Romero part au combat
Septembre. 2009 \\ Par Jérôme Lamy

Avec Les Voleurs de liberté, Jean-Luc Romero signe un livre militant sur la fin de vie et le droit de mourir dans la dignité. Conseiller régional d'Ile-de-France, l’ancien élu UMP est aujourd’hui un électron libre sur la carte politique. Soutien affiché de Bertrand Delanoë, Jean-Luc Romero n’a pas encore annoncé s’il se ralliera à Jean-Paul Huchon aux prochaines régionales.

Clin d’oeil.- Comment est né votre engagement politique?
Jean-Luc Romero.- Il s’explique par l'attachement à mon oncle et au rejet de ce qu’il défendait. Mon oncle était communiste. Il se fourvoyait dans la réalité. J’admirais son combat mais je ne partageais pas son idéologie. J’ai donc décidé, en réaction, de mener le mien.

Comment vous situez-vous aujourd’hui sur la carte politique?
Je suis ailleurs. J’ai fondé, en 2004, un parti Aujourd'hui, Autrement, reposant sur le principe de mise au centre de l'homme dans la société. Mais je crois que la vie citoyenne se fait davantage au sein des associations et des ONG qu’au sein des partis.

Est-ce qu’on peut imaginer qu’un président de la République soit issu de la société civile?
Les cartes ont été redistribuées et les frontières ont explosé. Le gouvernement réunit aujourd’hui des personnalités allant de la gauche à l’extrême droite, de Martin Hirsh à de Villiers, donc la droite et la gauche, ça ne veut plus rien dire.

Vous considérez-vous toujours comme un homme de droite?
Je ne me suis jamais considéré comme un homme de droite. A titre personnel, être de droite n’a jamais eu un sens pour moi. J’adhère au rêve de De Gaulle, à cette fameuse troisième voix. Je suis un humaniste et un gaulliste. Tous mes combats sont placés dans cette perspective-là.

Vous êtes très proche de Bertrand Delanoë. Pourtant, le maire de Paris n’est pas gaulliste...
Bertrand Delanoë m’a toujours témoigné amitié et fidélité. Ce qui est rare en politique. Il est l’un des rares élus à porter les questions de société qui sont essentielles pour moi, même si Nicolas Sarkozy a tenté l’aventure avant de faire marche arrière. La crise économique a montré que les hommes politiques nationaux avaient peu de pouvoir par rapport à la mondialisation et au monde de la finance. Le seul pouvoir qui appartient encore aux politiques concerne les thèmes sociétaux comme la famille, l'immigration, le droit des homos ou la fin de vie.

Est-ce que vous pourriez soutenir Bertrand Delanoë lors de la prochaine élection présidentielle?
Il faudrait déjà qu’il soit candidat et qu’il obtienne l’investiture du PS...

Et si c’était Ségolène Royal qui était la candidate du PS…
Pour tout dire, je suis assez admiratif des gens qu’on enterre et qui sont toujours là. Ségolène Royal est rejetée par tout le monde et surtout par les siens, et elle continue encore à donner le la à l’opposition. Médiatiquement, c’est la seule à exister face à Sarkozy.

Est-ce qu’une femme peut être élue présidente de la République?
Les Français sont capables de porter une femme ou un pédé à l’Elysée. Ils avancent plus vite que les partis politiques sur les questions sociétales.

Sur les questions sociétales, on a l’impression que la droite avance plus vite que la gauche…
Jospin a quand même fait le PACS. Ce n’est pas rien. Mais c’est vrai que la gauche, qui avait une  longueur d’avance, s’est aujourd’hui laissée déborder et dépasser. Derrière la pénalisation des propos homophobes, on retrouve Chirac et Raffarin. La gauche l’a promis, Chirac et Raffarin l’ont fait. A l’heure où la droite semble entreprendre un retour en arrière, je ne saurais que trop conseiller à la gauche de se saisir de ces questions de société. Le droit civil ne suit toujours pas l’évolution de la famille. Aujourd’hui, 50% des enfants naissent hors mariage sans que le vide juridique soit comblé.
Nicolas Sarkozy avait pourtant envoyé un message fort, lors de la campagne présidentielle, notamment sur le statut des beaux-parents…
C’était avant que Jean Leonetti et Christine Boutin ne le fassent changer d’avis. C’est le problème de Sarkozy : beaucoup de mots séduisants, beaucoup d’espoirs et peu d’actes; sauf sur l’Europe où Sarkozy a été un grand président. Je dois néanmoins dire que Nicolas Sarkozy est un homme très sympathique. Tous les gens qui le rencontrent ne diront pas le contraire.

Vous appartenez à la majorité de Jean-Paul Huchon à la Région. Peut-on dire que vous ferez campagne derrière lui lors des prochaines échéances électorales?
Il est encore trop tôt pour en parler. Ma décision n’est pas prise. Les questions de politiques politiciennes m’intéressent beaucoup moins que mes combats pour le SIDA et la fin de vie. A la Région, je ne trouve plus ma place au sein du groupe UMP, qui ne présente pas de projets alternatifs. Et comme Huchon fait plutôt son boulot, j’appartiens à sa majorité.
De quand date votre divorce avec l’UMP?
Il remonte à l’investiture donnée par l’UMP à Christian Vanneste pour des élections législatives et municipales alors que ce dernier avait été condamné pour propos homophobes avant d'être relaxé par la cour de cassation. Si un homme comme Christian Vanneste a sa place à l’UMP, alors je n’ai pas la mienne.

Est-ce que cette rupture est définitive?
Dans la vie, il n’y a jamais rien de définitif. Mais l’orientation de l’UMP sur le déremboursement des médicaments et l’augmentation du forfait hospitalier me fait peur. Il faut savoir que dix millions de personnes souffrent de pathologie lourde en France. Sur ces questions-là, les Etat-Unis avancent quand la France recule.

Comment jugez-vous l’évolution de la droite parisienne?
A part deux ou trois jeunes, comme Pierre-Yves Bournazel ou Roxane Decorte, il n’y a aucune trace de renouvellement. Les dirigeants font avec eux ce qu’ils ont fait avec moi : ils les laissent s’agiter pour se donner bonne conscience mais ils leur coupent le micro sur les questions importantes. A l’image de Philippe Goujon, la politique de la droite parisienne est faite par des héritiers, avec des héritiers et pour des héritiers. Si Goujon était un homme moderne, ça se saurait…

Est-ce que Fillon représente l’avenir de la droite parisienne?
L’UMP possède pleins de talents à Paris. Encore faut-il les écouter... Déjà avec Seguin, l’UMP était allée chercher un homme providentiel en dehors de la capitale. On connaît le résultat…

Est-ce que vous regrettez d’avoir révélé votre séropositivité?
Si j’étais carriériste, j’aurais réfléchi. Mais comment peut-on être carriériste quand on ne sait pas de quoi demain sera fait… Dire la vérité est une forme de liberté. Je connais trop d’hommes politiques ou de personnages publics qui vivent dans l’angoisse permanente pour cacher leur maladie ou leur orientation sexuelle. Le problème avec le SIDA, c’est que cette maladie continue à avoir une connotation honteuse puisqu’elle est réservée, pour l’imagerie populaire, aux drogués ou aux pédés. Quand on fait de la politique, on doit se montrer fort et en pleine santé. Les gens apprécient la franchise mais fuient la faiblesse. Si plus de gens souffrant de pathologies lourdes osaient parler de leurs accidents de la vie, de leurs rêves de longévité, ça renforcerait l’ouverture d’esprit d’un plus grand nombre. L’exemple le plus frappant, c’est le mystère qui a toujours entouré les bulletins de santé des présidents de la République. Comment Chirac pouvait-il prétendre se battre pour l’intégration des handicapés et taper sur les doigts de ses ministres qui parlaient de son appareil auditif ?
Est-ce que vous trouvez que le gouvernement en fait trop pour la grippe A?
Je ne sais pas s’il en fait trop, mais je sais qu’il n’en fait pas assez contre le SIDA. Le SIDA, c’est 5000 morts par jour, la grippe A, c’est 350 morts depuis le début de la pandémie. C’est disproportionné. Comment peut-on laisser mourir 5000 personnes par jour ? Le SIDA est simplement passé de mode, la maladie fait moins peur quand la prévention est presque inexistante.

Votre dernier livre, Les Voleurs de liberté, est un ouvrage militant pour la légalisation de l’euthanasie. C’est un combat difficile...
On a déjà gagné la bataille de l’opinion car les sondages montrent que 86% des Français sont favorables à l’euthanasie... Il nous reste à remporter celle des médias, car pas un seul quotiden national n’a pris clairement position, et celle des élites. Mais cette question ne les passionne plus. On veut simplement une loi pour tous: une loi pour Boutin ou de Villiers, qui auront le droit de mourir dans une souffrance rédemptrice, et une loi pour ceux qui veulent mourir dans la dignité. Il faut arrêter de dire qu’on veut pousser au suicide tous ceux qui ont un chagrin d’amour. On se bat pour la vie car la vie est belle. Je n’ai jamais trouvé la vie aussi belle que depuis que je sais que je suis séropositif car je me régale de chaque instant.

Vous dénoncez des taux de suicides inquiétants chez les seniors…
Les seniors, dont le taux de suicide est 85% supérieur à la moyenne, mettent fin à leurs jours dans des conditions physiques et morales abominables, que ce soit en se tirant une balle dans la tête ou en se pendant. Là encore, on oublie les douleurs de la famille, les troubles durables des proches qui découvrent ces atrocités. En France, seules 26% des personnes meurent accompagnées…

La France est en retard sur ses voisins européens…
Où est la France des Lumières, qui montraient l’exemple? Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ne sont pas des pays barbares. Pourtant ils ont légiféré sur la question de l'euthanasie. Idem pour la très catholique Espagne. Même l’Italie, malgré le poids du Vatican, est en avance sur nous…

Qui sont les mandarins dont vous parlez dans Les Voleurs de liberté?
Ce sont les parlementaires, qui nous confisquent le débat. Ils imposent leur morale religieuse à notre République laïque. Il faut savoir qu’à côté de l'Assemblée nationale, il y a un petit Vatican qui s’appelle l’église Sainte-Clotilde. Les députés ont le droit d’aller à l’église mais les curés exercent sur eux un lobbying qui n’offusque pas notre République laïque.

Quelle est la position de Jean-François Copé?
Il ne s’est jamais exprimé clairement. En revanche, Xavier Bertrand m’a réaffirmé son soutien à notre cause.

Xavier Bertrand a l’oreille de Nicolas Sarkozy…
Nicolas Sarkozy a surtout l’oreille de saint Leonetti et de la fameuse commission éponyme, qui avance à grands coups de chantage et de contre-vérités sur les soins palliatifs. Le Président doit comprendre que cette question dépasse les clivages politiques. C’est décevant car le Président avait fait preuve d’une vraie ouverture lors de la campagne présidentielle. Il est simplement dommage qu’il ait été effrayé par les cries d’orfraie de Christine Boutin.