Imad Rabaï hisse le Mosaïco tout en haut
Plus qu’un simple savoir-faire: un sixième sens. Imad Rabaï, chef du Mosaïco, la grande table italienne de l’Hôtel l’Amphitrite Palace, à Skhirat, a reçu la cuisine italienne non comme un héritage mais comme un don ou une bénédiction. C’est une des explications du lien étroit et charnel qui lie le créateur à ses «invités».
C’est ainsi qu’il nomme ses clients. Et c’est au Mosaïco, assurément une des meilleures cartes italiennes du Royaume, avec son cachet authentique épousant l’âme des régions du sud de l’Italie, sa décoration simple et ses couleurs douces, que le chef accueille ses hôtes avec la modestie des grands maîtres.
Sa cuisine évoque le voyage, la simplicité et le partage à l’image d’un Carpaccio divin, d’une farandole de pâtes fraîches, d’un risotto fondant et crémeux, d’un tiramisu léger et aérien, de la fameuse Panna Cotta fruits rouges ou de la vraie Cannoli Sicilienne dressés avec un raffinement voisinant la perfection.
Membre de la Fédération Italienne des chefs, Imad Rabaï est un grand ambassadeur de la cuisine authentique italienne, transportant ainsi les saveurs de la Botte dans toutes leurs subtilités. Et comme la maîtrise des spécialités ne lui suffisait pas, Imad a arraché un prestigieux diplôme de cuisine créative décerné par l’Institut Boscolo Etoile, à Venise, sans oublier celui de l’Italian Culinary Institute Foreigners, à Costigliole d’Asti.
Après sept années en Italie, il est revenu au Royaume pour prouver son art et ancrer ses années de recherches et de dur labeur. Son secret ? C’est vrai qu’un chef ne dévoile jamais le sien. Mais Imad Rabaï partage comme une expérience unique ce voyage en Italie où il a pu étancher cette soif de vouloir toujours se renouveler et se surpasser.
Né à Casablanca, le chef Imad Rabaï est originaire de la région de Doukkala. On comprend mieux la forte affection qu’il porte à la nature en général et à la terre en particulier. «Mes parents nous ont habitués, mes frères et moi, à passer une bonne partie des vacances scolaires à la campagne», raconte notre cordon bleu. «La richesse et la fertilité de la région de Doukkala m’ont beaucoup aidé. Quand j’étais petit, j’arrivais à reconnaître les aliments, leurs aspects ainsi que leur qualité nutritive. Il m’arrivait de préparer quelques plats marocains de temps à autre, mais l’idée de devenir cuisinier ne m’avait encore jamais traversé l’esprit».
Il faut dire qu’à l’époque, Imad Rabaï s’était découvert une passion pour l’automatisme. «J’ai toujours eu cet esprit créatif, qui me rapprochait beaucoup des artistes» confie-t-il. «Il m’arrivait de monter quelques petits automates électroniques. Après le bac, je devais suivre des études en automatisme. J’ai même réussi avec brio le concours d’intégration aux classes de l’ISTA de Polo (NDLR: Institut des Sciences appliquées et technologies, ancienne OFPPT)».
Mais coup de théâtre! Voilà qu’Imad a accepté de relever le défi que lui a lancé Yassine, un ami, pour se retrouver sur le sentier de son véritable destin. «Des copains étaient en train de préparer le concours pour intégrer les classes d’études culinaires de l’ISTA» précise Imad. «En les écoutant débattre, je suis intervenu pour leur donner quelques conseils. L’un deux avait vite réagi en me disant que je n’y connaissais rien.»
En réponse à sa réplique, Imad décida de passer le concours, lui aussi. Défi relevé et vie changée! «J’ai passé le concours de cuisine que j’ai réussi sans peine en réalisant notamment une pastilla revisitée» confirme-t-il. On ne peut dire la même chose de Yassine, qui a échoué à l’examen. C’est ainsi qu’Imad s’est retrouvé devant un choix et pas des moindres : devenir ingénieur ou suivre le chemin de ses chefs qui l’ont toujours fasciné. «Quand je regardais les vidéos des grands chefs sur internet, j’étais subjugué par leur art, leur manière, leur élégance» confie-t-il.
Et de poursuivre: «Tout semblait si parfait: la précision dans les gestes, la minutie, le dressage. Ils ressemblaient à des militaires dans des casernes, ils faisaient un travail très remarquable avec une discipline inouïe». Le choix est vite fait. Imad ne sera pas ingénieur. Il rentre dans la restauration comme on rentre dans les ordres. Il briserait peut-être le rêve de ses parents, Fatima et M’hamed mais il irait au bout des siens. «Ce n’était pas facile de convaincre mon père, mais ma détermination a fini par avoir raison de ses inquiétudes» dit Imad Rabaï.
Après deux années d’études, à décortiquer tous les secrets de la culture des cuisines marocaines et françaises, Imad reçoit son diplôme de technicien en 2005, se hissant même à la seconde position de sa promotion à l’échelle nationale. Son diplôme en poche, Imad ne perd pas de temps et force les portes du monde professionnel. Il fait ses premiers pas comme commis au Biluccis à Casablanca avant de prendre son envol au G-Sound, sous l’aile du chef Thierry Meert.
Néanmoins, Imad Rabaï ne profite pas de cette première expérience pour se cacher derrière les fourneaux. Il assume son manque de confiance, d’assurance et d’expérience. «A l’époque, le panel de la cuisine marocaine était encore limité» précise-t-il. «On retrouvait toujours le même menu avec des tajines, pastillas ou salades marocaines. Il manquait toujours quelque chose. La restauration était trop repliée sur elle-même».
Il décida alors d’entreprendre un voyage qui transforma sa carrière. Il prit la route gastronomique du pays de la romance, l’Italie. Pourquoi l’Italie? La réponse semble aussi simple que la recette des spaghettis à la Bolognaise. «La cuisine italienne reste la plus proche de la nôtre» avoue Imad Rabaï, qui souligne également que la nature de la terre en Italie présente des caractéristiques semblables à celle où il a grandi, la terre fertile de la région de Doukkala.
Il n’a pas non plus échappé à Imad que l’implantation de restaurants italiens était timide, au Maroc. Quand il débarque en Italie, il s’installe à Asti, au Nord, avant de prendre la direction de Turin et Boriascon, un petit village voisin. Il rencontre Paola Trucco, propriétaire de La Cacinetta où il devient sous-chef. «Je la remercie sincèrement» confie Imad. «J’ai appris des techniques novatrices comme l’induction. C’est grâce à cette grande dame que j’ai fait carrière...».
Il n’avait jamais connu pareilles méthodes. Il s’efforcera de les appliquer toujours, signant ainsi sa différence. Après Boriasco, il visite la région de Ligourie, puis Venise où il se consacre à l’étude de la cuisine pimentée et créative. «Je préfère les plats créatifs aux plats gourmands» souligne celui qui marie le beau et le bon. «Ma fibre artistique me pousse à innover. Avant de sublimer les papilles, il faut enchanter son «invité» par la présentation de son plat dans des détails qui seront l’essentiel».
Outre le respect des délais et des collaborateurs, Imad Rabaï a aussi appris, en Italie, que le rôle d’un vrai chef est de magnifier ses ingrédients. «Tous les aliments ont la même valeur» dit le chef du Mosaïco. «Peu importe le prix, un bon chef considère les aliments de la même manière, que ce soit des lentilles ou du caviar. Il ne suffit pas seulement de bien cuire ou de bien dresser son plat. L’excellence d’un chef se traduit aussi par le respect des denrées alimentaires naturelles. Il est tout aussi important d’offrir à son invité une nutrition saine, équilibrée et complète».
C’est le seul chemin pour être fier de son plat. «Si un médecin a la capacité de guérir ses patients, un chef cuisinier a le pouvoir de conserver et d’entretenir la santé de ses clients avec une alimentation nutritive et naturelle» assure Imad dont cette ambition quasi humaniste est devenue plus qu’un principe, une vraie philosophie de vie.
Après un stage d’une quinzaine de jours en cuisine moléculaire, une nouvelle forme de cuisine chimique - Imad pourrait réserver quelques surprises dans les prochains mois aux clients de l’Amphitrite Palace - Imad Rabaï intègre le grand institut de cuisine italienne, premier de son genre, le Boscolo Etoile à Venise. Surtout, il travaille son imagination et ses créations. «J’ai découvert de nouveaux modes de cuisson qui ménagent la qualité nutritive, la conservation naturelle et l’aspect des aliments».
En Italie, le chef n’a jamais raté une occasion de goûter aux délices du «Bayern tours». Il s’agit d’une sorte de voyage gastronomique, en équipe, afin de découvrir les spécialités de chaque région italienne à Naples ou Rome. La carte n’était jamais la même au grand bonheur de cet artiste culinaire. «Chaque région présentait deux menus» explique-t-il. «Une première carte présentait les mets les plus populaires caractérisant le pays et une deuxième était consacrée aux spécialités par région appelée la carta de territorio. Le plus impressionnant est que chaque région défendait avec acharnement sa propre carte...»
Et si la force de la cuisine italienne résidait dans le chauvinisme de ses chefs? Poser la question est une forme de réponse. Avec cet état d’esprit importé d’Italie, Imad Rabaï effectue son retour au Maroc. C’est donc avec plus d’un tour dans… sa marmite qu’il envisage une nouvelle carrière au Royaume.
Après avoir participé à l’ouverture du Bound à Casablanca, il multiplie les expériences réussies à Marrakech au Bô Zin, au Café de la Poste ou au Bab Hôtel. Surtout, il rentre à La Mamounia comme sous-chef de l’exceptionnel restaurant italien où il bénéficie des conseils du consultant Don Alfonso Iaccarino, un des plus grands chefs italiens du monde.
Et c’est avec des idées plein la tête qu’il rencontre Didier Escartin, le charismatique Directeur de l’Amphitrite Palace, un grand professionnel de l’Hôtellerie toujours à l’écoute de ses équipes, soucieux de les valoriser et de les responsabiliser dans le seul but d’offrir la meilleure expérience clients. «Rencontrer Didier Escartin a été primordial lors de mon retour, au Maroc» confie Imad Rabaï. «Le Pays avait beaucoup changé. La clientèle locale était plus ouverte à des nouveautés gustatives».
Encouragé par cette nouvelle tendance de consommation et par le bonheur d’œuvrer sous la direction d’un patron ouvert à des propositions inédites, Imad Rabaï livre toute son expérience et sa passion dans chaque plat servi aux clients. Il continue à faire des sauts de puces en Italie pour assister à des séminaires et des formations. «J’ai toujours l’impression d’avoir quelque chose à apprendre» confie-t-il.
Imad Rabaï a même suivi, en décembre 2016, un stage avec diplôme Stile Italiano, auprès du grand chef italien Massimo Bottura, triplement étoilé au guide Michelin au restaurant L'osteria Francescana, à Modène, qui est depuis toujours son grand modèle.