Casablanca, un grand film et des petites histoires
Août. 2019 \\ Par Hervé Meillon

PLUS QU’UN FILM, CASABLANCA EST UN CHEF-D’ŒUVRE FIGE? DANS LE TEMPS. HUMPHREY BOGART ET INGRID BERGMAN SONT RENTRE?S DANS L’HISTOIRE. NOUS NOUS SOMMES INTE?RESSE?S AUX PETITES HISTOIRES QUI ACCOMPAGNENT LE DESTIN FABULEUX DE CE LONG ME?TRAGE SACRE?, EN 1944, PAR L’OSCAR DU MEILLEUR FILM. ET QUI A BEAUCOUP FAIT POUR LA NOTORIE?TE? MONDIALE DE LA CAPITALE E?CONOMIQUE MAROCAINE.

Casablanca est un film culte figé dans le temps. Il reste considéré comme une œuvre majeure du cinéma américain. Toute la magie du cinéma y est résumée intégrant l’idylle, l’intrigue et le mystère. Le film rend à merveille la ferveur de la fierté nationale américaine ainsi que celle du sacrifice. Humphrey Bogart et Ingrid Bergman y sont prestigieux. Un combat humain entre la vertu de servir son pays et une grande histoire amoureuse en font le succès. Casablanca est sorti sur les écrans à New-York fin novembre 1942 en noir et blanc. Il fera son apparition sur les écrans européens, en 1947. Ce film, nominé huit fois, obtiendra, en 1944, l’Oscar du meilleur film, du meilleur scénario, de la meilleure production et du meilleur réalisateur.

 

LE PITCH .-

L’action se déroule à Casablanca qui est sous protectorat français durant la Seconde Guerre mondiale. Rick Blaine est un Américain en exil. Il est le patron du night-club le plus couru de la ville mais aussi quelque peu louche. Double fonction pour ce lieu bien sûr car si on y boit et si la musique y est bien agréable, le club est également l’endroit où l’on se procure des papiers pour quitter le pays afin de rejoindre les forces françaises libres à Brazzaville. Un soir, Rick voit débarquer Victor Laszlo, héros de la résistance tchèque et dissident politique, ainsi que son épouse Ilsa...

 

UN CLASSIQUE QUI DURE .-

Les studios américains d’Hollywood faisaient cinquante films par an et Casablanca n’en était qu’un parmi d’autres. Pour devenir un classique du cinéma, un film doit pénétrer dans la conscience collective. Casablanca possède cette magie emmenant le spectateur au-delà de la pas- sionnante saga de six personnes face à leur des- tin, au-delà d’un amour impérissable entre un homme et une femme. L’esprit patriotique des temps de guerre, le désespoir des amants et la ville de Casablanca, avec en plus l’ingrédient musical fonctionnant de manière inattendue, en font un mélodrame qui bouge vite et qui dépasse l’époque. Un film cultissime.

 

TRISTE RÉFÉRENCE HISTORIQUE .-

En 1940, la ville de Casablanca est sous protectorat français et donc sous contrôle du gouvernement de Vichy du Maréchal Pétain qui avait pactisé avec l’occupant nazi. Le producteur es- time que cela crédibilisera le scénario.

SECRETS DE PRODUCtiON .-

Tenus par des producteurs titans qui alignent les plus grands films, les studios d’Hollywood sont à leur apogée, en 1942. Jack Warner prenait les décisions financières et Hal Wallis dirigeait le studio. Wallis approuvait chaque scénario, les maquillages, les décors, les costumes. C’est à Wallis que l’on doit la perpétuité du film Casablanca. Il eut l’idée de l’endroit et du choix du titre alors qu’il n’avait jamais mis les pieds à Casablanca. Le film est tiré d’une pièce de théâtre : Tout le monde va chez Rick’s. Toutefois, il ne s’agit pas d’une transcription de la pièce qui était trop osée. La morale puritaine américaine devait être sauve.

Hal Wallis eut l’idée du titre après avoir vu un film nommé « Casbah » qui évoquait des en- droits exotiques et romantiques. Casablanca était une ville occupée lorsque le film est sorti. Les Américains ne connaissaient pas la réalité de la guerre. Brusquement le public réalisa ce qui se passait.

  

LE SCÉNARIO... OU PLUTÔT LES SCÉNARII .-

Le scénario initial fut confié aux frères Epstein qui avaient un certain sens de l’humour et firent de Casablanca une oasis remplie de personnages hauts en couleur avec des dialogues parfois humoristiques. Cependant, le travail de ces scénaristes ne fut pas long. Ils eurent le temps d’écrire l’essentiel du film jusqu’au flash-back. Le tour- nage débuta alors que le film n’était pas écrit entièrement, il fallut alors adapter la seconde partie. Howard Koch fut choisi pour le continuer. Il lui donna un sens mystique agrémenté de valeurs sur le sacrifice tout en divertissant. Il eut l’idée géniale que les personnages incarnés par Bogart et Bergman (Rick et Ilsa) se séparent. Cette idée donna à Bogart cet air mystérieux et libéral, un homme amer mais toujours du bon côté. Un autre scénariste eu pour mission de re- lire le scénario et il trouva l’histoire d’amour faible. Il fut engagé afin de se concentrer sur les scènes romantiques.

 

REAGAN Et MICHELE MOGAN PRESSENTIS POUR LE CAStiNG .-

Alors que le scénario est en cours d'élaboration, la Warner communique à la presse la distribution. Ronald Reagan est choisi pour jouer Rick. Il y renonce. Réserviste, il doit rejoindre l'armée pour accomplir son devoir militaire. Après plu- sieurs tergiversations, c'est finalement Humphrey Bogart qui tiendra le haut de l’affiche. Pour jouer le rôle féminin, la production contacte l’actrice française Michèle Morgan. Le cachet demandé par l’actrice est faramineux. L’idée est abandonnée.

Le nom d’Ingrid Bergman s’invite dans les discussions mais l’actrice est sous contrat avec une autre société de production. Un échange est alors pris par les deux producteurs. Un marché est finalement conclu entre les sociétés.

Bogart et Bergman comptent alors un nombre de fans considérable. Cette distribution laisse imaginer un beau succès. C’était l’époque où on allait voir les stars plutôt que les films.

Ce film eut aussi la chance d’avoir dans son casting l’homme qui incarna le rôle de Viktor Laszlo : Paul Henreid. Les meilleurs acteurs d’Hollywood furent engagés, avec bien sûr le fabuleux pianiste Dooley Wilson, mais aussi le français Marcel Dalio, figure emblématique du cinéma français des années 20. Il avait quitté la France sous l’occupation nazie à cause de ses origines juives et trouva refuge aux USA. Aucun acteur marocain ne sera dans la distribution. Autre ironie du film, la plupart des acteurs incarnant des Nazis sont en fait des acteurs juifs ayant fui l'Allemagne nazie dans les années 40 pour les États-Unis..

 

LA MUSIQUE... SANS FAiLLE .-

La musique fut composée par un orchestrateur de génie privilégiant les scènes romantiques. Max Steiner. C’est lui qui signa la bande originale de King Kong, film qui lança sa carrière en 1933. Dans Casablanca, la musique domine les scènes finales et le flash-back. Steiner resta le compositeur attitré et d’avant-garde de la Warner. Il composa aussi notamment la bande originale de « Autant en emporte le vent ».

 

LES SUCCÈS DES COSTUMES .-

Les costumes contribuèrent aussi au succès du film. Celui des marins et des soldats français, les costumes habituels des grandes séries, les uni- formes allemands et les costumes marocains. Tous étaient en parfaite harmonie pour le noir et blanc. 

 

LES FANS FONT MONTER LES PRIX.-

Est-ce que la valeur marchande des objets fétiches d’un film donne une idée de sa place dans l’histoire ? En tout cas, on appelle ça, faire monter les enchères. En 2012, l’Oscar du meilleur réalisateur rem- porté par Michael Curtiz a été vendu pour 2,1 millions de dollars aux enchères, à Santa Monica, en Californie. En 2014, le piano aux motifs marocains figurant dans le film est vendu à 3,41 millions de dollars, lors d’une vente aux enchères, à New York.

L’instrument servait à cacher les laissez-passer qui permettront à l’héroïne et à son mari, ainsi qu’au résistant Viktor Laszlo d’échapper aux Nazis. Ce piano café fabriqué en 1927 par First National Pictures a une particularité : il ne com- porte que 58 touches, soit 30 de moins qu’un piano classique. L’acteur Dooley Wilson faisait donc semblant de pianoter. Pour les besoins du film, un couvercle spécial avait été rajouté afin d’y glisser les précieuses lettres de transit.

Celles-ci ont d’ailleurs égale- ment été vendues pour la coquette somme de 118 000 dollars. Le piano appartenait à un dentiste de Los Angeles de- puis les années 1980. Le tabouret vit aussi son prix grimper ainsi même qu’un vieux chewing-gum collé sous le clavier. Un autre piano figurant dans le film a été vendu pour plus de 600 000 dollars lors d’une vente aux enchères organisée par la maison Sotheby’s à New York.