Azzedine Sedrati : la passion du cheval au service de la nation
Octobre. 2014 \\ Par Jérôme Lamy

Homme fort du pur-sang arabe, au Maroc, capitaine d’industrie respecté dans le secteur pharmaceutique, acteur majeur du tourisme, en sa qualité de propriétaire de l’hôtel Adam Park de Marrakech, Azzedine Sedrati est un homme rare à la parole précieuse. Pour le magazine Clin d’œil, il a surmonté sa pudeur non feinte. Et s’est livré à un bel exercice de confidences. Rencontre...

Il possède le flegme et l’élégance british. Pas seulement parce qu’il porte un Fédora britannique éternellement vissé sur la tête, pour arpenter les champs de course dont il fait son terrain de jeu préféré. Homme d’affaires, du monde de la pharmacie à celui du tourisme, homme fort du Pur-sang Arabe au Maroc, dont la passion du cheval est un héritage familial, Azzedine Sedrati est surtout un intellectuel. Il aime disserter et tordre le cou à la distinction entre les Berbères et les Arabes.
La barbe grisonnante, de quelques jours, qui envahit ses joues, est celle d’un homme à la sagesse infinie. Sa parole porte d’autant plus qu’elle est rare. Il parle doucement car il pèse chaque mot au trébuchet pour bien connaitre le poids de chacun. Il connait aussi les animaux en général et les chevaux en particulier au point d’avoir transformé sa passion en métier. «C’est mon grand-père paternel qui m’a inoculé le virus» confie Azzedine Sedrati. «Il y avait toujours des chevaux à la ferme. On a vécu et grandi avec eux. J’ai choisi de faire médecine-vétérinaire parce que le patrimoine était intéressant à développer».
Diplômé de l’école vétérinaire de Toulouse, c’est à Maisons-Alfort qu’il entre vraiment dans le métier, comme assistant au service chirurgie.  De retour, au Royaume, Azzedine Sedrati prendra un poste de professeur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (IAV). Douze années durant, il prêchera la bonne parole et enseignera.
Au début des années 1980, en 1982 précisément, c’est l’homme d’affaires qui s’affirme. Il décide de se lancer dans l’industrie pharmaceutique en s’appuyant sur deux jambes, avec d’un côté, l’industrie pharmaceutique vétérinaire, développée avec la société BCI et de l’autre, l’industrie pharmaceutique humaine, avec la société PHI (Pharmaceutical Institut). Dans cette dernière structure familiale, il avance aux côtés de sa sœur Maria et son frère Ali, réélu, en février dernier, président de l’Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP). «Ali est un homme pacifique qui sait réunir toutes les énergies autour d’une seule et même cause» précise-t-il.
Azzedine Sedrati nous a reçus, chez lui, à l’Hôtel Adam Park de Marrakech. Propriétaire mais pas forcément heureux de l’être, il passe deux jours par semaine dans la Ville Ocre pour maintenir à flot ce gros paquebot de 226 chambres qui a nécessité 400 millions de dirhams d’investissement. Son vrai bonheur, c’est dans les hippodromes qu’il le rencontre. C’est auprès de son écurie de course, cornaquée par l’entraineur français Jean-Claude Pécout  et  de son cavalier prodige, Thami Zergane, qu’il ressent la plénitude.  On l’a rencontré quelques jours avant Le Grand Prix Mohammed VI, véritable Prix de l’Arc de Triomphe du Pur-Sang Arabe, au Maroc.
Par pudeur, celui qui est président de la société des courses hippiques de Rabat et membre du Conseil d’administration de la Société Royale d'Encouragement du Cheval (SOREC), ne nous avait pas dévoilé ses ambitions pour cette grande épreuve, point d'orgue des courses au Maghreb. Résultat des courses: une belle deuxième place, de la plus prestigieuse épreuve du Grand Prix Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, sur le cheval Tamayuz, monté par Khalid Ibba. Azzedine Sedrati se consolera puisque le cheval vainqueur Maamora, monté par Abderrahim Faddoul, est un ancien poulain de son écurie.

 

Le Maroc occupe-t-il une place importante dans le monde du Pur-sang Arabe?
Le Maroc est un grand pays du cheval. Dans les pays musulmans, le cheval a toujours été important puisqu’il est cité dans le Coran comme un bienfait. Depuis la création du stud-book de Pur-Sang Arabe en 1976, nous avons connu un développement important aussi bien dans le show que dans les courses. Aujourd’hui, au Maroc, on ne compte pas moins de 500 courses par an de Pur-Sang Arabe. On peut dire que nous sommes dans les top 10 mondiaux. Nous avons encore beaucoup d’efforts à consentir pour se frotter aux écuries des pays du Golf et à la Turquie, qui dominent actuellement la concurrence.

Quelle est la qualité principale dont il faut faire preuve pour élever un Pur-Sang Arabe?
Les élevages de chevaux sont des élevages de patience. Entre une année de gestation, trois années de préparation d’un poulain, quatre années se sont écoulées. Quand on fait de la sélection génétique, les années s’écoulent trop rapidement. La qualité génétique est liée au niveau économique des pays et aux allocations de courses. Au Maroc, on commence à développer un socle génétique intéressant qui nous permettra d’espérer une heureuse  confrontation avec les nations majeures dans ce domaine.

Quelle est la place de la fantasia dans le secteur équestre au Maroc?
Ce qui était amusant et intéressant pour les touristes l’était moins pour la qualité culturelle de ce sport. La fantasia n’est rien d’autre qu’un acte martial. Au cours des guerres se déroulant dans les pays désertiques, les batailles se faisaient en allant tirer et en se retirant. Ce système de guerre était très différent des guerres occidentales où les cavaliers, munis de grandes armures, montaient des chevaux très solides pour des escarmouches au corps à corps. Dans les pays occidentaux, les forêts, les collines, les vallées, les montagnes permettaient aux chevaliers de se sauver et de se cacher. Dans les pays désertiques, c’était impossible. Les combattants n’avaient d’autres choix que d’aller tirer et se retirer. Cet art martial est ainsi devenu un acte de bravoure perpétué à l’occasion des grands évènements comme les mariages.

 

« Comme DubaÏ, Marrakech aurait pu devenir un grand centre international
pour les courses d’hiver avec sa capacité hôtelière et son climat.
Un grand hippodrome aurait pu drainer les chevaux européens
pendant l’hiver. J’espère voir cette réalisation de mon vivant. »

 

La fantasia possède donc tous les atouts pour devenir un grand sport...
Bien sûr et je l’appelle de mes vœux. Cet art peut devenir, à l’image de la corrida, un sport codifié avec des règles simples pratiquées en compétition entre les régions ou les pays. La fantasia pourrait même devenir un sport mondial tant les valeurs humaines attachées à cet art martial sont magnifiées. Au Moyen âge, en Europe, on parlait du bon Chevalier Bayard, chevalier sans peur et sans reproche. Dès qu’un homme se met à cheval, il est amené à s’élever et acquiert une hauteur psychologique. Sur un cheval, le cavalier fait preuve de courage afin de réaliser des actes chevaleresques. C’est pourquoi on parle de valeur de la chevalerie. Le cavalier est un homme qui doit être fier de lui.

Pourquoi la fantasia peine-t-elle à se développer?
Je suis très inquiet. Non seulement, la fantasia ne grandit pas comme je l’espérais mais surtout l’exode rural est un danger de mort pour elle. Personnellement, j’ai pratiqué la fantasia dans ma jeunesse. A l’âge de 12 ans, mon père m’a mis entre les mains d’un précepteur de fantasia. Dès l’âge de 13 ans, on accompagnait les soldats dans les montagnes du Rif, autour de notre ferme familiale, vers Taounat. J’ai arrêté la pratique de la fantasia quand je suis allé étudier en ville. S’il y avait eu des clubs de fantasia, j’aurais, de toute évidence, continué à pratiquer ce sport. Si on avait donné autant d’importance à la fantasia qu’on en a donné aux  clubs de sports d’obstacles, elle serait aujourd’hui un grand sport,  d’autant qu’elle est attachée à des traditions islamiques nées dans les pays désertiques.

Le sport d’obstacles est moins populaire que la fantasia...
Le cheval d’obstacles ne permettra pas à lui seul de sauver les chevaux existants. C’est un sport élitiste nécessitant de grands chevaux. Il ne génère pas une économie lui permettant de vivre de lui-même contrairement aux chevaux de courses dont les paris financent l’existence.

Vous avez souvent milité pour la construction d’un hippodrome de référence, à Marrakech...
A Marrakech, un petit hippodrome est en construction sur la route d’Agadir. Mais ce n’est pas l’hippodrome dont j’avais rêvé pour Marrakech. Comme Dubai, Marrakech aurait pu devenir un grand centre international pour les courses d’hiver avec sa capacité hôtelière et son climat. Un grand hippodrome aurait pu drainer les chevaux européens pendant l’hiver. J’espère voir cette réalisation de mon vivant.

Vous regrettez aussi le manque de centres d’entrainement...
Les citadins, propriétaires de chevaux, ont besoin de bénéficier de  centres d’entrainement et d’entraineurs. Aziz Akhannouch, le Ministre de l’Agriculture nous soutient dans ce combat-là pour développer le cheval de course. Il souhaiterait qu’on réalise ces structures dans un contrat programme quinquennal.

Quel regard portez-vous sur la traction animale, au Maroc?
On n’a pas fait l’effort de faire évoluer la traction animale en améliorant les calèches et les règles permettant aux chevaux de vivre dans les villes. Il y a énormément de retard et énormément de travail à faire pour veiller aux règles sanitaires et vétérinaires. Il y a aussi beaucoup à faire avec les espèces mulassières. Dans les régions montagneuses, les paysans ont vraiment besoin des mulets qui travaillent sur des flancs de collines  abruptes. Le rôle du mulet est prépondérant dans la traction animale dans les zones montagneuses. Il inspire confiance.

Les calèches, à Marrakech, heurtent forcément le docteur Sedrati...
C’est même une catastrophe. Les calèches de Marrakech font 750 kg alors qu’à Bruges ou Chicago elles font à peine 250 kg. Comment le cheval peut-il freiner avec un tel poids. On pourrait améliorer très vite les calèches touristiques. Au début du siècle dernier, des vétérinaires non raisonnables avaient estimé que les chevaux ne pouvaient pas vivre dans les périmètres urbains à cause de la difficulté à ramasser le crottin. Cela a été une erreur qui a participé à la chute du cheval dans le monde. Sans place, sans rôle dans les villes, la population équine a chuté de 60% durant le siècle dernier. Il n’a plus de service lui permettant de gagner son avoine. A ce rythme, dans 50 ans, le cheval deviendra un animal de musée.

Vous êtes le propriétaire de l’Hôtel Adam Park, situé dans le quartier de l’Agdal? Quel regard portez-vous sur l’évolution de cette zone touristique?
Au moment de l’acquisition de ce terrain, je voulais créer un musée  plutôt qu’un hôtel. Mais le gouverneur avait retoqué mon projet de musée de la femme. Construire 17 hôtels les uns à côté des autres, ça revient à créer des zones mortes, sans vie. Chaque hôtel est enfermé sur lui même à l’intérieur de ses murailles. Quand on sort, on trouve un hôtel, puis un autre hôtel… Les Tunisiens avaient fait cette erreur à Hammamet Sud. J’avais alerté le gouverneur sur cette bêtise. Trop tard m’avait-on répondu. Il est malheureux de construire un tissu hôtelier sans éléments de vie, sans cafés, sans épiciers, sans pharmacies, sans cordonniers... Grâce à Dieu, Carrefour est venu, Megarama est venu aussi, mais ça ne suffit pas à faire de l’Agdal un quartier vivant. Du coup, les touristes vont chercher la vie dans le Triangle d’or de l’Hivernage ou dans la médina. Et tous les hôtels de la zone de l’Agdal font aujourd’hui la grimace.

La crise économique n’arrange rien...
La crise économique est là. Elle n’est pas partie. Elle est même d’une telle violence que nous avons beaucoup de difficultés pour financer nos charges quotidiennes et payer nos intérêts bancaires. Le tourisme peine car la capacité en lits impose une concurrence déloyale. Les cinq étoiles se vendent au prix des deux étoiles: le système ne fonctionne pas. Les pouvoirs publics devraient davantage écouter les opérateurs. L’aérien est trop limité. Il n’y a pas assez de touristes qui vont à Marrakech pour remplir les hôtels.

Il manque peut-être aussi des évènements internationaux comme le Race of Morocco WTCC qui passe devant l’Hôtel Adam Park... 
Le WTCC est une excellente initiative soutenue par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Pour Marrakech, c’est capital qu’il y ait des évènements internationaux pour remplir les structures hôtelières qui souffrent. On était en pourparler avec le Groupe Bombardier pour organiser le mondial de karting, en novembre prochain. On n’a pas obtenu 1 dirham de subvention pour organiser cette compétition. Et c’est pourtant un évènement important qui regroupe 60 pays et permet de commercialiser 1000 lits pendant sept jours.

 

« Je regrette d’être allé dans le tourisme malgré moi.
J’avais prévu un musée de la femme et des petits appartements.
La crise m’a contraint à changer mon fusil d’épaule.
Un hôtel n’est pas rentable. il n’y a pas de formule magique.
Ou alors, il faudrait faire de l’hôtellerie en cash, sans crédit bancaire... »

 

L’idée est donc oubliée...
Non, nous avons pris l’engagement de trouver une partie de l’argent. On a signé car on souhaite que cet évènement ait lieu mais on n’a pas encore l’argent. Il y a très peu de musées ou d’évènements sportifs, à Marrakech... Or, Marrakech est condamnée et ne peut  vivre qu’avec des évènements hebdomadaires, des conventions, des évènements culturels, sportifs…

L’image véhiculée par l’hôtellerie marocaine est pourtant très bonne?
Vous avez raison mais la communication n’est pas efficiente. Ce n’est pas la masse financière prévue pour la communication qui pose problème mais son utilisation. On n’arrive toujours pas à donner ses lettres de noblesse à l’hôtellerie marocaine. Quand on ouvre les télévisions marocaines, on nous présente des documentaires sur Paris, l’Asie, les Caraïbes, l’Inde... Ces documentaires ont une grande valeur pour le tourisme. Pour faire rêver les gens, il faut leur faire comprendre ce que sont les grands hôtels du Maroc. Aujourd’hui, on se promène dans les hôtels marocains sans remarquer le travail du plâtre, de la menuiserie. Le travail des artisans ou l’art gastronomique marocain  mériteraient d’être mieux présentés à la clientèle touristique.  Jamais il n’a été prévu un budget de communication qui permet de prendre en charge les frais de ces documentaires. Il est indispensable de faire connaitre les hôtels marocains pour créer  l’attirance. Il y a des trésors cachés au Maroc et c’est vraiment un grand regret que de ne pas les faire connaitre.

Combien de temps a-t-il fallu pour la construction de l’Hôtel Adam Park?
Il nous a fallu 4 ans et demi pour arriver au terme des travaux. Si je vous racontais l’histoire artisanale et architecturale de l’hôtel Adam Park, vous seriez étonné. Il y a des choses exceptionnelles qui ont été faites mais personne ne les voit. Il y a une façade entièrement travaillée à base de céramique ciselée manuellement. Il y a deux dômes majestueux dans la pure tradition arabo-andalouse, un patio dans le prototype des riads.

Une structure hôtelière est-elle rentable?
Il n’y a pas de formule magique. La plupart des multinationales du tourisme gèrent des hôtels pour des particuliers qui sont des financiers. Ces derniers déposent de l’argent dans l’hôtellerie sans attendre de rendement immédiat. Pour faire de l’hôtellerie, il faudrait le faire en cash, sans crédit bancaire. Et attendre la plus value dans 30 ou 40 ans. Clairement, un hôtel n’est pas rentable du tout. Demandez à la CDG quel est le rendement d’un hôtel et vous aurez la vérité.

C’est la raison pour laquelle on assiste à une vraie multiplication des points de vente à l’intérieur des hôtels...
On se débat comme on peut mais on ne peut pas s’en tirer. Le taux d’occupation d’un hôtel à un prix respectable est la seule solution pour permettre à cet hôtel  de vivre. Quand un hôtel respecte les normes d’un cinq étoiles, qu’il emploie 200 personnes, qu’il enregistre un taux d’occupation inférieur à 40% et qu’on lui demande de vendre des chambres à 250 dirhams, c’est du suicide.

Vous regrettez d’avoir posé les pieds dans le tourisme?
Je regrette d’être allé dans le tourisme malgré moi. J’avais prévu un musée et des petits appartements pour golfeurs. La crise m’a contraint à changer mon fusil d’épaule. Il était en effet impossible de vendre les appartements haut de gamme avec tous ces services. Du coup, ces appartements sont devenus les suites de cet hôtel. J’envisageais juste un petit hôtel de 80 chambres au service des propriétaires d’appartement. J’ai compris les souffrances des hôteliers marocains qui ont laissé toutes leurs plumes dans ce secteur. Cela mérite une réflexion pour que les sociétés d’État ne soutiennent pas que les hôtels des groupes internationaux. Il ne faut surtout pas laisser tous ces hôtels en décrépitude.

Si c’était à refaire, vous ne le referiez pas?
Sans hésitation, je ne reprendrai pas ce risque car nos pertes annuelles sont énormes au point de mettre en danger mes affaires. Cela nous oblige à reporter des intérêts, à nous engager plus avec les banques. Bref, à nous enliser...

Comment expliquez-vous l’installation des grands groupes hôteliers, à Marrakech?
Ce ne sont pas des rêveurs. Ce sont des grands financiers qui possèdent des millions d’euros en caisse. A Marrakech, ils obtiennent des terrains à 250.000 dhs l’hectare dans le périmètre urbain. Ainsi, ils ont l’occasion de réaliser des villas pour financer leur projet hôtelier. Ces avantages permettent de convaincre les grands financiers de s’installer ici. En revanche, ceux qui ont acheté à 500.000 euros l’hectare ont plus de mal à amortir. Le problème du tourisme n’est pas le poids de l’investissement, c’est le tourisme lui-même. Y a t il une offre suffisante pour la demande?

Vous avez été tenté de vous rapprocher d’un groupe ?
On me demande pourquoi on n’a pas  signé de partenariats avec des groupes hôteliers. Aucune offre ne nous permettait d’être certain d’avoir les garanties de payer les banques. Et de ne pas menacer nos 250 salariés. Devant la faiblesse de ces offres,  on a choisi de retrousser nos manches et relever le défi. On s’est entouré d’un directeur général, Paulo Païas, qui a une grande expérience mondiale pour gérer l’hôtel et d’une directrice commerciale très compétente, Khadija Raouni, dont le souci est de s’ouvrir à la nouvelle clientèle des pays émergents.

 

On a beaucoup parlé de tourisme mais votre activité principale est l’industrie pharmaceutique....
C’est un grand secteur d’avenir pour le Maroc. Les pays européens visent à arriver à un taux de couverture de 85% des produits pharmaceutiques par les génériques. C’est une aubaine pour les pays en voie de développement qui veulent s’inscrire dans ce secteur. Le Maroc a les atouts pour devenir une bonne plate forme pour le développement des génériques sur le plan national et éventuellement international. Il a de l’avenir si on rehausse  le niveau de santé des marocains.

 

Quelles sont les leviers pour atteindre cet objectif sanitaire?
Le Maroc doit améliorer sa couverture pharmaceutique. Grâce à la sécurité sociale, il y a espoir d’améliorer l’état sanitaire national. Malheureusement, il y a des remous autour de la baisse des prix des produits pharmaceutiques. Nous ne sommes pas contre la baisse des prix. C’est une chose nécessaire mais l’erreur serait de baisser les prix de tous les produits. Il y a des produits de base dont les prix datent de 30 ans qui bénéficient d’une faible marge. Il faut faire attention à ne pas les condamner. il faut discuter avec les professionnels pour sauver ces molécules. En revanche, une grande réflexion sur la formation des pharmaciens doit être menée. On compte près de 14000 pharmaciens. C’est beaucoup... Un numérus clausus va s’imposer à nous. On ne doit pas fabriquer des pharmaciens-chômeurs. Il y a un vrai risque de détérioration de la profession, comme en Égypte par exemple.

Les laboratoires dissidents sont-il rentrés dans le rang?
Le problème n’est pas au sein de l’association marocaine de produits pharmaceutiques. C’est entre les multinationales et certains jeunes «génériqueurs» marocains que le débat s’est ouvert. Les idées de développement n’étaient pas les mêmes. Ce n’est pas un problème grave. L’industrie pharmaceutique est une et indivisible. Il y a une réflexion visant à la  porter au niveau mondial. Depuis cinquante ans, les décisions prises n’ont toujours pas favorisé la transparence, l’équilibre international des ressources pharmaceutiques et de leur résultat financier. Des équilibrages sont nécessaires d’autant que les pays émergents  développent leurs propres industries.

 

Il convient donc de rassurer les citoyens, de leur redonner confiance...
En effet, le milieu pharmaceutique doit changer de forme de communication pour garder la dignité de la profession. Il faudrait améliorer la relation entre l’industrie pharmaceutique et le médecin ainsi que l’image auprès de la population qui trouve que les gestes de rapprochement entre l’industrie et le médecin sont une façon de tricher sur les produits. Il faut communiquer sur cette éthique. C’est impossible que tous les produits mis sur le marché aient une parfaire innocuité. il y a un risque de toxicité minimale dans les produits pharmaceutiques. Ce n’est pas une malice. il faut admettre le risque d’accident dans le développement des molécules. Combattre la maladie ne se fait pas sans  prendre d’autres risques.

Y-a-t-il un problème de médication de la part des pharmaciens?
Quand un pays est pauvre, quand un être humain est pauvre, il calcule les sous qu’il va dépenser pour son traitement. Une pauvre personne ne peut pas payer le pharmacien et le médecin. Notre souhait, bien sûr, c’est d’arriver à un niveau de vie permettant à tout le monde de passer par la case médecin afin d’éviter de prendre des risques de santé.