Lamia Berrada-Berca, le temps d'une balade romanesque...
Sobriété, convivialité et partage. Voilà ce que l’on retiendra de l’escale littéraire organisée par le Sofitel Jardin des Roses, à Rabat. Ce rendez-vous mensuel avec l’art et le talent, prisé par les amoureux de la littérature et qui a vu se succéder un nombre considérable d’écrivains de renom, a encore une fois tenu toutes ses promesses.
Notre hôtesse d’un soir n’était autre que Lamia Berrada-Berca, une personnalité haute en couleur, riche d’un métissage unique, le fruit d’un héritage pluriculturel, venue présenter son dernier et 6e roman Guerres d’une vie ordinaire. Loin du schéma typique de l’écrivain vivant en retrait, on la sent accessible, d’une simplicité déroutante pour le moins attachante. Ecrivaine romancière, elle a connu le succès avec ses premiers romans dont Kant et la petite robe rouge, traitant de sujets qui se rejoignent sur une même question phare, la pierre angulaire de ses écrits qui est la condition humaine entre liberté désirée et captivité oppressante.
Elle a su nous embarquer avec aisance et quintessence dans son univers poétique, à la force des mots. Nous la reconnaissons bien dans des thèmes qui lui sont privilégiés, ceux de la solitude. «Ce n’est pas parce qu’on vit tous ensemble qu’on n’en est pas moins extrêmement seul» dit-elle, mais aussi la hardiesse de la quête d’une identité propre à l’homme en tant qu’individu et membre de la société moderne.
Lamia Berrada nous livre dans un récit qui tient de la fiction, peint aux couleurs de la poésie, l’histoire d’un jeune homme, le héros d’une tragédie, vivant dans un monde où la réalité se révélera très souvent biscornue, mise sous silence, cachée et camouflée derrière un paraître jugé nécessaire. En conflit à la fois avec son intérieur et son extérieur, il tente tout au long du livre de trouver une échappatoire, cette porte de sortie qui lui permettra de se libérer d’une forme de dictature imposée, la dictature de la pensée et de la conscience. L’amour peut être comme ultime solution, celui d’une femme et des femmes, il en côtoiera.
Mais ce qui l’intéresse, «c’est l’écriture en soi beaucoup plus que l’histoire» confie-t’elle. «En réalité, l’histoire impose d’elle-même son écriture à la manière d’un moule dans lequel l’intrigue va se développer avec comme fil conducteur, ce lien à la poésie». Avec une narration imagée, c’est un authentique voyage qu’elle nous propose, une sorte d’errance ou de déplacement dans cet espace, «un espace dans lequel s’inscrit notre liberté fondamentale de pouvoir imaginer le réel autrement et de pouvoir dépasser parfois l’absurdité en croyant au sens qu’il peut donner à cette réalité».
En véritable réalisatrice, Lamia Berrada met en scène des gens qui deviennent les auteurs de leur histoire. «Des personnages extraits du réel, d’un quotidien qui est toujours moins lisse qu’il n’y parait» précise l’écrivaine. Son ambition est donc simple, lever le voile sur le non-dit voire creuser pour aller au-delà de cette surface souvent surfaite.
Elle a une vision large de la vie mais elle s’attarde surtout sur «le combat quotidien ». Nous serons donc ces guerriers qui, «à travers l’arme du rêve et du désir arriveront à se projeter et se construire des possibles ou des ailleurs, quelque chose qui permettra à chacun de nous d’espérer autre chose».
Apportant finalement des réponses mais aussi des questionnements, elle laisse ainsi à l’auditoire le champ libre à l’interprétation illimitée en s’appuyant sur une lucidité essentielle.