Ibiza : belle de jour jour et folle de nuit...
Ibiza est-elle soluble dans le conformisme? La loi de janvier 2008 interdisant les afters à partir de 6h du mat’ et entourant les fêtes privées de conditions drastiques a-t-elle changé l'île de tous les plaisirs? La réponse est non. Trois fois non !
Les extravagants, les gays, les hippies, les excentriques, ceux-là même que Franco avaient parqués à Ibiza pour nettoyer l’Espagne, sont toujours l’âme, le sel et la saveur de l'île.
Ce n’est pas Karine (1), RP dans un bar de nuit de la Calle Barcelona et vraie amoureuse de l'île, qui dira le contraire.?“Ici, c’est la politique contre l’énergie” dit Karine. “Qui sont ces gens? Ils n'aiment pas l’amour? La joie? Ils n’ont pas envie d’être heureux? Le gouvernement catalan fait sa dictature et veut redorer l’image d’Ibiza. Mais il n’y a pas plus de drogue ici qu’ailleurs. A Barcelone, par exemple, la drogue est vendue dans la rue, pas ici. Quoi qu’il en soit, dites aux Parisiens de continuer à venir car rien n’a changé. A Ibiza, les gens n’ont plus peur de rien. Il y a donc toujours autant d’excès.”
Il y aurait ainsi l’iceberg et la partie immergée de l’iceberg. “Les afters sont mieux organisés, plus cachés” confirme Karine. “ Il y a ce qui se passe devant le rideau et ce qui se passe derrière. Et ce n’est pas la même chose. Simplement, ces fêtes ne sont plus ouvertes au touriste lambda. Il faut avoir un minimum de connaissances.?Mais ce n’est pas très compliqué...”
N’empêche, à partir d’1h du mat’, les lampions de la fête s’éteignent peu à peu dans les rues. Plus de musique dans les ruelles de la vieille ville, ni dans les stations à essence où les vacanciers avaient l’habitude de danser en faisant le plein de carburant ! “Le gouvernement veut transformer Ibiza en Majorque” précise Karine. “Vous connaissez Majorque? C’est triste à mourir.”
Du coup, les résidents, les teufeurs, les vacanciers se sont mobilisés début août. Une manifestation a bouché le port quand des pétitions circulaient sur la plage de Bora-Bora.... “ça durera deux ans et tout redeviendra comme avant” promet Karine.
Ce qui ne change pas à Ibiza, c’est la plastique merveilleuse des filles. Les plus belles créatures du monde convergent ici comme la limaille docile à l’aimant qui l’attire. Ibiza, c’est Cancun, Saint-Tropez et Marrakech réunis. “Les jolies filles aiment la liberté d’Ibiza” dit Karine. “Ici, tu t’habilles comme tu veux sans être jugé. Et comme, il n’y a que des femmes magnifiques, elles ne sont pas harcelées du matin au soir. Elles viennent aussi pour le côté sophistiqué et glamour de la fête.”
C’est qu’à Ibiza, la fête est une institution avec ses phares historiques dans la nuit noire : le Pacha, l’une des boîtes les plus connues au monde, le Privilège, le plus grand club de la planète avec sa capacité énorme de 10.000 noctambules et l’Amnésia où la folie est un dogme. La nuit a également ses balises récurrentes. Le lundi, c’est Tiesto - un dieu vivant sur l'île ! - au Privilège, le mardi, c’est Carl Cox au Space et le jeudi, c’est la Fuck me I’m famous des Guetta au Pacha avec Martin Solveig en chauffeur de salle.
Ibiza, c’est Planet Guetta. Incontournables, Cathy et David G. possèdent une boutique de produits dérivés sur le port à côté de celle du Pacha, dont les deux cerises qui forment le logo du club font la joie des jeunes espagnoles.
Mais cette folie a un prix : il faut débourser entre 40 et 50€ sur le port en début de soirée et entre 60 et 70€ à l’entrée des clubs pour pénétrer dans le monde de la musique électronique. Les soirées en club sont considérées comme de vrais concerts et vendus comme tels. Point besoin de physio devant le seuil des clubs : la sélection est dans le porte-monnaie. Les jeunes, aux poches percées, se contentent de faire la fête non-stop sur la plage dansante de Bora-Bora.
C’est néanmoins le culte du corps et de l’esprit plus que de l’argent, qui impose sa loi. Point de grosse voiture dans les rues, ni de richesses affichées, il n’y a rien d'ostentatoire à Ibiza. De toute façon, là-bas, tous les chats sont gris et tous les gens sont beaux.
A l’instar de l'île aux trésors insoupçonnés, les journées peuvent être aussi belles que les nuits. Et aussi intenses car l'île s’est construite sur une plaque de quartz chargée en énergie. Sur la plage troglodyte de Comte, à l’ouest de l'île, il n’est en effet pas rare que les montres et les boussoles soient déréglées.
“Les gens dorment très peu ici et se ressourcent parfaitement grâce au quartz” explique Karine. “L'île éclaircit les idées. Les gens pensent qu’ils voient plus clair dans leur vie parce qu’ils sont en vacances. Ce n’est pas vrai : ils voient plus clair car ils sont à Ibiza. Pour moi, Ibiza est comme une radio sans interférence. Quand je vais à Barcelone par exemple, ça commence à grésiller. C’est moins limpide. Ibiza te dit ce que tu dois couper ou continuer dans ta vie. On ne vient jamais ici par hasard. Il faut savoir que l'île te rejette ou t’accepte très vite, ça peut être assez violent. Quand tu restes à Ibiza, c’est que tu as quelque chose à soigner dans ta vie. Un homme peut s’habiller quinze jours en femme sans que cela ne choque personne. On lui dit seulement : ‘défoule-toi, trouve-toi’. Les gens s’installent ici pour se reconstruire, se comprendre. ”
Pour pousser l’introspection, les résidents d’Ibiza cultivent un côté mystique. Iconoclastes, ils prient même les anges. “Il y a deux églises consacrées aux anges” dit Karine. “L’une à l’ange Saint-Michel de la protection et l’autre à l’ange Raphaël de la guérison. Je n’ai jamais vu ça ailleurs.” Ici, les rituels païens et religieux cohabitent dans une ouverture d’esprit et de tolérance qui caractérise l'île.
En fait, Ibiza est vraiment l'île de la cohabitation. Un monde sépare la ville basse et la ville haute d’Elvissa (Ibiza ville). Quand la ville basse, érigée autour du port, est dédiée à la fête et aux constructions architecturalement douteuses notamment en bords de mer, la ville haute (Dalt Vila) surprend par son charme et son calme en journée, même si la Plaça de Vila ressemble toujours davantage à la Place du Tertre, à Montmartre. Une fois franchis le pont levis et la porte principale, les remparts, les ruelles de la vieille ville, les murs vernis à la chaux de l’église Santo Domingo, la chapelle Saint-Ciriac, la plus vénérée de l'île, la Cathédrale, bel exemple de gothique catalan ou le musée Puget, l’un des plus beaux palais de la ville, regorgent de délices inattendus.
Le Sud et le Nord de l'île offrent également une étonnante dichotomie. Si les amoureux de la tranquillité foncent vers le Nord où les hippies, qui avaient investi l'île dans les années 60, demeurent toujours, les teufeurs préemptent le Sud.
Pour être tout à fait précis, on peut dire que l’Est et l’Ouest sont aussi dissemblables géographiquement que le Sud et le Nord. Imaginer une métaphore des saisons n’est pas un exercice feint. Le Sud, très sec, avec ses oiseaux, ses salines qui font parfois penser à la Camargue, sa plage de Salinas, la plus sympa de l’île, c’est l’été.
L’Est, avec ses terres rouges et sa plage Salt d’en Serra, dont le restaurant avec son boudha, ses matelas à 25€ séduit la clientèle aisée et discrète, c’est l’automne. L’Ouest, avec ses fleurs, ses gros fruits, ses terres et son sable jaunes, ses plages troglodytes comme Comte ou Cala d’Hort, c’est le printemps. Le Nord, sauvage, avec ses terres froides et noires découpées avec de rares plages, c’est l’hiver.
Mais c’est surtout du bonheur toute l’année et pour tout le monde. “Les touristes arrivent en costume-cravate et repartent avec un chapeau sur la tête et des vêtements colorés” lance Karine. “Ils sont comme reconnectés dans des choses plus douces, plus bienveillantes.”
En fait, seuls les amoureux sont en danger à Ibiza. Karine relate : “On dit que les couples explosent à Ibiza et que les histoires d’amour nées à Ibiza durent toujours.”
(1).- Pour une adresse, un conseil, n'hésitez pas à contacter Karine de notre part au 0034657866190