40 bougies pour Rungis
Quarante ans ! Quarante ans que les Halles ont déménagé du cœur de Paris. Mardi 3 mars, à 3 heures du matin, nous quittons le quartier des Halles, direction Rungis, renouvelant à petite échelle et à 40 ans d’écart, le départ du « ventre de Paris » vers cette bourgade du Val-de-Marne, toute proche de l’aéroport d’Orly.
Ayant peu ou pas du tout dormi, il faut dire que nous sommes légèrement lents au niveau cérébral ; le voyage s’effectue pourtant assez vite, en l’absence de circulation ; après quelques tâtonnements compliqués par une nuit d’encre, nous finissons par trouver le péage donnant accès au Marché d'intérêt National (MIN), qui s’étale sur plus de 200 hectares d’une géométrie minérale, structurée de grands pavillons parallélépipédiques.
Une fois à l’intérieur du périmètre, nous empruntons le « périphérique », cap sur le pavillon de la marée (poissons, coquillages et crustacés), qui est celui où l’activité démarre le plus tôt. Après avoir retiré d’un distributeur automatique les blouses blanches en papier léger indispensables à l’accès aux lieux, nous parcourons l’allée centrale de cet immense hall, où les caisses de polystyrène débordent d’animaux marins de toutes espèces, parfois des poissons énormes, des coquilles Saint-Jacques toutes fraîches et bien d’autres produits de la mer.
Après avoir croisé Khalid, originaire d’El Jadida au Maroc, qui travaille pour l’entreprise Reynaud, spécialisée dans la crevette, nous entamons une discussion avec Michel, responsable de la Maison Demarne, un gros intervenant du marché du poisson. “On était déjà aux Halles” précise notre homme. “Ici, il y a moins d’atmosphère. Aucun effort n’a été fait sur la plan architectural. Mais l’esprit de la vente reste le même entre 0h30 et 6h30. On approvisionne le monde entier de l’Argentine à la Hollande, mais on privilégie les restaurants de la région Ile de France et les poissonneries de Province.”
Une poignée de main énergique, à l’ancienne, et nous reprenons notre marche. Impossible de quitter le quartier de la marée sans s’arrêter à La Marée le célèbre restaurant de poissons où Frank, fidèle au poste depuis 19 ans, fait “péter” le verre de blanc. Vite servi, vite bu, nous filons vers d’autres points d’accueil.
Au bout de l’avenue de Corrèze (axe central de ces lieux hermétiques de prime abord), nous pénétrons dans le pavillon de la volaille, où trône en son milieu le « Saint-Hubert », bistrot-bocal vitré et carré, où vient de s’installer Marc-Olivier Fogiel pour la matinale d’Europe 1, avec tout son studio. Une bouteille de Pouilly-Fumé nous aide à nous mettre dans l’ambiance des blouses blanches qui nous entourent. Pas de chance, la saison du gibier est passée, et les lièvres, perdreaux, chevreuils et autres sangliers ont disparu des caisses-présentoirs ; seuls subsistent des volatiles plus classiques, poulets, chapons, cailles, pintades et dindons… “La saison du gibier se termine fin février” confirme Guy Kurnikowski, un des patron d’Eurovolaille. Devant la difficulté d'orthographier son nom, il précise en rigolant: “aux Halles, les sociétés étaient au nom des actionnaires; quand il y en avait un qui partait à la retraite, il fallait tout changer...”
Notre hôte est aussi sympathique que sa volaille, mais il ne faut pas mollir. Nous nous dirigeons au pavillon de la viande, en face, où nous sautent aux yeux par milliers les carcasses de bœufs pendues à leurs esses, dans une ambiance disons «réfrigérée » et quelque peu surréaliste. Il est alors un peu tôt (6h 30) pour déjeuner à « L’Aloyau », le restaurant qui fait le coin du pavillon.
Nous décidons donc de partir au pavillon des fleurs, où la belle Sabine nous dit son plaisir d’être là. Ici, s’accumulent les végétaux ornementaux de toutes sortes ; j’en profite pour acheter un gros bouquet de roses rouges, dont j’offrirai au retour des échantillons à mes amies du quartier des Halles. Il faut en fait savoir – chose méconnue malheureusement – que tout un chacun peut aller faire ses courses à Rungis… C’est simple: il suffit pour cela de se présenter comme visiteurs au péage.
Revenus à « L’Aloyau », nous dégustons, en guise de petit déjeuner, une bonne viande rouge / frites arrosée de Côtes-du-Rhône, jouissant ainsi d’une pause bien méritée, mais Rungis est si grand et si intéressant qu’il faut déjà repartir.
Après une brève incursion au pavillon du frais (beurre/œufs/fromages) à la recherche de nos voisins de Montorgueil, la Maison Oudot, - que nous n’avons pas trouvée malgré de nombreux efforts -, après une pause photo devant la célèbre Bovida -, nous nous dirigeons vers les fruits et légumes, où mon ami Claude Nardone, soutenu par son oncle Dominique, des anciens de la rue Tiquetonne, nous offre un accueil vraiment chaleureux ( voir ci-dessous).
Il fait bien jour à présent, et nous reprenons le chemin de la capitale, où nous arrivons à 11h, après quelques embouteillages qui rendent la tâche difficile à notre conducteur Jérôme, comme nous tous envahi par une légère fatigue. Nous voilà, Boulevard de Sébastopol, mission accomplie : nous avons dignement célébré le 40e anniversaire de Rungis ! Rendez-vous dans dix ans pour le cinquantième anniversaire !