Brice Fournier: A la table de Kadoc
Dans le quartier, Brice Fournier était surtout connu pour son très beau restaurant de la rue Saint-Honoré, Le Livingstone. Rattrapé par sa passion pour le cinéma, il campe depuis 4 ans le personnage de Kadoc dans la série à succès de M6, Kaamelott. Portrait d'un restaur... acteur infatigable.
Evidemment, son personnage de Kadoc dans Kaamelott n’engage pas particulièrement à la conversation philosophique. Ses improbables interventions, prévenant des dangers d’inhaler de la compote sous peine de quintes de toux incontrôlées, continuent de nous laisser invariablement perplexes.
Pour ceux qui n’ont pas la chance de connaître la série à succès de M6, Kaamelott revisite la légende du roi Arthur, puissamment sabordés par une ronde tablée de chevaliers relativement demeurés. Seul au monde, puisqu’entouré de nigauds en tout genre, Arthur (incarné par Alexandre Astier qui est également l’auteur de la série) tente, un tout petit peu en vain, de retrouver le Graal.
Les personnages de la série sont consternants d’absurdité. Ils combattent les très lucides forces du mal à coup de naïvetés insoupçonnées, touchantes et drôles. Kadoc, le personnage qu’incarne Brice Fournier, est l’accomplissement certain de cette extrême candeur.
On peut aussi le désigner plus simplement comme l’idiot du village… Brice met tant d’inventivité à rendre Kadoc ahuri, qu’il lui impose une personnalité bien trempée, un univers à part entière.
Croiriez-vous que dans la vie, Brice Fournier, est un homme d’affaires averti, réactif et hyper-actif ?
Il confie « quand je raconte ma vie, les gens ne me croient pas »… alors voyons si vous y croyez, voici la légende de Brice Fournier !
Né à Saint-Priest, en banlieue lyonnaise, dans un milieu modeste - il a grandi dans un HLM de ZUP bétonnée -, son destin n’était pas promis ni aux voyages, ni à la vie de saltimbanque, c’est pourtant bien ce qui l’attend.
Au début, peu de vagues, une prépa HEC, une Sup de Co classique, puis il traverse la Manche vers un diplôme de commerce à Canterbury, et enjambe l’Atlantique jusqu’à New-York pour un autre MBA à Fordham. Mais le commerce, le droit ne lui suffisent pas, il étudie, alors à New-York, la gemmologie (les pierres précieuses) au célèbre Gemological Institute of America. De retour à Paris avec dans ses valises, trop de diplômes, une femme, un enfant et un deuxième en préparation, il souffre du syndrome de la surqualification.
Si des entretiens prometteurs autour de la place Vendôme lui laissent envisager un bel avenir pour lui et sa jeune famille, il déchante rapidement. Inoculé au virus de la vie américaine et de son rythme de vie, il se lasse de ses embauches languissantes et vient vite à manquer d’argent.
Heureusement son père qui tient un hôtel-restaurant à Megève lui propose de le rejoindre et de l’aider ainsi à démarrer sa vie en France. Il reste deux ans dans les Alpes mais prépare dans l’ombre son grand projet parisien, le Livingstone. Une belle affaire à l’origine, un fourmillement des bonnes idées pour l’aménagement et la déco, des influences diverses, originales et qui se rencontrent dans une douce et joyeuse poésie, enfin un perfectionnisme qui confine à la torture et enfin, après des mois de travaux, en 1998, le Livingstone ouvre ses portes. « Pendant un an, j’ai été seul ici, ma famille étant restée à Megève, j’ai bossé comme un fou, trop, je n’ai vu mes enfants que deux fois en un an », précise Brice.
Mais cela paye immédiatement. La presse s’emballe, les retombées sont élogieuses, le lieu plaît, la sauce prend. Brice respire. Il se souvient: « Je dois avouer que 10 jours avant l’ouverture, je n’y croyais plus, on avait mélangé plein de styles, le côté seventies, le côté africain, et surtout la cuisine qui était thaï. Je ne savais pas trop en commençant les travaux quel type de cuisine je ferai, j’ai rencontré un chef thaï par hasard et je me suis lancé, je crois que du coup je suis un peu le premier en 1998 à être sorti du carcan kitch des restaurants thaï. »
Pourtant la première passion de Brice n’est ni le commerce, ni la cuisine, ni la gemmologie, non, sa première passion c’est le cinéma. Jeu, régie, assistanat, dès qu’il le peut, Brice s’essaye à tous les postes qui le rapprochent d’une caméra.
En 2000, il fait à Lyon une rencontre décisive avec Jean-Christophe Hembert qui lui propose de jouer l’année suivante pour 3 semaines de représentations dans une pièce de Shakespeare. « La première était très émouvante, c’était le 11 septembre 2001 et nous avons débattu avec le public pour décider si nous devions jouer ou si cela était déplacé» ajoute Brice. Sur scène, avec lui, de nombreux élèves de l’ENSATT (Ecole supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, située à Lyon) et surtout Alexandre Astier.
Plus tard, lorsque ce dernier commence pour M6 le tournage de Kaamelott, il prend dans son équipe de nombreux comédiens du Shakespeare, dont Brice. «C’est une aventure qui se termine aujourd’hui après quatre ans de tournage. Ce qui est incroyable, c'est que, comme moi, la plupart des comédiens de Kaamelott n'étaient pas des acteurs reconnus. Les critiques souvent très positives sur le jeu des acteurs de la série nous surprennent d’autant plus. Kaamelott a attiré l'attention de la profession sur moi et m'a permis d'avancer dans le métier, de faire mes choix » Ainsi il y a deux ans, Brice a-t-il tourné une publicité réalisée par Xavier Giannoli (le réalisateur de Quand j'étais chanteur), et aujourd’hui, il tient dans son nouveau long métrage, l’un des rôles principaux aux côtés de Depardieu, Cluzet et Emmanuelle Devos. Le film, intitulé Je suis parti de rien sortira début 2009.
Mais la légende ne s’arrête pas là ! Désormais acteur confirmé, Brice n’en délaisse pas pour autant son restaurant. Bien au contraire puisque pour fêter les 10 ans du Livingstone de la rive droite, il vient d’en ouvrir un deuxième de l’autre côté de la Seine, rue du Cardinal Lemoine. Forcément avec un agenda aussi rempli, un tel dynamisme nécessite un secret aussi puissant que le Graal. Et bien c’est presque le cas… Brice travaille 20 heures par jour et puis, dit-il, cette force tellurique chez ses ancêtres : des ardéchois protestants.
« Pour moi gérer en même temps, le restaurant et le métier de comédien n’est pas un problème. Aux Etats-Unis on change en moyenne 7 fois de profession au cours de sa vie, en France, 2,5 fois, de ce point de vue je me sens américain. A Paris, ce qui me manque le plus de New-York c’est que là-bas, la ville bouge 24 heures sur 24. Le dimanche soir à 4h du mat’ à Manhattan, vous trouvez toujours un endroit où faire la fête. D’ailleurs, j’aurais adoré tenir un club mais j’aurais sûrement brûlé la chandelle par les deux bouts. »
Avez-vous cru à cette légende ? Cet homme d’apparence un peu rustre qui sert à la télévision un personnage un peu benêt et un peu lent invite pourtant bien dans la vie au bon goût, au plaisir, à la délicatesse, à l’art.
Brice est un frondeur et un fonceur. Il prépare pour l'année prochaine la réalisation de son deuxième court métrage, et il travaille actuellement sur le développement d'une boutique & galerie d'art...
Si tu étais une couleur ? Le rouge vif.
Une saison ? L’hiver : j’ai toujours eu une affection pour les films avec de la neige...
Un pays ? Les Etats-Unis, c’est une partie de ma vie..
Une ville ? Lyon pour son saucisson.
Un moyen de transport ? Le velov’, c’est le Velib’ à la sauce lyonnaise pour rappeler que c’est le maire de Lyon, qui a inspiré le maire de Paris et non l’inverse...
Une boisson ? Le gin tonic.
Un plat? Le tablier de sapeur.
Une chanson? La plus belle chanson du monde, c'est "Try a little tenderness" d'Otis Redding. Le CD que j'ai le plus écouté? Sans doute "Lewis Taylor" de Lewis Taylor.
Ta dernière crise de rires ? Un gros plan sur mes c... lors d’une scène avec Perceval.
Ta dernière colère ? Contre ma banque, qui a essayé de me ruiner.
Un trait de caractère ? Trop bon, trop con. Mais quand c'est trop tard, c'est trop tard. Un film culte ? Les Moissons du ciel de Terrence Malick, Arizona Dream de Kusturica et True Romance de Tony Scott et Tarantino. Un objet ? Un écran de cinéma.
Ta qualité préférée chez une femme ? La gentillesse.
Ce qui est rédhibitoire chez une femme ? Le manque de vie.
Si tu pouvais changer quelque chose dans ton physique... Ma voûte palatine. Parce que la nuit, elle résonne.
La partie de ton corps que tu préfères? Mes yeux. Ils sont bleus et ils voient bien.
Le talent que tu voudrais avoir? Musicien.
Tes dernières vacances ? Megève et Philadelphie, comme d'habitude.
Ton premier CD ? "Vienna" de Ultravox.
Dernier CD ? "Oracular Spectacular" de MGMT.