Jean-François Legaret :
Clin d’oeil.- Quel bilan tirez-vous des élections à Paris?
Jean-François Legaret.- Paris a, une nouvelle fois, fait preuve d’originalité et de particularité en affichant un taux d’abstention plus élevé que la moyenne nationale. Il faut reconnaître l’amplification du vote en faveur de la gauche par rapport à 2001, mais on n’a pas assisté au plébiscite attendu par Delanoë. D’ailleurs, le mot plébiscite a souvent été répété dans les réunions publiques du maire de Paris, ce qui en dit assez long sur sa modestie naturelle.
Etes-vous satisfait de votre résultat?
Avec 43,1%, je fais un très bon score. Dans l’éventualité d’une liste d’union avec le MoDem, que j’avais appelé de mes vœux, j’aurais été élu au premier tour. Mais les Centristes ont choisi une autre voix que je respecte.
En terme de voix, vous êtes quand même en retrait par rapport au score de Nicolas Sarkozy lors de la Présidentielle ou même de votre résultat lors des Législatives.
C’est exact, mais le taux d’abstention a été trop important notamment dans les bureaux de vote de l’ouest de l’arrondissement, qui nous sont traditionnellement acquis, pour en tirer des enseignements. On peut simplement dire que nos électeurs se sont démobilisés. Lors de la campagne, sur le terrain, j’ai vite compris que les gens de droite n’étaient pas motivés par cette élection. Et j’ai tenu un langage de vérité en disant que cette élection se jouerait sur un ballottage serré. Je ne me suis pas trompé.
N’avez-vous pas l’impression de payer l’impopularité de Nicolas Sarkozy dans l’opinion publique?
Dire que le style Sarkozy ne plait pas à l’électorat de la Place Vendôme est un euphémisme. Mais, il ne faut pas tout mélanger: les enjeux de ce scrutin sont seulement locaux. Et puis, si le gouvernement et les reformes entamées étaient impopulaires, François Fillon ne culminerait pas dans les sondages à près de 60% d’opinions positives et de nombreux ministres n’auraient pas été élus dès le premier tour. Mon score n’est donc ni une condamnation du gouvernement, ni une sanction de ma politique.
“Entre Sarcelle et la Place Vendôme,
c’est le grand écart...”
Etes-vous surpris par le très bon score (37,4%) de votre adversaire socialiste, Seybah Dagoma?
Je suis plutôt agréablement surpris par mon score. J’annonce depuis des semaines que cette élections n’est pas jouée dans le 1er et dans le Ve et personne ne m’écoute. Je ne suis donc pas surpris par le score de la candidate. D’ailleurs, je ne pense pas qu’il faille parler d’un effet Dagoma: il est plus juste de parler d’effet Delanoë. Chaque dimanche matin, Delanoë est venu sur le marché Montmartre soutenir la candidate. D’ailleurs, les tracts de campagne sont édifiants.
Quand même, vous ne pouvez pas ignorer la belle campagne réalisée par Seybah Dagoma, qui a séduit une partie de vos électeurs?
Je n’ignore pas Seybah Dagoma: je ne la connais pas. C’est une des rares personnes du 1er arrondissement que je ne connais pas. A part bonjour et au revoir, elle ne s’est jamais présentée à moi. Je l’ai bien vue, à de rares reprises, sur le marché Montmartre, quelques minutes en fin de matinée, le dimanche. Et je le regrette, car sa plastique est remarquable. Généralement, elle était accompagnée d’une nuée de micros et de caméras. Elle a fait une campagne d’image, bien loin de la réalité des dossiers. Je ne sais toujours pas quelle est sa position sur le projet de rénovation des Halles ou sur l’avenir de la Samaritaine. C’est un véritable parachutage. Je me mets à la place d’Alain le Garrec, et je comprends sa déception de ne pas avoir mené la bataille des Municipales.
Mais Seybah Dagoma a été désignée par les militants socialistes lors d’un processus démocratique.
Oui, d’une courte tête. Ce sont ces mêmes militants socialistes, qui nous ont dit, très vite après sa désignation, qu’un accord avait été conclu et que si elle remportait l’élection, elle laisserait son fauteuil à Le Garrec. Peu importe, j’espère évidemment que ce scénario ne se déroulera pas. Et pour tout dire, je n’ai rien contre Seybah Dagoma. Je ne veux pas polémiquer. C’est un élément nouveau et c’est une bonne chose. C’est une femme qui représente la diversité et à l’évidence, c’est suffisant pour bénéficier d’une médiatisation énorme. C’est frustrant car je suis un maire à plein temps sans autres activités, je suis tous les jours sur le terrain, j’ai tout donné à cette mairie mais ça ne suffit pas pour exister médiatiquement.
Quelles seront les clefs du second tour dimanche?
Ce sera forcément le réveil des abstentionnistes et le report des voix du MoDem. A l’aune de mes relations privilégiées et anciennes que j’entretiens avec leur chef de file, Paule Champetier de Ribes, je pense que j’obtiendrai 2/3 des voix du modem.
Quels sont vos arguments pour convaincre les indécis?
L’élection de dimanche comporte un authentique enjeu et son résultat dépassera le cadre de l’arrondissement. Aux électeurs de ne pas rester spectateurs sur le bord de la touche et de devenir acteurs. Il faut éviter qu’une vague rose s’abatte sur la Capitale et sur le Centre de Paris. Les 2e, 3e et 4e seront aux mains de la gauche dimanche soir. La seule chance d’un équilibre des pouvoirs et d’un contre feu à la toute puissance de Delanoë, c’est ma victoire. J’ai toujours été son opposant le plus rugueux au Conseil de Paris, non pas sur sa personne mais sur ses idées. Quoi qu’il en soit, Delanoë sortira renforcé de cette élection. Et on peut lui faire confiance pour ne pas avoir le triomphe modeste. Je demande aussi aux électeurs du 1er s’ils veulent un maire qui défend leurs intérêts et leur parole ou s’ils veulent porter à la Mairie un petit soldat bien discipliné aux ordres de son mentor.
Seybah Dagoma a commencé la politique avec DSK et non pas Delanoë...
C’est ce qu’on m’a dit. Attention, voilà Air Sarcelles ! Déjà, l’aéronef en provenance de Sarcelles s’est posé sur le marché Saint-Honoré avec à son bord Seybah Dagoma et Anne Sinclair, avant de redécoller pour des terres inconnues. Anne Sinclair doit avoir l’habitude de faire ses courses au marché Saint-Honoré mais je ne l’avais jamais vue... Cela s’appelle de la politique d’image, de la politique factice. Et ça ne m’intéresse pas. Je suis davantage préoccupé par la défense de la diversité de l’arrondissement entre les Halles et la Place Vendôme. C’est ce que j’aime dans le centre de Paris. Et même si je suis battu, je me battrai pour cette belle idée alors que les socialistes ont imaginé un centre musée, un centre homogénéisé.
Seybah Dagoma est née à Nantes, elle a grandi à Sarcelles et elle habite aujourd’hui le 1er arrondissement: elle est donc plutôt taillée pour répondre à cette dichotomie entre les quartiers populaires et les quartiers huppés...
Sarcelles et la Place Vendôme, c’est le grand écart.?Je n’ai pas envie de dire du mal de la candidate. Je préfère parler de mes projets notamment la création d’une Maison de l’Europe aux Halles qui permettraient aux résidents d’accepter les désagréments des travaux et la multiplication des parking pour les deux roues.