Catherine Dumas : “ Je veux défendre l’excellence française”
On a rencontré Catherine Dumas, au printemps dernier, à son retour de Chine où elle a accompagné Nicolas Sarkozy, en visite officielle. Sénatrice UMP et conseillère de Paris du XVIIe, elle a représenté le Sénat au Comité d’orientation dans le cadre de l’exposition universelle de Shanghaï. Membre du Conseil d’administration du Centre Pompidou et présidente du Club Parlementaire de la Table Française, Catherine Dumas est Sénatrice depuis 2007, chargée de la Culture, de l’Education et de la Communication.
En février 2009, François Fillon, l’a nommée parlementaire en mission sur les « Métiers d’art, d’excellence et du luxe, et les savoir-faire traditionnels». C’est pourquoi nous avons rencontré l’efficace et charmante sénatrice, rue de la paix (IIe), à deux pas de la Place Vendôme, chez le célèbre bottier Massaro.
Immergée et emportée par l’univers de cette grande maison dépositaire de l'artisanat et du luxe hexagonal, Catherine Dumas a néanmoins répondu à nos questions.
Clin d’œil.- Pourriez-vous nous rappeler le rôle et les spécificités du Sénat ?
Au Sénat, ce sont les élus des collectivités territoriales qui élisent les sénateurs, cette chambre représente donc plus spécifiquement les collectivités territoriales (Villes, départements, régions,..). Cette différence du mode d’élection offre la chance d’un double regard sur la loi. Certains vont même jusqu’à comparer le Parlement au corps médical, en plaçant les généralistes à l’Assemblée et les spécialistes au Sénat. Cette présentation imagée me convient, car les deux fonctions sont d’égale importance et surtout très complémentaires.
Alors, quelles sont vos « spécialités » au Sénat ?
Je suis d’abord membre de la Commission « Culture Education Communication » et j’ai donc à me prononcer sur tous les textes qui sont liés directement à ces secteurs. Par ailleurs, je me suis plus particulièrement concentrée sur les domaines d’activité liés aux métiers d’art, d’excellence et du luxe ainsi qu’aux secteurs liés aux arts culinaires. Ces deux secteurs économiques sont très présents sur Paris, notamment dans les arrondissements du centre de la Capitale, et participent activement à la renommée de Paris et à son dynamisme économique, ainsi qu’au rayonnement de notre pays dans le monde.
Ces secteurs économiques sont-ils en danger ?
Non, mais ils pourraient l’être s’il n’y a pas un sursaut de la part de l’Etat et une prise de conscience de l’extraordinaire patrimoine culturel et économique qu’ils représentent. Ces secteurs ont donc besoin d’un « coup de pouce », pas nécessairement financier, surtout dans la période que nous connaissons mais tient plutôt à une meilleure reconnaissance, à une volonté politique affirmée, à une meilleure visibilité de ce patrimoine dont tous les Français ont conscience mais que l’on a trop tendance à oublier. Paradoxalement, ce patrimoine est presque plus reconnu à l’étranger que chez nous !
Le gouvernement et vos collègues politiques accordent-ils de l’importance aux préoccupations que vous soulevez ?
Tout à fait ! Particulièrement le Premier Ministre François Fillon, qui m’a confié, l’an dernier, une mission parlementaire afin de dresser un état des lieux de ces métiers qui composent un ensemble très vaste puisqu’on recense 217 métiers d’art (voire 218 depuis que j’ai demandé que soient pris en compte dans ces catégories les arts culinaires). Ces métiers sont tous des « métiers de la main » avec une forte vocation artistique pour la création d’objets en série limitée. Ils peuvent être classés en trois groupes : les métiers traditionnels, les métiers de la restauration et du patrimoine et les métiers de la création. Mes propositions, une vingtaine au total, portent sur trois axes de travail retenus préalablement : la transmission du savoir-faire et la formation, l’innovation (y compris le design et les nouvelles technologies) et la gouvernance. Ce dernier axe réclame une attention particulière tant les interlocuteurs des métiers d’art sont dispersés. Plusieurs ministères sont ainsi concernés, ce qui entraîne une perte d’efficacité et un déficit de politique globale.
Mais en quoi ces métiers constituent-ils des atouts économiques et culturels pour notre pays ?
Tout simplement parce qu’aucun pays dans le monde ne rassemble, depuis si longtemps, une aussi grande diversité de métiers d’art. Cette spécificité française et cette richesse historique sont certes culturelles, mais également économiques. Songeons qu’à l’export, ce patrimoine rapporte plus de 22 milliards d’euros chaque année, ce qui équivaut, en termes de devises, à l’industrie automobile !
Par ailleurs, en contribuant massivement à ce qu’on appelle la « French Touch » et au « savoir-vivre » à la française, ce patrimoine participe grandement à la renommée de nos grands couturiers, au succès mondial des marques du luxe français et font de notre pays une destination touristique de premier choix. Il est donc un enjeu essentiel pour la France et pour Paris qui concentre dans nos quartiers les plus grands noms du « savoir-faire » français, tant dans le domaine de la mode que dans celui des bijoux ou encore de l’ameublement.
Votre discours redonne donc beaucoup de prestige au travail manuel et aux formations professionnelles ?
Tout à fait ! Je m’attelle d’ailleurs à démontrer que, grâce à ces métiers, on peut partir de peu et arriver très loin. Ces filières peuvent d’ailleurs constituer un véritable ascenseur social pour qui veut bien s’en donner la peine et ils redonnent du prestige à ce que j’aime appeler « l’intelligence de la main ». La campagne de communication télévisuelle que j’ai proposée au Premier Ministre et dont vous pouvez observer les deux premiers clips sur www.metiersdart.tv devraient achever de convaincre une partie de notre jeunesse qu’elle peut trouver l’épanouissement et la réussite sociale dans ces secteurs économiques.
Pourquoi vouloir intégrer les arts culinaires aux métiers d’art ?
Tout simplement parce que j’ai noté une très grande similitude entre cet artisanat des métiers de bouche et les métiers d’art. L’importance du geste y est capitale, la recherche de l’esthétique également et les problématiques de ces métiers sont souvent très proches. J’incite donc ces différentes professions à s’épauler pour relever ensemble les défis de demain. D’autant que de l’agriculteur, à celui qui va transformer et valoriser le produit (qu’il soit chef cuisinier, traiteur, pâtissier ou chocolatier) sans oublier ceux qui contribuent à sa présentation (orfèvrerie, cristallerie, tissages et dentelles), nous touchons là à quelques secteurs où la France est parmi les leaders mondiaux…
Vous devez vous réjouir de l’inscription de la gastronomie française au patrimoine mondial de l’UNESCO ?
Tout à fait. D’abord, c’est le « menu gastronomique des Français » et non la gastronomie, qui, sur proposition du Président de la République, a été inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Nous sommes, en effet, nombreux, autour de Jean-Robert Pitte à qui le dossier de candidature a été confié par Nicolas Sarkozy, à penser que devant le développement de la mal-bouffe et du modèle nutritionnel anglo-saxon très expansionnistes, il était important de rappeler un certain nombre de principes directement liés à la table française : l’attachement à la qualité des produits, au temps et à la convivialité d’un repas pris autour d’une table, à la séquence du repas (entrée, plat, dessert), sans oublier la recherche du breuvage le mieux adapté aux plats préparés (vins, cidres, bières,…).
Si l’UNESCO nous a reconnus ces spécificités et a prononcé le classement du « Menu gastronomique des Français », cela ne signifie pas que nous avons la meilleure cuisine au monde, mais plutôt que nous sommes attachés à un rituel et à des principes culinaires que nous entendons défendre, promouvoir et développer, avec l’aide de nos amis étrangers qui ont très nombreux à soutenir la candidature française. C’est donc l’occasion de les remercier.
Et le Club Parlementaire de la Table Française que vous avez lancé l’an dernier, ça sert à quoi ?
Ce club regroupe désormais plus de 300 parlementaires, députés et sénateurs, de toutes tendances politiques, pour être un catalyseur et une force de propositions pour les arts culinaires dans leur globalité, « de la fourche à la fourchette », en passant par les arts de la table, les boissons, ou encore la formation professionnelle. Il nous permet, en dehors de tout clivage politique, de mobiliser les parlementaires lorsqu’un élément de notre patrimoine culinaire doit être défendu ou mis en valeur. Par exemple, l’an dernier, notre mobilisation a permis de mettre en échec un malicieux projet européen qui prévoyait d’autoriser le coupage en vins rouges et blancs pour obtenir un pseudo rosé. Notre club pourrait bien, demain, se pencher sur le dossier du « gruyère » en obtenant autant de reconnaissance en spécificités AOC à l’Emmental français que celles déjà accordées au gruyère Suisse…
Quelle pourrait être la conclusion de notre rencontre à l’occasion de votre visite chez Massaro le bottier des Grands couturiers installé dans le 2e ?
Sans aucun doute que notre pays est riche de trésors ancestraux à préserver et à valoriser… Il faut expliquer aux Français qu’ils doivent être fiers de la France.