Kim Birkedal Hartmann ouvre les portes du Kimmy’z
On peut être né à Malselv, en Norvège, à 800 kilomètres au dessus du Pôle Nord. On peut avoir un ancêtre Viking, Moritz, qui fut compagnon de combat du Roi français Louis XIV et héros de guerre au sein de la flotte navale danoise. On peut avoir une maman, Aud Nordmo qui fut la première femme norvégienne à passer un brevet de pilote après la seconde guerre mondiale. On peut avoir vendu des millions de bouteilles de Cognac, aux Etats-Unis. On peut avoir été prof de ski à l’Oukaïmden, la station de sport d'hiver la plus haute d'Afrique et être aujourd’hui propriétaire d’un des restaurants les plus prisés de Casablanca.
Oui, c’est possible. L’homme, dont l’histoire familiale est un vrai roman, se nomme Kim Birkedal Hartmann et la fameuse table de Casablanca, c’est, bien sûr, le Kimmy’z. Avec, à ses commandes, un personnage à la vie aussi iconoclaste et romantique, un homme aussi élégant et raffiné, un chef d’entreprise aussi précurseur et visionnaire, le Kimmy’z ne pouvait être qu’un lieu à nul autre pareil dans le paysage casablancais. Le lien entre Kim et le Maroc tient du hasard ou plutôt d’une rencontre, à Bordeaux, après l’indépendance du Royaume, celle de sa maman Aud, avec le consul du Maroc, Omar Benomar, qu’elle a épousé.
Kim, dont le papa Ivan était consul de Norvège, à Bordeaux, accompagnera sa maman à Rabat, et fréquentera l’école Paul-Cézanne, dans le quartier de l’Agdal, où il suivra l’année scolaire 1962-1963. Kim a huit ans. Il a des rêves plein la tête et découvre un autre pays, une autre culture loin de ses repères bordelais où la famille Hartmann est installée depuis le début du XXe siècle, quand Halfdan, l’arrière-grand père de Kim, y fut nommé consul du Danemark et de Suède.
La famille Hartmann - devenue Birkedal Hartmann après le mariage de Simon Hartmann avec Augusta Birkedal - a souvent avancé sur deux jambes avec la diplomatie d’un côté, et le commerce des vins et spiritueux de l’autre. C’est à Cognac, en 1887, qu’Halfdan a fondé la société Birkedal Hartmann spécialisée dans le négoce de vins et spiritueux. Kim choisira cette seconde voie. Après des études de viticulture, à San Francisco, aux Etats-Unis, il rentre, à?Bordeaux, suivre les cours de l’IPC (Institut de Promotion Commerciale Vins et Spiritueux). Surtout, il partage sa jeunesse entre la France et le Maroc. Les vacances d’été dans la maison de Skhirat, en bord de mer, celles d’hiver à Ifrane où à l’Oukaïmden où ses cheveux longs bouclés, sur ses larges épaules, font un malheur. «Avec mon diplôme de moniteur norvégien, je pouvais faire le beau» rigole Kim.
Il se fait surtout des souvenirs pour la vie avec ses frères Karim et Driss auprès desquels il n’a cessé de vivre et de partager quotidiennement depuis son plus jeune âge. «J’ai une affection absolue pour le Maroc qui est un pays béni par les Dieux avec des paysages et des gens extraordinaires» confie Kim qui rentre d’un voyage au Chili et n’hésite pas à comparer les atouts des deux pays. «Je suis 100% norvégien, j’ai passé toute ma vie en France mais ma seconde patrie est le Maroc.»
Rien d’étonnant qu’après avoir fait de la société Birkedal Hartmann un acteur majeur du commerce mondial de vins et spiritueux - ses premiers marchés sont les Etats-Unis, la Chine et l’Afrique du Sud -, rien d’étonnant qu’après avoir fait preuve d’un vrai génie au niveau du marketing, du packaging et d’avoir été précurseur dans le mariage de la musique et du Cognac - son association avec la star du rap Ludacris lui a permis de vendre des millions de bouteilles du Cognac Conjure aux Etats-Unis -, Kim ait eu envie d’investir au Maroc où il visite toujours avec plaisir ses nombreux neveux et nièces. «Je fais vraiment partie de la famille Benomar: ce n’est pas ma belle-famille, c’est ma famille» confie Kim avec une émotion non feinte. «En fait, j’ai vécu toute ma vie entre la France et le Royaume. Depuis 50 ans, j’ai nourri des amitiés très fortes et j’ai multiplié les connaissances. C’est pourquoi, je me sens chez moi, au Maroc.»
Après avoir travaillé deux années durant à l’ouverture d’une filiale de la société Birkedal Hartmann, au Maroc, Kim a renoncé. «C’était trop compliqué» avoue-t-il. Du coup, il a décidé de se lancer dans la restauration et de reprendre le Kasbar, institution au cœur du quartier Gauthier de Casablanca, réputée pour ses nuits endiablées et son rendez-vous incontournable, chaque jeudi soir, autour du chanteur Maxime Karouchi.
Après six mois de travaux, le Kimmy’z a remplacé feu le Kasbar. Le 17 mars 2014, jour de l’inauguration, l’enthousiasme est général. L’architecte Jean-Jacques Radelet a su conserver l’esprit du lieu en parvenant à le réinventer avec des matériaux nobles et simples comme le bois, les caisses de raisin, le fer des miroirs géants, le cuir des fauteuils clubs, les ampoules à l’ancienne. «Au départ, il faut avouer que l’idée était surtout de nous faire plaisir avec le Kimmy’z» explique Kim. «Avec mes associés, nous avons la chance d’avoir beaucoup voyagé et visité les plus beaux restaurants et hôtels. Nous souhaitions donc concevoir un lieu où nous nous sentirions bien, où nous pourrions accueillir nos amis dans les meilleures conditions et où je pourrais offrir une vitrine à mes produits. Nous n’avions pas forcément imaginé que les clients adhéreraient autant à cet endroit.»
La recette du succès du Kimmy’z, où se presse chaque soir le Tout Casa, tient forcément dans la volonté de Kim Birkedal Hartmann, homme d’esprit et de goût, à magnifier l’art de vivre la brasserie française et la dégustation des grands vins et bons cigares. Pour véhiculer cet esprit, Kim n’a pas pris beaucoup de risques. Il a confié le bébé à son fils Godfred et à sa belle-fille, Amélie. Ils sont jeunes et beaux, dynamiques et branchés. Et ils ne manquent ni d’idées, ni de compétences. A lui, passé par l’INSEEC Business School et l’Institut de Promotion Commerciale Vins et Spiritueux (IPC), comme papa, la direction de l’établissement, à elle, diplômée de la grande école de communication, l’EFAP, à Bordeaux, la direction de la communication et de l’événementiel. «Etre aux commandes d’un lieu avec une grande histoire est un vrai défi» dit Godfred. «C’est surtout très motivant. Ça nous oblige à toujours réfléchir et innover en termes de restauration et d’animations.»
Pensé par des épicuriens pour des épicuriens, le Kimmy’z est un lieu de magie, d’alchimie, une table hors clous, hors clans, une sorte de miracle d’une époque qui classe, qui range, qui compartimente. «Nous sommes de bons vivants» confirme Amélie. «Nous aimons avant tout partager nos expériences culinaires, notre goût pour les bonnes choses : le vin, la musique. Le Kimmy’z, c’est, en quelque sorte, une deuxième maison, une seconde famille.»
A Casablanca, c’est le lieu numéro un pour le début de soirée (19h-23h). Et si c’est surtout l'intelligentsia marocaine, la population hype, le gratin de Casablanca qui s’encanaillent, et si c’est également le milieu des affaires, la bourgeoisie rangée qui s’attablent, les bobines jamais vues et les trombines connues, ceux qui viennent en petit taxi ou en grosse berline, communient dans un même bonheur de la fourchette. Le quidam pousse du coude le mondain, l’ambassadeur commande ses tapas à base d’anchois ou de sardines, dans l’arrondi du zinc années 1920, à côté du clubber, les stars de la télé, du cinéma ou du sport croisent les jolies starlettes de la capitale économique dans le grand escalier, enjolivé par la magnifique fresque murale dessinée à la main par l’artiste belge monsieur Didier.
Inclassable, ça c’est certain, indémodable, ça paraît évident, indéfinissable, surtout, le Kimmy’z est plus qu’un restaurant et pas seulement un lounge à la mode. Ni populaire, ni mondain, un peu bon chic, beaucoup bon genre, c’est un lieu qui se vit plus qu’il ne se définit. Entre la restauration et la fête, Amélie et Godfred ne veulent pas choisir. «Une soirée au Kimmy’z est rythmée par trois ambiances» précise Godfred. «Vous pouvez d’abord prendre un verre - pas forcément du vin car nos barmen concoctent également de délicieux cocktails de fruits maison -, des tapas et un bon cigare entre amis ou collaborateurs dans une ambiance plus calme en début de soirée sauf quand les rencontres de football déchainent les passions. Vous pouvez ensuite dîner en musique au rythme de nos trois live bands les lundi, mardi et jeudi. D’ailleurs, l’ambiance est aussi propice à un dîner entre amis qu’à un dîner d’affaires. Vous pouvez enfin faire la fête en mezzanine en compagnie des meilleurs barmen de Casa et de notre DJ résident.»
En tout cas, le bonheur est dans l’assiette où on ne trouve que du bon, du frais, des produits du marché que le chef Karim Assimi décline avec un talent évident. On ne compte plus ses plats références, à l’image de l’entrecôte sauce bordelaise et son os à moelle, fond de boeuf, vin rouge et échalotes confites, du délicieux émincé de bœuf accompagné de pommes de terre à la lyonnaise et d’oignons confits, parsemé d’échalotes, de la sole meunière et son beurre citronné, des risottos, à la cuisson parfaite, qui varient en fonction des suggestions de saison, de la burrata fraiche et crémeuse qui accompagne les tomates.
Il ne faut pas oublier le majestueux Chateaubriand. «C’est notre plat signature, le plus populaire» précise Amélie qui n’oublie pas de faire une pause douceur en louant les qualités d’Ayoub Elkaouti, le chef pâtissier. «Ayoub est toujours plongé dans ses livres de pâtisserie, il attache une attention particulière à renouveler constamment ses desserts. Que ce soit en proposant de nouvelles suggestions toutes les semaines ou en variant la présentation des desserts à la carte. En tout cas, que ce soit avec nos propositions salées ou sucrées, notre but est de faire voyager nos clients.»
Et porter le drapeau des vignobles bordelais, capitale mondiale de la viticulture. «Par nos racines bordelaises, nous sommes des familiers du milieu du vin» dit Godfred. «Cela nous tient à cœur de proposer une large gamme de références aussi bien marocaines qu’étrangères. Nous souhaitons avant tout partager notre amour du vin, sa culture mais aussi les bons plats qui s’y accordent. C’est la raison pour laquelle nous travaillons de nouveaux accords mets et vins.»
Avec 130 références de vins du monde entier, une dégustation tous les mercredis entre 19h et 20h, le Kimmy’z se donne les moyens de ses ambitions. «On possède la plus belle cave à vins de Casablanca» dit Kim Birkedal Hartmann. «On ne se contente pas de proposer des grands crus classés bordelais, on possède aussi des étiquettes mythiques du côté des vins de Bourgogne et de la Vallée du Rhône. D’ailleurs, on vient de lancer un partenariat avec la Maison Chapoutier qui commercialise depuis 200 ans les vins de la Vallée du Rhône, notamment le Lubéron, le Saint-Joseph ou le Crozes Hermitage.»
Chaque jour, les appellations glissent sur l’ardoise du Kimmy’z dans une belle symphonie. Et les vins signés Birkedal Hartmann donnent souvent la première note au plus grand bonheur du palais des clients. Le Birkedal Hartmann Rouge et Blanc et le Notorius Pink rosé, primé aux Etats-Unis, léger et frais, travaillé sans soufre avec un petit grenage, sont promis à un bel avenir dans le quartier Gauthier où le Kimmy’z fêtera ses deux ans et la Saint-Patrick, le 17 mars prochain. «Save the date !» lance Amélie. «En tout cas, les événements ne manquent pas. Nous diffusons actuellement la ligue des champions en proposant des packs spécialement pour les matchs et des tapas (bucket de chicken wings, trio mini-burger avec frites, patatas bravas, calamars frits). Ainsi que des jeux-concours et tirages au sort pour gagner de nombreux lots. Nous proposons des afterworks tous les jours de 18h00 à 20h00 avec une formule Happy Hour sur certaines consommations. Concernant les nouveautés, nous avons organisé une exposition du peintre Abdellatif Lasri, qui a rencontré un vrai succès. Nous souhaitions apporter un aspect culturel à nos animations et avoir l’occasion de découvrir des artistes marocains.»
Notamment la plus marocaine des personnalités norvégiennes, Kim Birkedal Hartmann qui travaille sur d’autres projets au?Maroc et étudie la possibilité d’ouvrir une franchise du Kimmy’z, à Madrid...