Berling simple soldat
Le gendre idéal, celui qui en a fait rêver plus d’une dans Nettoyage à sec d’Anne Fontaine ou dans L’homme de sa vie de Zabou Breitman, a pris quelques rides mais le charme est là. Inoxydable. On ne dira jamais que la patine du temps embellit le personnage car c’est le jeune premier qu’on cherche chez lui, c’est sa part de féminité assumée qui emporte tout.
Un peu bizarre au premier abord, sans que l’on sache réellement s’il l’est vraiment ou s’il joue un rôle, Charles Berling ne se donne jamais sans réticence. Fatigué nous dit-il - normal il enchaînait alors les représentations du Donneur de bain de Dorine Hollier au théâtre Marigny où il triomphe aux côtés de Barbara Schultz - il aime se faire prier. Comme une huître capricieuse dans sa coquille puis généreuse en bouche, il boude devant cette interview de plus, avant de se livrer totalement dans un exercice où sa culture et ses engagements offrent une vraie valeur ajoutée.
C’est dans sa loge du théâtre Marigny, à deux pas de la canicule qui enveloppe les Champs Elysées, qu’il nous a parlé de lui, de ses rêves de musique et d’écriture et surtout de son prochain film Insoupçonnable, de Gabriel Le Bomin, à l’affiche le 4 août prochain. “Charles a apporté de la chaleur et de l’humanité au personnage mécanique de Henri” dit Gabriel Le Bomin.
Henri est convaincu que Lise, la fatale Laura Smet, sa nouvelle et jeune femme, l’aime sincèrement. Henri est aussi convaincu que Sam, joué par le formidable Marc-André Grondin également à l’affiche du Caméléon, le témoin de leur mariage, est le frère de Lise. Rencontre avec un Charles Berling convaincu et convaincant...
Pourquoi avez-vous accepté d’être à l’affiche d’Insoupçonnable de Gabriel le Bomin ?
J’avais vu Les Fragments d’Antonin. Et je trouvais son réalisateur intéressant et atypique. Gabriel a un imaginaire. Il possède aussi une façon de raconter les histoires qui lui est très singulière. Il ne s’est pas contenté de me vendre le scénario mais il m’a parlé de l’humanité des personnages. Le scénario aurait pu paraître dangereux et les personnages n’y rester que des idées sur papier glacé. Il a réussi à les incarner, à leur donner de la matière et de la chair, à les rendre attachants. Du coup, Insoupçonnable est un film de genre, d’auteur et grand public aussi je l’espère.
Vous vous êtes mis au service du film puisque vous n’avez pas le premier rôle...
C’est plutôt agréable de ne pas avoir le poids du film sur les épaules. Au cinéma, c’est plus facile de ne pas voir que son rôle et d’envisager un film dans sa globalité alors qu’au théâtre, c’est moins vrai, car on a besoin d’être nourri tous les soirs.
Comment décririez-vous Henri ?
Il est à la fois victime et dupé par Lise. Le fait de devoir aller chercher sa sincérité sous le jeu des apparences, de le construire pour le faire exister, m’intéressait. J’aime l’idée que des hommes aussi établis dans une bourgeoisie helvétique, donc rompue au secret et taillée dans un socle solide, se révèlent tellement fragiles affectivement. Malgré sa puissance sociale, Henri a de grandes fêlures.
Peut-on parler d’histoire d’amour entre Henri et Lise?
Même à travers la manipulation, ils vivent une histoire d’amour vouée à mal se terminer. Lise se retrouve prise à son propre piège. Elle est troublée par sa relation avec les trois hommes autant qu’elle trouble ces trois hommes.
Etes-vous un séducteur?
J’ai besoin de plaire, oui. Mais ce n’est pas une obsession chez moi, je ne fais jamais rien par pur narcissisme. Je peux être heureux dans une entreprise où je n'occupe pas un rôle central comme dans Insoupçonnable par exemple. C’est le plus sur moyen de ne pas être malheureux. Les acteurs et les réalisateurs vivent trop dans la crainte de l’échec par simple excès d’égocentrisme.
Avez-vous des regrets accumulés durant votre carrière?
Bien sûr, il y a des films que je n’aurais pas du faire, que je n’ai pas aimés. Mais je n’ai aucun regret car à chaque fois, au début de chaque aventure, je croyais sincèrement à ce que j’entreprenais.
Aujourd'hui, c’est dans la musique que vous voulez vous accomplir...
C’est vrai ! J’ai toujours su que je ne ferai pas l’acteur toute ma vie et surtout que ça ne me suffirait pas pour me réaliser pleinement. Depuis dix ans, jouer a pris toute ma vie. Aujourd’hui, j’ai non seulement envie de réaliser mes films mais aussi d’écrire mes textes pour les chanter. C’est d’autant plus excitant que les professionnels m'encouragent sur ce chemin. J’ai fait deux concerts au mois de mai à Nanterre dans un lieu que je connaissais bien, et à l’évidence, cette expérience m’a donné des envies d’encore. Mais je n’ai pas envie d’y aller pour dire que j’y suis allé: j’ai envie d’y aller pour être le meilleur possible.
Vous avez souvent dit que vous n’aimiez pas la famille. Vous avez l’impression de n’appartenir à aucune famille? La famille est un carcan moral et idéologique nourrie par le besoin absolu de se reconnaître. Ma vie est guidée par la rencontre et la recherche d’identités multiples alors que la famille offre une vision castratrice et réductrice. Je peux parler d’autant plus facilement de la famille que je suis issu d’une famille nombreuse, genre troupeau. En fait, la famille c’est bien quand on vous laisse tranquille, quand rien n’est obligé.
Vous appartenez quand même à une famille politique...
Je me suis seulement engagé derrière Ségolène Royal lors de la dernière campagne présidentielle mais je tiens à garder mon indépendance vis à vis du pouvoir. Je n’ai pas attendu Ségolène Royal pour m’intéresser à la politique ma vie est un engagement permanent non seulement dans mes actes de citoyen aux côtés des sans-papiers par exemple mais aussi dans mon métier d’artiste. Dernièrement, j’ai rencontré Seybah Dagoma, élue socialiste du 1er arrondissement. C’est une femme d’une grande valeur. S’il y avait plus d’hommes et de femmes politiques comme elle, le pays se porterait mieux.
Vous êtes quand même un homme de gauche...
Oui bien sûr mais les repères ne sont plus les mêmes. La gauche a changé autant que moi.
C’est quoi être un homme de gauche?
C’est une question difficile ! C’est placer l’homme au cœur d’un système où l’argent ne voisinerait pas avec le pouvoir.
Etre de gauche, c’est être contre la réforme des retraites?
Je ne crois pas. Je suis même sûr que non. C’est un sujet que je maîtrise mal donc je préfère ne pas trop m’étaler. En plus, je suis très mal placé pour l’aborder car je sais que je ne la prendrai jamais.
Vous allez être plus disert sur l’équipe de france de football...
Sans doute même si mes origines toulonnaises m’offrent naturellement plus de proximité avec le ballon ovale qu’avec le ballon rond. Concernant le football, le nationalisme beuglard engendré par ce sport m’a toujours déplu. Et je n’ai pas attendu la coupe du Monde pour savoir que les footballeurs ne possédaient pas de grands esprits. On oublie de dire que si Thierry Henry avait reconnu avoir fait une main contre l’Irlande, la France aurait eu le prix du fair-play pour l’éternité alors que là on s’est humilié devant le monde entier. Un tel geste aurait sauvé le foot du pouvoir de l'argent. Le foot doit redevenir un jeu comme le théâtre ou comme le cinéma où on ne gagne pas à chaque fois. L’idolâtrie, comme le lynchage sur Domenech par exemple, est très dangereuse.
Vous ne courrez donc pas après l’amour du public...
J’aime que mon travail soit reconnu et même apprécié mais je n’ai pas besoin que ma personne soit adulée. Je peux avoir une relation très étroite, très puissante avec le public mais il y a une vraie différence entre mon travail et moi.
Etes-vous croyant?
Non pas du tout, je crois seulement à une forme de mystère mais pas à un super être humain.
Croyez-vous en votre destin?
Non, je ne suis qu’une poussière, une petite partie d’un tout.
Est-ce que vous préférez le regard des femmes ou le regard des hommes?
Le regard des femmes...
Pour les femmes, vous êtes toujours le gendre idéal....
ça fait plaisir d’autant que j’aime bien les femmes...
Les femmes apprécient aussi souvent la féminité qui est en vous... Je l’assume complètement. Je n’ai jamais cherché à être le plus fort ou à avoir le plus gros sexe pour draguer. Dans nos métiers, on utilise souvent sa part de féminité pour jouer. On peut être pris par un texte comme on peut être pris par un homme.
Si tu étais une couleur ? Le bleu: celui de la mer.
Une saison ? L’été: j’aime la chaleur.
Un pays ? Le Maroc, le pays de ma mère.
Une ville ? Paris, c’est beau Paris.
Un moyen de transport ? Le bateau, ça me rappelle mon enfance, à Toulon.
Une boisson ? Du très bon vin rouge comme un Saint-Julien 2004.
Un objet ? Une belle paire de chaussures.
Ta dernière crise de rires? Avec Virginie surement...
Ta dernière colère ? Hier, à cause d’un travail imparfait.
Un trait de caractère ? Passionné.
Ton film culte ? The Kid de Charlie Chaplin.
Ta qualité préférée chez une femme? Son authenticité.
Ce qui est rédhibitoire chez une femme? Quand elle est trop calculatrice.
Si tu pouvais changer quelque chose dans ton physique... ? J’aimerais être plus souple.
La partie de ton corps que tu préfères ? Ce n’est pas à moi de le dire, c’est à elle.
Tes dernières vacances ? Au Cap?Ferret, l’été dernier.
Dernier CD ? Léonard Cohen.