Frédéric Anton : Je rêve une affaire au Maroc
Mai. 2013 \\ Par Jérôme Lamy

Frédéric Anton n’est pas seulement une star de la télé française, figure emblématique de l’émission de téléréalité Masterchef. C’est aussi un amoureux du Maroc. Chef étoilé, il est ouvert à toutes propositions pour adosser son nom et son immense talent à une institution de la restauration, à Marrakech ou à Casablanca. Affaire à suivre...

Frédéric Anton n’est pas seulement une star étoilée de la télé française,  figure tutélaire de l’émission de téléréalité Masterchef. C’est aussi un amoureux du Maroc qui avait honoré de sa présence, l’hiver dernier,  le Festival international de Gastronomie, au Tahiti Beach de Casablanca. Très populaire au Royaume, le chef du restaurant parisien le Pré Catlan, triplement étoilé au guide Michelin, ne cache plus son désir d’ouvrir une affaire au?Maroc.

Clin d’œil.- Il parait que vous êtes tombé sous le charme de Casablanca...
Frédéric Anton.-

Je n’ai passé que 48 heures à Casablanca . 48 heures, c’est court pour tomber amoureux. C’est d’ailleurs frustrant. Mais j’ai eu le temps de découvrir une ville qui respire le dynamisme, le business, la soif d’ouverture au monde.

Avez-vous pu mesurer votre cote de popularité auprès des Casablancais?

Les Casablancais sont accueillants et chaleureux. J’ai eu l’occasion de me rendre compte que TF1 et Masterchef étaient très suivis au Maroc. Et je comprends mieux pourquoi les organisateurs du Festival de la Gastronomie m’ont adjoint les services d’un garde du corps.

Surtout que la saison dernière, Masterchef avait fait escale au Maroc...

Nous avions, non seulement, organisé une épreuve, dans le désert marocain de Merzouga, devant neuf grandes figures culinaires de la gastronomie marocaine. Mais nous avons aussi programmé une épreuve, à Marrakech, au coucher du soleil, sur le toit de l’hôtel Delano. L’idée, c’était de reproduire la recette de la sole de la chef Meryem Cherkaoui que j’ai eue beaucoup de plaisir à connaître, une femme formidable.

Qui êtes-vous Frédéric Anton? Un chef étoilé ou une star de la télé?

Je suis seulement un artisan qui essaie de bien faire son travail. J’ai trente ans de métier. J’ai obtenu en 2007, à l’âge de 42 ans, les trois étoiles. En France, c’est un véritable exploit. La télévision était pour moi une opportunité. Quand j’ai vu l’identité des grands chefs qui ont participé au casting de l’émission, j’ai compris que c’était une vraie chance. Je ne cherche pas à inventer un personnage, je reste naturel. Aujourd’hui, Frédéric Anton est une marque. En tout cas, mon souci permanent est de garder la tête sur les épaules afin de maîtriser ma médiatisation naissante.

Que vous apporte la télé?

Je n’ai pas triplé mon chiffre d’affaires mais j’ai évidemment fait un bon en terme de notoriété. Il faut savoir s’en servir. Etre regardé en moyenne par six millions de personnes, ce n’est pas anodin.

Est-ce qu’un restaurant gastronomique est rentable en France?

On ne perd pas d’argent. La politique des grandes tables de Palace qui dépensaient sans compter pour obtenir leur troisième étoile et créer ainsi un produit d’appel pour l’offre hôtelière est terminée. Aujourd’hui, tout le monde contrôle ses dépenses. On peut faire une grande cuisine sans dépenser plus que de raison. Si on ne travaille pas avec une calculatrice, on ne peut pas s’en sortir.

La gastronomie est un luxe qui ne craint pas la crise...

Manger dans un restaurant étoilé, c’est comme se payer une belle montre. Certains l’achètent cash et d’autres économisent dix ans pour se l’offrir. Mais le plaisir est le même. Dans notre métier, c’est pareil. On a une clientèle de stars, d’hommes politiques, d’hommes d’affaires mais on a aussi beaucoup de gens normaux qui économisent pour venir chez nous. Un dîner dans un restaurant étoilé, c’est 300€ par personne. C’est à peu près le même budget qu’un voyage dégriffé d’une semaine au Maroc. On doit donc offrir à nos clients le même voyage, le même dépaysement, bref un souvenir éternel.....

Vous militez pour une cuisine épurée...

L’ajout d’épices me dérange. Par exemple, j’ai pris beaucoup de plaisir, au restaurant La Terrazza du Thaiti Beach, avec une dorade cuite au feu de bois. La cuisine simple et naturelle a souvent mes faveurs.

La cuisine marocaine vous plait-elle ?

La cuisine marocaine possède une vie culturelle et une identité. Elle raconte une histoire, tout comme la gastronomie française qui existe autour des régions, des terroirs, des produits.

Que lui manque-t-elle pour devenir une vraie cuisine gastronomique?

Il manque de régularité et de leaders. La cuisine marocaine a besoin de grands restaurants capables d’envoyer 800 ou 1.000 couverts tous les soirs. C’est très rare au Maroc. De même, elle a besoin de grands chefs charismatiques et novateurs. Il convient de se souvenir qu’il y a 30 ans, la cuisine française était lourde, à base de beurre et de sauce grasse. Les cuisiniers l’ont allégée, épurée et retravaillée. C’est là qu’est née une cuisine d’auteurs. Parce qu’il est important de savoir cuisiner entre les lignes, et se réapproprier les recettes. La cuisine marocaine est à l’orée de cette phase-là. Il est urgent que des chefs marocains s’en emparent et la revisitent. Ce sont les seuls à pouvoir entreprendre cet exaltant travail-là.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes chefs marocains ?
Il ne faut jamais renier son identité et savoir revisiter intelligemment les plats, selon son propre caractère, sans tout chambouler. Il faut savoir évoluer avec le temps, et mettre un peu de son âme dans chaque plat. Il faut comprendre la cuisine, et la vivre comme un art. Si je faisais un grand plat magique comme le couscous et que je reprenais à mon compte sa recette en copiant la semoule et le bouillon, je serais largement critiqué… Il faut faire bouger les lignes. Lors d’un récent voyage en Thaïlande, j’ai découvert la cuisine locale revisitée par un chef anglais. C’était magique.

Il ne vous reste qu’à montrer l’exemple et ouvrir un restaurant au Maroc...

Je vais vous faire une confidence. Je rêve d’une affaire, au Maroc. C’est une idée qui fait son chemin dans mon esprit.?Je suis d’ailleurs ouvert à toutes propositions pour reprendre une vraie institution de la cuisine marocaine à Marrakech ou Casablanca. Je suis prêt à donner mon nom, mon savoir-faire, à former le personnel et à envoyer mon second de cuisine, ici au Maroc,  pour mener à bien cette aventure. Il est possible de lancer une cuisine franco-marocaine gastronomique.

Vous opteriez plutôt pour Marrakech ou Casablanca?

A Marrakech, j’aime le côté pittoresque, l’opportunité du tourisme local et international haut de gamme. A Casablanca, je sens une énergie très positive du côté des jeunes actifs. En tout cas, je vais revenir bientôt à Casablanca pour me faire une idée plus juste.

Etes-vous un séducteur?

Bien sûr, c’est indispensable d’être dans la séduction pour le business. Je suis un homme public, un homme des médias et j’aime plaire.

Comment vous projetez-vous dans 20 ans?

Je ne finirai pas cuisinier. A 65 ans, je ne porterai plus la toque. J’ai d’autres projets.