Radoine Elhaoussa: Il faut parler du tourisme rural, à travers le cheval
Octobre. 2014 \\ Par Jérôme Lamy

Le propriétaire de la Ferme Équestre Tensift organise le premier voyage équestre
entre Marrakech et El Jadida. Arrivée programmée, en plein cœur du Salon du Cheval...

 

Radoine Elhaoussa n’a pas chômé cet été. Il a creusé un puits pour parfaire la toilette des chevaux. Il a monté quelques gradins qui surplombent désormais la grande carrière. Après avoir organisé des stages pour les jeunes enseignants français et marocains, le jeune (37 ans) propriétaire de La Ferme Équestre Tensift a même trouvé le temps d’installer des Paddocks avec des rubans de clôtures électriques pour offrir aux chevaux une plus grande liberté.
Posée route de Casablanca, en bordure de la Palmeraie de Marrakech, au milieu d’un champ de grenadiers de onze hectares, La Ferme Équestre Tensift est en pleine ébullition. C’est ici que s’élancera, le 16 octobre prochain, le premier voyage équestre entre Marrakech et El Jadida dont le point d’orgue de cette randonnée unique sera son arrivée, le 22 octobre, en plein cœur du Salon du Cheval.
Radoine est un habitué des lieux: «après des participations avec les élèves du club pour le concours du carrousel, un spectacle avec l’équipe des arts équestres de la Société Royale d'Encouragement du Cheval (SOREC) comme formateur et cavalier devant Sa Majesté, j’ai décidé de marquer d’une empreinte encore plus forte le Salon du Cheval.»
Une dizaine de cavaliers confirmés - «à l’aise aux trois allures» précise Radoine - ont décidé de tenter l’aventure et de découvrir une région inexplorée. Des charmes du massif des Jbilet, ces petites montagnes à la sortie de Marrakech qui séparent la région de l’Haouz et la vallée Rhamna, à la magnifique plongée dans la Région de Doukkala, vers El Jadida, en franchissant Sidi Bennour et Sidi Smail, les randonneurs ne sont pas au bout de leurs surprises. «Il n’y pas de gites, on dormira donc sous des tentes ou chez l’habitant» précise Radoine dont l’objectif est de créer une route touristique référente.
Au plus grand bonheur des villageois dont l’accueil lors des journées de repérage a été chaleureux et joyeux. «Les villages sont impatients qu’on développe le tourisme équestre» lance Radoine. «Il y a le tourisme à Marrakech, le tourisme berbère, le tourisme du désert, le tourisme de la mer, il y aura bientôt le tourisme rural. Et Il faut développer le tourisme rural à travers le cheval et encourager tous ces gens de bonne volonté à bâtir des gites pour accueillir les touristes.»
A Sidi Bennour, au village Fnatssa, c’est une fantasia qui accueillera la joyeuse randonnée de La Ferme Tensift. «Dans cette région, il y a un cheval dans chaque maison» précise Radoine. «Or, la seule vocation du cheval, c’est la fantasia. C’est dommage car il y a peu d’élus. On doit aussi encourager la création de structures équines dans ce secteur».
Radoine voit loin mais n’oublie pas les exigences du présent. «L’idée de cette randonnée, c’est aussi de valoriser et varier l’utilisation du cheval barbe et du cheval arabe-barbe» précise-t-il avant d’ajouter: «on ira sans doute sur la plage d’El Jadida avant de franchir les portes du Salon car galoper le long de la mer est le rêve de tous les cavaliers marrakchis».
C’est face à l’Atlantique, à Dar Bouazza, où il a grandi en pleine campagne, que Radoine déchiffre les premiers secrets des chevaux et devient un cavalier émérite. Le virus, ce sont ses grand-pères, Regragui d’Essaouira et Miloudi de Dar Bouazza, cavaliers de fantasia, qui le lui ont transmis. Rien d’étonnant qu’il abandonne La Faculté de Droit Hassan II, à Casablanca, pour satisfaire sa passion équine.
Aide-moniteur dans un club équestre, de la région de Dar Bouazza, il se plonge, avec abnégation et passion, dans les livres de pédagogie équestre et passe son temps libre devant la chaîne spécialisée Equida. Il décide de franchir le grand pas, en 2004, et part pour la France où il passe le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). En 2007, il suit un stage de pédagogie équestre. «Jusqu’au galop 7, j’ai fait de l’auto-formation» précise-t-il. Radoine est un des élèves les plus doués de sa génération. Tant et si bien qu’il réussit, en 2008, le concours au?brevet d’Etat, au centre de formation équestre La Canorgue, dans le Lubéron.
Il se lance, alors, dans une formation aux métiers du cheval dans les écuries du CEFTER PACA, à Barcillonette. Il rentre au Maroc, au crépuscule de l’année 2009, avec un brevet d’Etat en dressage, cross et saut d’obstacles, un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur, un brevet d’attelage, un diplôme de moniteur pour aveugles et un diplôme premiers secours. «J’avais acheté mon billet d’avion pour Casablanca avant de passer le dernier examen» se souvient-il.
Les diplômes et les ambitions ne suffisent pas toujours. Il déchante. Son projet de ferme équestre, dans la région de Dar Bouazza, ne verra jamais le jour. «J’étais écœuré, je voulais rebondir vite pour évacuer cette déception» confie-il. Il hésite entre deux propositions et autant de tentations. Entre un travail en France comme enseignant et un job dans une Ferme Équestre, à Marrakech, il laisse parler sa fibre nationale. Là, encore, l’expérience est frustrante.
Le désenchantement, Radoine a en trop soupé. Après la visite d’un terrain, au début de l’année 2011, à la sortie de Marrakech, il entrevoit la lumière et jette les premières bases de La Ferme Tensift. En trois ans, la Ferme passe de 6 chevaux à 40 chevaux (25 chevaux club et 15 propriétaires). Initiations, perfectionnement, randonnées et équithérapie pour les mal-voyants, les enfants sourds et muets ou les Associations de handicapés, Radoine met son grand savoir-faire pédagogique aux services des pus fragiles. Il croit au rôle de cheval dans la société et à l’avenir de l’équitation au Maroc. «Avec l’arrivée du Prince Moulay Abdellah Alaoui à la tête de la Fédération, l’équitation a pris son envol» confie-t-il.
Normal que le cheval devienne une vraie signature du tourisme comme le désert ou la gastronomie...