Hammam Rosa Bonheur : Au bonheur des femmes
On appelle ça l’histoire de l’iceberg. Chez Samira Riads, collection de Maisons d’hôtes & Spas, il y a la partie émergée de l’iceberg. Il y a la beauté architecturale de ses trésors lovés dans la Médina de Marrakech, dans le beau quartier Mouassine où les Riads Princesse du Désert et Rêves d’Orient sont très prisés des touristes internationaux. Il y a aussi la popularité de Samira, véritable ambassadrice du tourisme à Marrakech et de la femme marocaine. Il y a enfin la générosité de son service, son sens de l’hospitalité, la qualité de sa gastronomie. Il y a surtout la magie de ses soins, l’expérience clients incomparable, ses prouesses sur Tripadvisor où le Hammam Rosa Bonheur pointe en première position des meilleurs spas référencés, à Marrakech, depuis plus de quatre ans !
Il serait dommage de ne s’intéresser qu’à la partie émergée, au point d’oublier la partie immergée. Car, une fois n’est pas coutume, les coulisses sont aussi intéressantes et importantes que la scène. Samira porte en elle une histoire si unique et atypique qui confirme qu’en partant d’en bas, on va souvent plus haut que les autres.
Parce qu’elle ne doit rien à personne, parce qu’elle a relevé des défis auxquels personne, à part elle, ne croyait, Samira est aujourd’hui une cheffe d’entreprise respectée et écoutée. Un exemple, une référence...
Celle qui est maman de deux enfants - Salma (17 ans) et Mehdi (13 ans) - a décidé de venir en aide aux femmes en galère et aux mères célibataires dont le ciel est chargé de nuages. C’est dans sa région, à proximité de Béni Mellal, où elle a grandi, avec six soeurs et deux frères, qu’elle a trouvé des femmes en difficulté - elles sont aujourd’hui plus de trente - à qui elle propose bien plus qu’un simple travail. Elle s’engage à les aider moralement, à former leur esprit pour leur permettre de voler, un jour, de leurs propres ailes.
Samira a dû attendre sa dix-huitième année et son mariage pour s’envoler vers une indépendance dont elle espérait respirer les premières bouffées depuis si longtemps. Pourtant, celle qui est née en avril 1981, n’a pas eu une enfance malheureuse.
Loin s’en faut ! Elle s’est, au contraire, épanouie entre les arbres fruitiers, les oliviers, les légumes, les animaux qui étaient son quotidien sur les dix hectares de la ferme familiale. Quand elle n’allait pas à l’école, elle se levait avec les poules, à cinq heures du matin, pour aider ses parents.
Elle n’a pas dormi beaucoup parce qu’elle n’est pas allée souvent à l’école. «J’ai seulement fréquenté l’école entre sept et onze ans» précise Samira. «Ce n’est pas parce que je n’aimais pas l’école. Mais elle se trouvait à sept kilomètres de notre domicile. Sans transport, il fallait faire 14 kilomètres par jour, à pied ou à vélo, suivant les intempéries, pour étudier. Parfois, l’oued débordait et rendait le trajet plus dangereux qu’un trek dans le Haut Atlas. C’est dommage car ma curiosité et ma soif de connaissances me prédisposaient à aimer les études.»
Elle a rattrapé le temps perdu et assouvi son désir d’instruction. Elle consacrera ses premiers salaires aux cours du soir et à l’apprentissage des langues étrangères. Elle n’a pas de diplômes mais elle est, aujourd’hui, polyglotte, s’exprimant avec la même aisance en arabe, français, anglais, espagnol et italien.
Rencontre avec une femme qui ne s’est pas contentée de veiller sur sa petite personne ou sa petite famille mais qui a conjugué l’altruisme et l’humanisme à tous les temps. Portrait d’une cheffe d’entreprise qui fourmille d’idées, de projets et de défis.
Pas pour asseoir un patrimoine, ni pour briller ou prendre une revanche mais pour vivre et changer la vie de ceux et celles qui ont la chance de rentrer dans son cercle vertueux.
Clin d’œil.- Quel est votre premier souvenir de Marrakech?
Samira.- C’est à l’âge de 18 ans, après mon mariage, que j’ai découvert Marrakech. Avant, je ne connaissais rien. Je ne vais pas être très originale mais mon premier souvenir, c’est la Place Jemaa Elfna. Les lumières, les odeurs, l’atmosphère m’émerveillaient. J’ai eu un coup de cœur immédiat pour Marrakech. Je me suis dit: «c’est ma ville, c’est la ville de ma vie». N’empêche, j’étais déçue car je ne vivais pas vraiment à Marrakech mais dans le village Tameslhote, à 17 kilomètres de la Ville Rouge. Et même si ma fille n’avait que quelques mois, je voulais vivre à Marrakech, je voulais travailler à Marrakech. C’était ma seule et unique obsession.
A l’évidence, c’était un défi difficile à relever...
Tous mes proches me disaient que je n’avais aucune chance de trouver un travail d’autant que je ne parlais pas parfaitement le Français. Du coup, je me suis inscrite à l’Institut Français pour un stage de trois mois. Et comme je n’étais pas timide, j’essayais de parler avec tous les Français que je rencontrais, à l’image de Brigitte et Bruno que j’ai croisés un jour, par hasard, avec ma fille alors âgée d’un an et demi. Je les ai invités à boire un thé, chez moi. Brigitte a craqué pour ma fille et m’a demandé si elle pourrait revenir lui rendre visite, souvent. J’ai aimé cette idée dans l’optique de pratiquer le Français, et nous sommes devenus amis.
C’est Brigitte qui vous a mis le pied à l’étrier dans le tourisme...
Quand je l’ai rencontrée, elle construisait un riad et faisait les allers-retours entre Casablanca et Marrakech pour suivre le chantier. Je lui ai naturellement proposé de s’installer chez moi pour faciliter son quotidien et pratiquer le Français de façon intensive afin de compléter mon cursus scolaire, à l’Institut Français. C’était la condition indispensable pour travailler avec eux.
Quelle a été l’influence de ce couple ?
Entre 2004 et 2009, ils m’ont donné le goût et l’amour de ce métier. Ils m’ont appris le rôle et le sens de chaque détail. Comme c’était une période exceptionnelle pour le tourisme, j’ai pu acquérir une belle expérience avec la clientèle internationale. Je les remercie.
Le décès précoce de votre maman a chargé vos épaules de nouvelles responsabilités...
J’ai hérité de la responsabilité de ma famille. Pendant cette période, j’ai également donné naissance, à mon fils. J’ai rapidement perdu l’insouciance de mes jeunes années...
N’avez-vous jamais songé à abandonner le travail pour vous consacrer à votre famille?
Au contraire, j’ai compris que le travail serait la seule solution à tous nos problèmes. J’ai demandé à mes soeurs de quitter leur campagne pour se rapprocher de moi et m’aider à travailler. Surtout, j’ai pu redoubler d’efforts dans mes cours du soir. Non contente de parler enfin le Français, j’ai suivi une formation intensive en Anglais, au Centre Américain et en Espagnol, à l’Institut Cervantès.
Comment est née l’aventure Samira Riads?
En avril 2009, Marie, la belle-mère de ma sœur Asmaa, m’a proposé de racheter sa société et de gérer le Riad Zehar, dans le quartier Mouassine de la Médina. Zehar veut dire chance en arabe. Et ce petit riad de 3 chambres a été la chance de ma vie. Je remercie Delphine et Jean-Michel, les propriétaires, de m’avoir fait confiance. Je n’avais pas beaucoup de moyens, j’étais jeune, je manquais d’expériences, j’avais deux enfants en bas âge... Pour toutes ces raisons, mes proches m’ont déconseillé de prendre ce risque. Je n’ai écouté personne. Et j’ai foncé...
Quelle a été la plus grande difficulté ?
Le plus grand écueil n’a pas été le travail. Je faisais tout: les courses, les cours de cuisine, le ménage, le gardien. Je m’occupais des clients, je les accompagnais dans les souks. Le plus compliqué a été de répondre aux nombreux mails en Anglais que je recevais chaque jour! Je commençais à me débrouiller très bien à l’oral mais je ne maîtrisais pas encore assez l’expression écrite. Du coup, je transférais les messages à des amis, notamment Dominique, Michel et Philippe, en Europe, qui me les renvoyaient. ça ne m’empêchait pas d’être réactive.
En tout cas, le Riad Zehar a vite été un succès...
Communiquer pour trouver des clients n’a jamais été le plus difficile. Déjà, j’ai été précurseur sur les réseaux sociaux et sur Tripadvisor où le référencement a toujours été ma force. Non seulement, je me suis présentée auprès de toutes les agences de voyages et de tous les riads. Mais surtout, une grande chaîne de solidarité s’est formée autour de mon histoire et de mon pari. De nombreux clients, notamment Français, Suisses et Belges, m’ont cooptée auprès de leurs amis. Enfin, j’ai eu la chance de collaborer avec des professionnels dont la philosophie de travail collait à mes convictions sur le tourisme, à savoir l’authenticité, la générosité et le confort. Ainsi, j’ai rencontré Abderahim (Your Morocco Tour) qui m’a présenté Jenna, son épouse américaine. J’ai également fait la connaissance de Nordine (Nomade Expérience) et de feu Lahcen (Around Morocco). Nous avons noué une belle corde de solidarité entre nous, et encore aujourd’hui, nous travaillons tous ensemble.
C’est la raison pour laquelle vous avez décidé d’essayer l’aventure d’un 2e riad, le Riad Rêves d’Orient.
Je n’ai jamais vraiment pris de grandes décisions. Il y a seulement des opportunités qui se sont présentées et j’ai toujours su les saisir. Après quatre mois d’exploitation du Riad Zehar, je croise un couple de Français dans le quartier Mouassine. Je les invite à découvrir le Riad qu’ils ont adoré. Ils me rendent la politesse en me faisant parcourir leur riad, Rêves d’Orient situé à deux pas du Riad Zehar. Sous le charme de l’atmosphère, de la décoration et du succès de Zehar, ils me proposent rapidement de gérer l’exploitation commerciale de leur magnifique Maison d’hôtes de six chambres.
Evidemment, vous plongez...
C’était une possibilité de développement inespérée. Seulement, il fallait trouver du personnel d’urgence. J’ai travaillé avec ma soeur Ghizlane et un garçon d’Oujda, Moustapha, qui a appris très vite le métier. Ghizlane et Moustapha m’aidaient dans la relation avec les clients. Et j’ai eu l’idée d’aller chercher, dans la région de Béni Mellal, des femmes seules, en difficulté, surtout des mères célibataires. J’ai sélectionné deux profils. Elles ont laissé leurs enfants dans leurs familles et sont venues travailler avec moi. Cela s’est très bien passé humainement et professionnellement.Du coup, j’ai décidé de ne recruter que des femmes en situation précaire. Le succès était au rendez-vous car nous avons occupé la première place des riads référencés sur Tripadvisor pendant de nombreux mois. Aujourd’hui, mon rêve, c'est d’aider le maximum de femmes qui sont en difficulté avec leurs enfants...
C’est pourquoi vous avez passé la vitesse supérieure en devenant propriétaire du Riad Princesse du Désert...
Encore une fois, c’est une succession de circonstances assez exceptionnelles qui m’a menée vers cette première acquisition. Au départ, le propriétaire, Monsieur Saïd, m’avait seulement laissé les clefs en me demandant d’avoir la bienveillance d’ouvrir le riad et de le faire visiter à ses futurs acheteurs. Un client s’est décidé, a négocié pendant un an avec le propriétaire et s’est rétracté après le drame du Café Argana, Place Jemaa Elfna, en 2011. Ainsi, le propriétaire m’a sollicitée pour le remplacer. Il connaissait ma fragilité financière et m’a proposé un crédit-vendeur. Je lui dois beaucoup...
C’était un grand risque dans une période chargée d’incertitudes mais vous avez été à la hauteur...
J’ai réfléchi une seule nuit et j’ai accepté sa proposition. J’ai saisi la chance de ma vie. J’ai reçu mes premiers clients, le 6 août 2011. Un mois plus tard, mes trois riads étaient remplis. C’était un travail gigantesque, harassant. J’ai travaillé jour et nuit pour réussir et tenir mes engagements vis à vis de Monsieur Saïd. Mais le pari était réussi. J’ai basculé dans un autre monde.
N’avez-vous jamais douté une seule seconde?
Je crois beaucoup au destin. Et je constate que plus je travaille dur, plus la chance me sourit. Par ailleurs, j’ai toujours cru en l’avenir du tourisme, au Maroc en général et à Marrakech, en particulier. Grâce au travail de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc offre une stabilité et une sécurité aux visiteurs et aux investisseurs. Il ne faut pas faire d’amalgames et assimiler le Maroc avec d’autres pays. Notre Islam est tolérant, pluriel, tourné vers la coexistence et la joie de vivre, la modération et la bienveillance. D’ailleurs, tous les touristes vivent une expérience unique au?Maroc et rentrent chez eux avec des souvenirs éternels. C’est notre engagement chez Samira Riads.
Avec l’acquisition du Riad Princesse du Désert, vous bénéficiez d’une capacité de 18 chambres. C’est là que l’aventure Samira Riads a vraiment commencé...
Exactement, avec 18 chambres à commercialiser, dans le même quartier Mouassine, à quelques pas les unes des autres, nous pouvions vraiment raisonner en terme de collection de Maisons d’hôtes et de création d’une vraie marque. La multiplication des services dans nos riads, la générosité, l’authenticité, la passion du détail, la satisfaction des clients, le raffinement de notre cuisine familiale, voilà notre signature. En fait, nous offrons à nos clients le service d’une vraie conciergerie.
Vous ne parlez pas de votre grand succès dans le monde du spa...
Il est venu beaucoup plus tard ! D’abord, nous avons acheté une vieille maison dans le quartier Riad Zitoun que nous avons reconstruite pour donner naissance, en 2013, au Riad Al Ralia, du nom de ma maman. Nous avons continué à recruter des femmes en difficulté, soit divorcées, soit avec des enfants malades. Je me suis battue pour ces femmes. En retour, elles se sont battues pour le succès de nos riads. Certaines sont mêmes venues avec leurs enfants que nous avons réussi à scolariser. Le moins évident, c’est forcément la formation du personnel. La cuisine, le hammam, le ménage, toutes les femmes marocaines savent le faire. Elles sont même très fortes. Mais le plus compliqué c’est la relation avec les clients, la finesse, la discrétion et le massage. Ça demande beaucoup de travail de formation.
Pouvez-vous nous parler de la naissance du Hammam Rosa Bonheur, leader des spas à Marrakech?
Nous avons eu l’idée de commercialiser un spa à part dans le cadre du Riad Al Ralia. Pendant toutes ces années, quand nous proposions un massage, à l’intérieur de nos riads, les clients disaient : «c’est le meilleur massage de ma vie.» Quand ils dînaient chez nous, ils disaient : «c’est mon meilleur repas, à Marrakech.» Du coup, nous avons proposé une formule soins complets et repas complets à prix imbattables qui rencontre un grand succès auprès de nos clients. En fait, nous leur proposons de faire une pause dans l’agitation de leur vie, de prendre le temps, le temps des soins, le temps de flâner chez nous, le temps de dîner. Ils sont comme à la maison sans voir le temps passer. Ils sont chez eux mais ailleurs. Beaucoup s’étonnent souvent d’avoir passé toute une journée avec nous. Certains ne veulent plus partir !
Vendre des soins est un métier nouveau pour vous...
C’est plus compliqué que vendre des nuits ! C’est plus stressant comme métier. On n’a pas le droit à l’erreur. On doit être parfait, avec les clients, à chaque seconde de leur expérience. J’ai appris un nouveau métier. Je dis souvent que je ne sais pas grand chose mais que j’apprends vite... D’ailleurs, je passe beaucoup de temps au spa. J’ai la chance de compter sur des personnes très compétentes dans mes riads, à l’image de Abdellah, mon beau-frère, Simo, Jawad et de toutes les filles. L’idée, chez Samira Riads, c’est un peu «satisfait ou remboursé.» Soit les clients partent avec le sourire, soit ils ne partent pas ! Je vous rassure, personne n’est jamais resté chez nous...
Devant une telle ascension, il est facile d’imaginer que vous ne manquez pas de projets...
Déjà, nous avons ouvert, en fin d’année 2015, un spa haut de gamme à côté du parking Palais Bahia pour développer la marque Rosa Bonheur et compléter notre offre. Ensuite, nous avons lancé, en 2017, un nouveau spa, le Hammam Paradis, dans le quartier Mouassine pour pouvoir satisfaire toutes les demandes de réservations et nous rapprocher de la clientèle de nos trois riads historiques. On doit poursuivre notre travail dans la médina dans le but de satisfaire toujours davantage notre belle et fidèle clientèle. La médina, c’est notre marque de fabrique, notre renommée. Il faut faire attention à ne pas s’éparpiller... Il ne faut pas oublier que j’ai la responsabilité de ma famille et de toutes ces femmes en difficulté. Je n’ai donc pas le droit de me tromper.
Pourquoi ne créez vous-pas une Association pour officialiser votre démarche sociale et la développer ?
C’est prévu pour l’année 2020 !?L’Association va s’appeler Women Solidarity in Morocco. J’y pense depuis longtemps mais je n’ai pas voulu transformer une démarche solidaire, sociale et sincère en une démarche commerciale. Mais le moment est venu de jeter les bases de cette Association pour venir en aide à encore plus de femmes isolées et oubliées...