-fille, la jeune Rym (Hafsia Herzi), qui lui voue une admiration sans limite. L'énergie déployée par Rym et Slimane, qui vont se lancer à corps perdu dans l'aventure, comme dans un pas de deux vertigineux, est une des fulgurances du film, célébrant ainsi l’improbable mariage entre l’incandescence de la jeunesse, la souffrance et la solitude des aînés.
En mêlant la comédie notamment lors d’un repas mémorable et la tragédie dans un tourbillon confondant, Kechiche tient pendant près de 2h30 le spectateur en haleine jusqu’à une fin irrespirable qui confine au chef d’œuvre, entre une danse ultime de l’amour et de la mort. La danse de la vie...