Saïd Taghmaoui: « La Ferrari du Maroc, c’est Abderrahim Tounsi »
Juillet. 2017 \\ Par Hervé Meillon

Clin d’œil a réuni Saïd Taghmaoui et Abderrahim Tounsi, deux générations partageant une seule passion: le Royaume ! Entre la star mondiale du cinéma et le précurseur de l’humour marocain, la rencontre a été placée sous le signe du respect et de l’admiration.

Pour dire vrai, l’annonce de l’hommage mérité consacré , par le Festival International du Film de Marrakech (FIFM), à Abderrahim Tounsi, nous a fait au chaud au coeur pour l’artiste mais elle a refroidi notre coup médiatique.

C’est que l’idée de consacrer notre couverture à Abderraouf ne date pas d’hier. Elle remonte exactement au mois de juillet 2015 et à la parution, dans le numéro n°40 de notre magazine,  d’un reportage sur la star du cinéma Saïd Taghmaoui. A une question sur l’humour marocain - Vous votez Jamel Debbouze  ou Gad Elmaleh ? - Saïd Taghmaoui répondit : « je choisis sans hésiter Abderrahim Tounsi, surnommé Abderraouf.» (voir ci-dessus)

Depuis cette réponse étonnante de Saïd Taghmaoui, nous n’avons jamais abandonné l’idée de rencontrer le fameux Abderraouf dont on annonçait la santé chancelante. Notre rendez-vous avec la vieille gloire de l’humour du Royaume, enfin programmé à Casablanca, au Sofitel Tour Blanche, allait être rempli de coïncidences ! 

Alors qu’Abderraouf entrait dans le hall de l’hôtel de luxe, deux hommes se croisent par le plus grand des hasards ! C’était notre invité Abderrahim Tounsi, qui franchissait la porte et l’instigateur involontaire de notre rencontre, Saïd Taghmaoui, alors en tournage d’une publicité pour la RAM, qui en sortait.

Surprise générale pour nous tous !  Inutile de vous dire l’émotion du comédien américo-marocain.  Très croyant, Saïd reste sans voix. Il implore le Tout Puissant. «Dieu est grand» dit-il. «Il n’y a jamais de hasard, il n’y a que le destin qui se déroule sous nos pas.»

Cette exceptionnelle rencontre de deux stars donne une délicieuse sensation de marcher sur l’eau. Immédiatement, rendez-vous fut pris pour que la rencontre et une séance de photos puissent s’organiser pour Clin d’œil, après le déjeuner de Saïd.

«Tounsi, c’est le Coluche français» résume Saïd Taghmaoui. «C’est un des rares comiques à faire l’unanimité toutes générations confondues avec sa voix unique, nasillarde. Il n’a jamais fait ce métier pour obtenir des galons mais pour donner du bonheur au peuple. Si les réseaux sociaux avaient existé lors de l’apogée de sa carrière, Abderraouf aurait été une star internationale, un comique téléchargé dans le monde entier... »

Et Saïd de remonter le fil de sa mémoire, de sa jeunesse. «La première fois que j’ai vu Abderraouf, c’était avec mon père, dans une MJC à Aulnay-sous-Bois» précise-t-il. «Mais mes meilleurs souvenirs d’Abderraouf, ce sont des cassettes VHS dans l’auto-radio de la voiture, toujours avec mon père. En fait, mettre Abderraouf à l’honneur comme vous le faites, c’est un vrai devoir de mémoire, c’est comme célébrer un héritage car Tounsi est le précurseur de l’humour marocain. Et je me dois  de saluer votre initiative que je qualifierai de noble. A force de courir après toutes les modes, à force d’opter pour une modernisation absolue, on prend le risque d’oublier son histoire, son ADN. C’est un des écueils du Maroc d’aujourd’hui.»

Saïd Taghmaoui n’a pas peur des références. Il ose toutes les comparaisons. «Abderraouf, c’est Fernand Raynaud avec son 22 à Asnières» dit-il. «Chez Tounsi, il y a la finesse, la réalité sociale. Il est très subtil, il pouvait parler et se moquer de tous les sujets. On se voit en lui. Lorsqu’il parle de l’avarice, il nous décrit en nous faisant rire et sans nous blesser. C’est pas lui, c’est pas nous, c’est pas nous c’est lui.»

Saïd considère surtout Abderraouf comme un artiste majeur. «Souvent, il dit que ce n’est pas lui qui écrivait mais sa main. C’est exactement ça, l’art. Il affiche un pragmatisme  qui frôle le surréalisme. Pour faire de la comédie, il faut-être très malin mais surtout très intelligent.» Et Tounsi, rusé comme un renard, s’est débrouillé seul. «Abderraouf n’a jamais eu d’agent, de producteur» précise Saïd Taghmaoui. «Sa carrière est d’autant plus exceptionnelle. En fait, la Ferrari du Maroc, c’est lui, Abderrahim Tounsi.