Issam Rhachi de retour au Fouquet’s !
Décembre. 2015 \\ Par Jérôme Lamy

Après une parenthèse derrière les fourneaux de l’Hôtel Mandarin Oriental avec Meryem Cherkaoui, Issam Rhachi est revenu à ses premières amours, au Fouquet’s marrakech, le phare gastronomique de l’hôtel Naoura Barrière.

 

 

L’enfant prodige revient au bercail. Issam Rhachi coiffe à nouveau la toque de chef du restaurant Le Fouquet’s, à Marrakech, et il souffle autour de l’enseigne du Groupe Barrière comme la douce idée du retour du surdoué de la famille. Chef du Fouquet’s de 2012 à 2015, Issam a laissé sa signature au-delà des assiettes qu’il a toujours magnifiées et des récompenses qu’il a compilées au cours de sa carrière. Son empreinte, auprès des clients et de ses collègues, est de celle qu’on ne décolle pas facilement notamment sur le plan humain.

Forcément, beaucoup n’ont pas compris son transfert, à l’orée du printemps 2015, derrière les fourneaux flambant neufs de l’Hôtel Mandarin Oriental pour enfiler le costume de second derrière la chef Meryem Cherkaoui, l'une des plus grandes chefs du Maroc, formée à l'Institut Paul Bocuse. «Justement, j’ai rejoint le Mandarin Oriental pour avoir la chance de travailler auprès de Meryem» confie Issam. «Je voulais me remettre en cause, apprendre, progresser. Dans ma vie personnelle et professionnelle, je cherche toujours à devenir meilleur. C’est une démarche qui guide ma vie.»

Et Issam ne regrette pas, doux euphémisme, son passage dans les cuisines du restaurant Mes’Lalla. Issam et Meryem Cherkaoui partagent en effet le même désir de l’alchimie entre la valorisation du patrimoine culturel marocain et la création d’une empreinte contemporaine et personnelle. A elle, la patte féminine avec le travail sur la rose, la framboise. A lui, la simplicité et le raffinement du mariage entre les gastronomies marocaines et françaises. A eux, la complémentarité qui fait mouche. «Avec Meryem, on a la même vision de l’assiette et du métier» résume Issam. «J’ai appris le sens du détail, le plaisir de montrer, de dessiner de belles assiettes. J’ai découvert la collaboration avec un consultant, le plaisir d’appliquer des consignes et de les faire miennes. L’échange entre deux chefs dans le but de créer une seule cuisine a été un bonheur.»

Issam profite de cette expérience pour passer un diplôme de formation des équipes. Toujours cette soif de se donner les meilleures chances sur la route escarpée de l’excellence. «Si je devais retenir un seul thème de mon expérience auprès de Meryem, ce serait peut-être la prédominance donnée à la force collective, la passion de guider son collègue vers la même excellence» confie Issam qui s’aperçoit que la cordée monte plus haut quand elle est solidaire et préparée. «Construire une équipe complémentaire pour aller à la guerre ensemble lors du coup de feu fait partie intégrante du métier.»

Meryem et Issam atteindront des sommets gustatifs et serviront une clientèle VIP emballée par pareille magie au premier rang desquels il convient de citer SAR?la Princesse Lalla Salma. Issam est également auréolé par les compliments de l’épouse de Nabil Benabdallah, le ministre de l'Habitat. «Ses mots m’ont fait chaud au cœur» confirme-t-il. «Elle m’a assuré n’avoir jamais dégusté des plats aussi exceptionnels. De tels compliments offrent un grand bol de confiance.»

Dominique Desseigne est également sous le charme. Quand il est en déplacement, à Marrakech, le Président-Directeur général du Groupe Barrière ne rate jamais une occasion de dîner au Mes’Lalla et de retrouver son ancien chouchou du Fouquet’s. Pas étonnant que l’idée germe en lui de créer les conditions d’un retour d’Issam à ses premières amour, au Fouquet’s, le phare gastronomique de l’hôtel Naoura Barrière. Laurent Garrido, fraîchement nommé à la tête de l’hôtel de luxe, finira par trouver les arguments pour convaincre Issam d’effectuer le chemin inverse et présider à nouveau à la destinée culinaire du prestigieux Fouquet’s Marrakech. Il lui a sans doute parlé du sens de l’histoire, la sienne, celle du quartier Mouassine où il a grandi, trop voisin du Naoura Barrière pour que ce soit un hasard.

Laurent Garrido lui a sans doute parlé de sa pastilla destructurée, celle qui a toujours beaucoup fait sourire sa tante, Touria. Ancienne responsable des fourneaux du restaurant Dar Yacout, elle connaît le poids de la tradition culinaire marocaine. Elle sait que sa cuisine avait séduit Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui fréquentait le célèbre restaurant de Bab Doukkala alors qu’il était jeune prince héritier. Elle n’ignore pas davantage que son neveu, Issam Rhachi, est un surdoué.

Et un jeune (34 ans) premier, respectueux de l’exemple et du travail de cette ainée adorée. «C’est ma tante qui m’a donné la passion du métier» avoue Issam. « C’est elle qui m’a fait découvrir que les épices étaient des notes de musique dont la juxtaposition était une invitation au voyage.» Celui d’Issam Rhachi  fut un saut de puce autant qu’un saut dans le vide. Originaire donc du quartier Mouassine de la médina de Marrakech où sa grand-mère tenait un riad - le Riad Dar Mimouna - Issam a seulement franchi la porte Bab Laksour pour prendre les commandes des cuisines du Naoura Barrière, édifié à l’endroit même où il jouait au football quand il était gamin. «Il y avait juste un terrain vague et un gardien» se souvient-il. «C’était généralement un terrain de football mais aussi parfois un parking de voitures.»

En tout cas, c’est là, à deux pas de la magique Place Jamaâ El Fna que le Groupe Barrière a décidé de compléter son offre de Resort de luxe, offrant au Naoura, sans doute, le meilleur emplacement de Marrakech ! C’est là qu’Issam Rhachi a dévoilé son talent naissant et fait la fierté de ses parents, Zineb et Abdelaziz, qui travaillent dans l’administration. Après le bac, il s’était dirigé vers la biologie et la géologie, à la faculté des sciences de Marrakech. «Cette parenthèse  universitaire m’a beaucoup inspiré, notamment pour la cuisine moléculaire» précise Issam Rhachi qui a intégré ensuite la première promotion de l’Institut Supérieur de l’Industrie Hôtelière et de la Restauration (ISIHR).

Élève brillant, il obtient un diplôme et un stage, en 2001, à Lyon, chez Philippe Labbé, aujourd’hui chef Exécutif à la Tour d’Argent, un des plus grands et plus anciens restaurants de  Paris et consacré Cuisinier de l'année 2013 par Gault et Millau. Cette rencontre change la vie d’Issam Rhachi. «Quinze jours de stage au contact de Philippe Labbé m’ont fait plus progresser que trois ans de travail aux côtés d’un autre chef» confie Issam. «J’ai eu la chance d’apprendre toutes les bases de la vraie cuisine française.»

De retour, au Maroc, il fait ses armes. Et enchaîne les belles expériences. Au Palmeraie Golf Palace d’abord, comme commis de cuisine (2003). Il rencontre le chef Rachid Maftouh et le directeur Abdou Belkbir qu’il suit à Agadir pour l’ouverture du Palais des Roses (2004) où il est responsable de la cuisine... italienne. Mais une promotion l’attend au?Méridien Marrakech, où il devient chef saucier (2005) sous les ordres de Benoît Pépin, le chef exécutif des frères Pourcel. Quand ces derniers demandent à Benoît Pépin de travailler pour l’ouverture de la Plage Rouge, le Méridien fait appel à Rachid Maftouh, le parrain d’Issam, au PGP. 

Il n’y pas de hasard. Débauché par le Naoura Barrière pour l’inauguration du Fouquet’s, Rachid Maftouh amène naturellement dans ses recettes le jeune Issam, à qui il confiera le rôle de chef de parti, spécialiste des viandes, puis celui de sous-chef. Maftouh, parti exercer sous d’autres cieux, au ?Mazagan Beach Resort notamment, le numéro deux est devenu numéro un, en 2012. «L’amour du métier et la confiance de l’établissement m’ont permis de relever ce défi géant» confie Issam. «J’ai eu conscience de la grande responsabilité qui pesait sur mes épaules.»

Pour que le costume ne soit pas trop grand pour lui, Issam a voyagé pour une formation accélérée made in Barrière. Et ce n’est pas à Paris qu’il a peaufiné son savoir, mais à Cannes, au Majestic. L’idée, c’était qu’Issam baigne dans une grosse machine comme le Majestic où il travaille notamment dans le domaine de la gestion des stocks. Déjà, entre 2009 et 2011, il avait forcé l’admiration lors des semaines gastronomiques, au Royal Barrière, à Deauville. Il a aussi étonné l’assistance au Royal Thalasso, à La Baule, lors d’un dîner de prestige où il a prouvé qu’il était possible de sortir des fourneaux une cuisine marocaine... diététique.

Il remettra ça à Marrakech lors d’un dîner de gala, organisé au?Fouquet’s, où sa verrine de bouillon de couscous citronné en gelée accompagnée d’un médaillon de homard snacké à l’huile d’olive avec petits légumes, fenouil, carottes et herbes de la médina, avait remporté les faveurs du grand chef belge d’origine coréenne, Sang-Hoon Degeimbre, deux étoiles Michelin au restaurant L'Air du Temps. «Dans une si petite portion, on retrouvait toutes les saveurs du couscous» dit Issam qui aime se remettre en cause et se confronter au jugement des grands chefs européens, lors des dîners de gala.

Récompensé en 2012 et 2013, lors du Salon CREMAI, à Casablanca, Issam Rhachi ne manque pas d’ambition, pour sa carrière et pour la cuisine marocaine. Normal, les deux sont liées. «Avant de prétendre revisiter la cuisine marocaine, il faut être certain de l’avoir déjà bien visitée» lance-t-il. «Il faut respecter les produits, ne pas trop les masquer. Il faut réaliser l’alchimie entre la tradition marocaine et les bases de la gastronomie française.»

Chez Barrière, il ne faut pas heurter le palais des clients. «On ne peut pas se permettre de choquer» confirme Issam. N’empêche, le Parmentier de Tangia, dans sa splendeur originale, ou la pastilla déstructurée sans feuilles de brique avec les ingrédients entiers, font l’unanimité. Idem pour son poulet fermier à l’huile d’argan cuit à basse température mettant en exergue un blanc croustillant avec ses  noisettes et une cuisse  moelleuse avec sa sauce tagine à l’huile d’argan. «Mes études en biochimie m’ont toujours motivé à chercher la cuisson parfaite afin de respecter la saveur» exprime Issam dont le modèle est le chef étoilé du Royal Mansour, Yannick Alléno. «Son assiette est aussi simple que riche en idées».

Il est encore scotché par sa récente rencontre avec le chef étoilé Pierre Gagnaire, consultant des tables du Groupe Barrière. «J’ai été totalement surpris par sa simplicité et son humilité» confirme Issam. «C’est la marque des très grands. Pierre Gagnaire est un sage, un génie culinaire qui fait passer les messages d’une manière incroyable. C’est un honneur de travailler avec lui. Il me laisse carte blanche pour l’élaboration de la carte et rectifie à la marge pour rester dans les clous de ligne culinaire du Groupe. Avec Gagnaire, il faut être précis. Il n’y a pas de place à l’a peu près »

Par rapport à la première expérience d’Issam au Fouquet’s, la carte est plus variée. Il l’a travaillée avec Olivier Biles, un chef cornaqué par Gagnaire. Plus responsable, plus mature, Issam livre  sa vraie personnalité culinaire. «Avec la fraîcheur et la saisonabilité, on travaille la variété et l’originalité» confirme celui qui est revenu au Fouquet’s pour y rester. «Je remercie Dominique Desseigne, Pierre Gagnaire, Olivier Biles et Laurent Garrido pour la confiance qu’ils m’ont témoignée. Et j’ai l’intention de continuer à écrire longtemps cette belle histoire.»

Le roman de la Brasserie parisienne de luxe n’est pas prêt de se refermer, à Marrakech.