Anne Roumanoff: Je ne suis pas une humoriste politique
Octobre. 2014 \\ Par Jérôme Lamy

Si son sketch sur le couple Sarkozy sur le plateau de Michel Drucker l’a mis sous les feux des projecteurs, Anne Roumanoff ne se considère pas pour autant comme une humoriste politique. “C’est comme une corde supplémentaire à mon arc” dit-elle.

Vos sketches politiques sont de plus en plus médiatisés. Etes-vous plus caustique qu’avant ?
On ne peut pas parler de politique en étant gentille. Quant au fait d’être plus médiatisée, je pense que ça tient à mes interventions régulières dans l’émission de Michel Drucker mais aussi à mes 20 ans de carrière. J’ai eu une progression lente et régulière, ce qui me permet de mieux savourer ce qui arrive aujourd’hui.

Vous avez fait science po avec Laurence Parisot et Jean-François Copé. Auriez-vous pu faire une carrière politique ?
Non, jamais je n’aurais eu la patience. Il faut avoir la foi, l’ambition et le goût de la politique pour se lancer là dedans. J’ai beaucoup d’admiration pour les hommes et les femmes politiques. Le don de soi que ça demande, le temps qu’il faut passer à s’occuper des autres, à se battre contre ses adversaires, à combattre ensuite au sein de son propre parti. C’est un travail de titan.

Vous avez comparé Nicolas Sarkozy à une « petite saucisse » et Ségolène Royal à « Bécassine ». Avez-vous la volonté de devenir une humoriste politique reconnue?
Cette histoire de Ségolène Royal en Bécassine, je ne sais pas d’où ça vient. J’ai relu mes textes, je ne l’ai jamais traitée de Bécassine. Cela dit, je ne me perçois pas comme une humoriste politique. Parler de politique, c’est comme une corde supplémentaire à mon arc mais je ne me vois pas ne faire que ça.

Est-ce que Nicolas Sarkozy a réagi après avoir entendu votre sketch, portant en dérision son couple avec Carla Bruni ?
Je n’ai été l’objet d’aucune réaction ni d’aucune pression d’aucune sorte. Je sais juste, par quelques indiscrétions, que ce sketch, a beaucoup circulé au PS et à l’UMP. J’imagine que notre président a des choses un peu plus importantes à faire en ce moment que de s’occuper de ce sketch.
Votre tournée fête vos 20 ans de carrière. L’humour a- t-il beaucoup changé depuis vos premiers pas ?
L’humour évolue avec la société. Comme la société a beaucoup changé depuis 20 ans, la manière de faire de l’humour aussi. Il y a beaucoup plus d’humoristes qu’avant, la compétition est plus rude. Il faut se renouveler sans arrêt, être créatif. Internet a bouleversé la donne. Tout va vite. On n’a plus de situation établie. Il faut remettre son titre en jeu en permanence pour rester dans la course.

Vous avez fait vos débuts dans l’émission « La Classe » sur France 3 en 1987. Quels souvenirs gardez-vous de cette période et de cette expérience ? J’ai eu la grande chance de démarrer dans une émission très populaire qui m’a fait connaître du jour au lendemain. Quand je vois les difficultés qu’ont beaucoup de jeunes humoristes talentueux à se faire connaître aujourd’hui, je réalise à quel point j’ai eu de la chance. Cela dit, c’est toujours un peu dangereux d’être connue du jour au lendemain. J’ai été connue d’abord, j’ai appris mon métier ensuite.

Comment viennent vos inspirations ?

La vie quotidienne. J’observe beaucoup, je lis les journaux, je regarde la télé, je surfe sur internet. J’essaie d’être à l’affût de ce qui se passe. En fait le problème n’est pas de trouver quel thème traiter mais de trouver comment rendre drôle des choses qui ne le sont pas. Rien n’est drôle en soi. C’est le regard de l’humoriste qui va rendre drôle telle ou telle chose.

“J’imagine que Nicolas Sarkozy a des choses plus importantes à faire que de s’occuper de mon sketch”

Avez-vous des thèmes tabous ? En clair, peut-on rire de tout ?
Dans la vie, je pense qu’on peut rire de tout, dans toutes les situations, les pires soient-elles. Sur scène, c’est différent, c’est à chaque humoriste de se fixer ses propres limites. Dieu merci, on vit en démocratie dans un pays libre. En tout cas, on ne peut pas faire rire avec des choses qui ne nous font pas rire. Mais ça devient un peu ennuyeux quand on réfléchit trop sur l’humour comme ça non ?
J’aime bien cette phrase: « l’humour, c’est comme les grenouilles, ça meurt pendant la dissection ». Le rire c’est une émotion, il y a un côté spontané, on ne peut pas tout expliquer, tout analyser et heureusement.

A vos débuts vous parliez beaucoup du couple et des régimes, puis vous avez évolué vers des thèmes plus sociaux et maintenant politiques. On vous appelle la sociologue du quotidien. Avez-vous fait le tour de la question ?
« Sociologue du quotidien », c’est flatteur. En même temps, les gens qui viennent rire à mes spectacles ne se disent pas « quelle formidable sociologue du quotidien »… Bien sûr que les thèmes de mes spectacles ont évolué, quand j’ai démarré j’avais 22 ans, j’en ai 42 . Je me demande de quoi je vais parler quand j’aurais 62 ans…

Vous évoquez souvent votre admiration pour Coco Chanel. Qu’est ce qu’elle représente pour vous ?
Elle a été un précurseur. Elle avait une forte personnalité. J’aime les femmes hors du commun qui innovent.
Avez-vous l’âme d’une féministe ?
Oui. Il reste tellement à faire même dans notre pays. Les inégalités salariales, les problèmes de garde d’enfant, la difficulté d’accès à des postes dirigeants, le temps partiel subi par les femmes…

Est-ce que c’est plus effrayant de monter seule sur scène ou de faire du cinéma ?
Monter sur scène, je commence à en avoir une certaine expérience depuis 20 ans. Sur scène, j’arrive plus facilement qu’avant à être à la fois détendue et concentrée. J’ai plus de plaisir et moins de peur. Au cinéma, je suis vraiment novice mais je ne demande qu’à apprendre…

Vous avez été la Marraine du festival Paris fait sa comédie. Quel bilan tirez-vous de cet événement ?
J’ai eu carte blanche à l'Olympia le 30 mars. J’ai choisi d’inviter plusieurs jeunes humoristes. ça a été une belle soirée. Dans festival, il y a le mot fête, j’aime faire des choses inattendues, des sketches à plusieurs, prendre des risques.

Quel est votre principal trait de caractère et votre principale qualité ?
Mon principal trait de caractère , je dirai la détermination et une grande force de travail. Mon défaut vous ne voulez pas savoir ? Je suis assez désordonnée et nulle en entretien de la maison. Ca exaspère mon mari. Je veux toujours faire plusieurs choses en même, je n’y arrive pas et je m’énerve. ça aussi, c’est un défaut, je m’énerve vite, je suis speed. J’ai encore plein d’autres défauts mais je ne vous les dirai pas…
Quelle est votre plus grande folie matérielle ?
Je suis dingue de tout ce qui touche à la santé.
Quand des amis veulent des bonnes adresses de médecins, ils m’appellent: ostéopathe, nutritionniste, oto-rhino, acupuncteur… Je suis fasciné par les parapharmacies, les produits pour maigrir, les crèmes antirides, les huiles essentielles, j’aurai chez moi de quoi faire une brocante de parapharmacie. Dommage que ça n’existe pas.

Quelle est votre occupation préférée quand vous ne travaillez pas ?
Internet, la télé, les journaux mais avant tout mes enfants.

Internet, est-ce indispensable ou superficiel?
Je suis une dingue d’internet surtout depuis que je vais sur des blogs lire ce que les gens pensent de l’actualité, je peux y passer des heures.

Nous vous avons croisé à la soirée de lancement de Youhumour.com. Pouvez –vous nous parler de ce site ?
C’est un site où on peut voir plein de vidéos, de programmes courts, de sketches de jeunes humoristes très talentueux . Il y a aussi 80 de mes sketches en ligne. La nouveauté par rapport à youtube ou dailymotion c’est que les droits d’auteur sont payés aux artistes. Il était temps.

Qui vous fait rire en ce moment ?
J’ai adoré les ch’tis. C’est un succès incroyable et formidable. C’est un film drôle mais aussi plein d’humanité. Je trouve ça réconfortant de voir qu’il a touché des millions de gens. Une fois de plus, c’est le public qui décide.

Quelle est la dernière chose qui vous ai fait de la peine ?
Tout va bien, il y a juste des moments où j’ai l’impression d’avoir trop de choses à faire et j’ai peur de ne pas y arriver. La dernière fois que j’ai pleuré, c’était de fatigue. Mais dans ce métier, il n’y a pas de juste milieu, c’est toujours trop ou pas assez.