Dan Cebula et Matthieu Manzoni: Drôle de trublions.
iétaires de cet endroit uppercut – spa, piscine, running hi-tech, boxe féminine – ont souhaité confier le lieu de détente à des doux dingues. Les compères du Drôle d’endroit pour une rencontre – a.k.a DEPUR - ont raflé la mise devant des grands noms de la restauration, sur quelques idées simples, fortement inspirées des succès de sa consoeur new-yorkaise.
Dan et Matthieu ne s’en cachent pas, ils sont de ceux qui refusent d’exister sans vivre. Si la formule rousseauiste leur va comme un gant, c’est pour se mettre au tablier qu’ils ont laissé derrière eux leurs carrières dans le droit et la finance.
« Au départ c’est parti sur mon changement d’univers, explique Dan, l’ancien trader New Yorkais Dan. Ça a dû accrocher la presse, Il y a eu un effet boule-de-neige parce qu’on était pionnier sur l’idée de la rencontre au sens large.» Le DEPUR casse les codes, brise la glace, malmène la fashion attitude glacée qu’il abhorre pour « faire autre chose que boire et manger. »
Là, Clin d’Oeil se dit, les mecs ouvrent trois restos en quelques années et nous racontent qu’ils n’y connaissent rien, drôle en effet. Explication. Matthieu a de belles années de restauration au compteur. « J’ai été runner, chef de rang puis directeur pour des références telles que le Key West ou le Palais de Tokyo. » Tout de suite on respire. Dan souhaite diriger ses équipes « non pas à la manière du commerce de rue, mais comme une entreprise, en essayant d’innover chaque jour. » Il est conscient qu’il n’est pas facile de travailler avec lui. Une tendre impression de Steve Zissou dans The Life Aquatic se dégage de l’aspect sérieux du bonhomme quand il montre ses baskets. « Un partenariat qu’on vient de signer et qu’on va tous porter, plus chemise blanche, cravate noire sur tablier blanc, garçon de bistrot, sport, chic et vintage. »
L’ambition du DEPUR est affichée, pour Dan «que ça cartonne », pour le premier chef « que ça déchire avec un magret de canard sur une tombée de poireaux. » Fooding donc. La légende du carpaccio de thon hante déjà les palais des fins gourmets du DEPUR Montorgueil. « On roule le thon rouge dans du poivre, on le saisit à la plancha et on le tranche au couteau. Ça donne un carpaccio, intérieur cru, croûte cuite, servi avec un mesclun de salade verte et une petite vinaigrette sésame et kikkoman. » Les boss du DEPUR commencent à lâcher les secrets. « Sur un plat comme ça on peut se bâtir une réputation. »
Dan affiche ses références de la Big Apple. Le cocktail et la mixologie, le meatpacking, on retrouve les sandwichs à la carte, « parce que manger avec ses doigts c’est bien aussi», dit-il.
Dan et Matthieu souhaitent innover chaque jour. Les soirées à succès « Bring your own music » reprennent, le client vient ambiancer le lieu. On note toujours ses coups de gueule sur les murs en brique rouge de Josh Hickey, le designer New Yorkais (de Louis Vuitton entre autres). L’afterwork du vendredi fait « tomber » le DJ de la salle de sport dans le lobby. Ce qui donne envie de prolonger le plaisir avec les soirées privées, «Mes copines/copains et moi », sport, détente et champagne… what else. Deux brunchs animent les week-ends, un tox et un detox. « Ça manquait dans le quartier, précise Dan. »
Désireux de faire chic et choc, les compères ont noté leur devise sur le menu du lieu qu’on surnomme déjà DEPUR/KLAY. « La vie c’est comme la restauration, c’est du sport. » Le match est lancé, la drôle de rencontre sonne comme une affiche Basquiat/Warhol. Dan ne s’en cache pas. « Le secret des plus belles histoires est souvent issu d’une rencontre, dit Dan. Stella Mc Carthney et GAP, Yohji Yamamoto et Adidas, Danone et Cojean. On est vraiment dans l’air des partenariats. »
« Avec un peu de volonté et un peu de sous, il y a encore la place d’innover. » Dan va vous surprendre, mais comme lui disaient les patrons du futur Klay, « c’est un vrai fou. » Un type qui n’est jamais là où on l’attend. Le trublion des ambiances associé à l’expérimenté runner des grandes adresses de la capitale entend bien réinventer l’ambiance à Paris. Il s’accorde avec le coup de gueule de Bruno Blanckaert, directeur du Grand Rex, « Paris c’est la vie ! » (Clin d’Orgueil n°29), il est temps de contourner les interdictions. En train de créer l’inattendu, on voit déjà arriver une grande période à la New York dans les eighties, mieux un Tanger des années 60, ambiance Beat Generation. D’ailleurs pendant la visite de la salle de sport, sous la voûte signée Gustave Eiffel – un autre dingue – on a croisé un Peter Orlowski ginsbergien dont « la barbe était comme la mousse tapissant les murs de l’anarchie. »
Rebel et underground, ces qualificatifs déjà has been, amorceraient-ils un come-back sous l’égide de Dan et Matthieu ? N’espérons rien de moins. Le restaurant, rue Montorgueil, vient d’ailleurs d’écoper d’une fermeture administrative de 9 jours pour avoir abrité des clients attendant un taxi sous la pluie au-delà des 2h légales du matin. Drôle d’époque. Drôles de mœurs...
Si le lieu dispose d’une bibliothèque, d’un plasma dissimulé, il marche quand même aux rendez-vous d’affaire et a pour ambition avant tout d’offrir de la détente. On se calme donc. La success story qu’est en train d’écrire le DEPUR tient à cela, ses changements de genres et ses paradoxes, une vrai style boxeur qui risque bien d’en mettre plus d’un K.O. Semi gastronomique et sandwichs, gourmand sain mais pas macrobiotique, corporate et graffiti, le drôle d’endroit pour une rencontre propose surtout à boire et à manger.
Au bar, on choisira entre un dernier verre de Dom Pérignon pour la route ou un cocktail proteiné exclusif. Au restaurant, on se laissera tenter par un wok inspiré, un blinis façon burger, accompagné d’un smoothie ou d’un mojito. « Gourmand et bistronomique. »
Matthieu et Dan s’accordent sur un point essentiel l’accueil. « On aime le service, disent-il de concert. La restauration c’est un métier passion; chaque jour est un combat. » Pour un restaurant situé dans un club de gym orienté boxe, une chose est sûre, le lieu est bien trouvé.