Marcel Cerdan Junior: «Piaf est responsable de la mort de mon père»
Marcel Cerdan reproche à Edith Piaf d’avoir convaincu son père de prendre l’avion pour la rejoindre vite à new-York. «Mon père a accepté pour qu’elle ne lui casse plus les pieds. Il avait d’ailleurs décidé qu’il allait rompre avec elle» confie le fils de la star.
Quand le bombardier marocain est mort, son fils Marcel Junior avait six ans. Aujourd’hui, âgé de 73 ans, il vit à Paris, auprès de sa femme, confortablement installé dans le XVIe arrondissement .
Le fils du champion, boxeur comme lui, se confie, dans ce document exclusif, en remettant quelques pendules à l’heure. Pied noir, il assume sa réputation haute en couleur. En tout cas, il ne mâche pas ses mots.
Clin d’œil.- Avez-vous voulu suivre le chemin de votre père en pratiquant la boxe ?
Marcel Cerdan Junior.- Au Maroc, tout le monde me disait: « fais comme ton père, fais comme ton père ». Mais, je ne voulais pas ! ils ont tellement insisté que finalement j’ai craqué. Pour être sincère, je n’ai jamais aimé la boxe. D’ailleurs je n’ai jamais aimé le sport».
Avez-vous néanmoins de bons souvenirs de votre propre carrière de boxeur ?
Je ne garde pas de souvenirs intéressants de ma carrière de boxeur. Cela n’a pas été un sport, cela a été mon métier.
Et votre père préférait le foot...
Toute la famille du côté de ma mère se passionnait pour le foot. Mon oncle Narcisso Lopez, qui était espagnol, a joué dans l’équipe du Maroc. Il a même raté une belle carrière car les espagnols lui ont proposé un contrat pour jouer dans leur équipe nationale. C’est son père qui n’a pas voulu car sa seule distraction était de voir son fils jouer le samedi à Casablanca. Pour lui faire plaisir, il n’est pas parti. Mon père, lui, a joué ailier à l’Union Sportive Marocaine de Casablanca.
Sincèrement, si il n’y avait pas eu la ritournelle médiatisée avec Piaf, parlerait-on encore de votre père cent ans après sa naissance ?
Si mon père n’a pas sombré dans l'oubli, il le doit certainement à ses amours avec Edith. L'accident qui lui coûta la vie les installa dans la légende. L'un et l'autre, dans leur registre, ont marqué le siècle. Mon père a eu énormément de maitresses dans sa vie et Piaf n’en est qu’une parmi d’autres. Mais, ce fut une histoire très médiatique, très people dirait-on maintenant. Il y a des femmes très célèbres qui sont venues me dire « Marcel, tu sais , j’ai bien connu ton papa ! » A toutes, je leur disais : « je sais. Je connais toutes les maitresses que mon père a eues ». Je ne vais pas vous donner les noms, mais je peux vous garantir que les gens seraient surpris…
Comment Marinette, votre mère, vivait- elle ce tapage qui était fait autour de Cerdan et de Piaf?
Il faut se replonger dans l'époque et le milieu de la boxe. L'épouse était à la maison pour les enfants et l'homme faisait ce qu'il voulait. Qu'il ait une ou plusieurs maîtresses, c’était normal. Mes oncles ne vivaient pas autrement.
Votre mère acceptait donc cette situation...
Il faut savoir que chez nous les pieds noirs, quand deux femmes se rencontrent, il y en a toujours une qui demande : « Est-ce que ton mari te trompe ? » Et si elle dit non, l’autre lui répond : « tu vois ma chérie , il ne plait pas aux femmes».
Comment se fait-il qu’à l’âge de 15 ans vous soyez allé vivre chez Piaf à Paris ?
La mort de mon père avait rapproché ma mère et Piaf. Moi, je devais partir à Paris pour la boxe. Edith est venue à Casablanca nous voir et a proposé à ma mère de s’occuper de moi à Paris et de me loger. Ma mère m’a posé la question et je lui ai dit : « Maman, si je suis bien je reste, sinon je pars. J’y suis resté jusqu’à mon service militaire en 1962 et ensuite je n’y suis pas revenu».
Piaf vous parlait-elle beaucoup de votre père ?
On n’a jamais parlé de mon père, ni elle, ni moi. On mangeait ensemble, je dormais chez elle. Elle m’a présenté des personnalités et fait découvrir Paris. Contrairement à ce que dit la presse , elle ne m’a jamais poussé à la boxe.
Pensez-vous qu’elle vous accueillait à cause du remords ?
Elle est tout de même responsable de la mort de mon père. C’est elle qui l’a poussé à venir vite la rejoindre et à prendre l’avion. Mon père a accepté pour qu’elle ne lui casse plus les pieds. Il avait d’ailleurs décidé que cela serait la dernière fois et qu’il allait rompre avec elle! Il faut dire qu’il n’appréciait absolument pas qu’elle téléphone chez nous à Casablanca. Il ne lui accordait pas le droit de perturber sa famille. Ce n’est pas parce qu’elle s’appelait Edith Piaf qu’elle pouvait tout se permettre.
Marinette, votre mère s’est-elle remariée ?
Non et je suis sûr qu’elle n’y a jamais pensé. Ma mère consacrait sa vie à ses enfants. Toute son existence, elle a été extraordinaire. Elle habitait en Espagne et lorsqu’elle venait à Paris, elle habitait avec moi. La famille était sa vie autant ses frères, ses sœurs que ses enfants. Maintenant, elle repose près de mon père et je veux être enterré près d’eux.
Vous aviez six ans au moment de la mort de votre père. Conservez-vous des images de lui ?
Quand nous étions en voiture, j’étais à côté de lui. Il me disait : ‘appuie sur mon nez’ et pour me faire rire, il klaxonnait. A la ferme, on avait une piscine et il me plongeait dedans alors que j’étais tout petit. Je me souviens que j’étais fier car rien ne pouvait m’arriver quand mon père me tenait la main. Mais il m'a manqué, toujours terriblement manqué. Quand j'avais 15 ou 16 ans j'aurais aimé qu'il soit mon oreille, un copain à qui j'aurais pu me confier. Chez nous, la famille c’est sacré. Toute la vie, on la garde dans la tête.
Avez-vous toujours la montre que votre père portait le jour de sa mort ?
Non, je l’ai donnée à un membre de ma famille.
Avez-vous encore des biens immobiliers au Maroc ?
Mon père avait acheté une ferme, en pleine campagne, à proximité de Casablanca. Il était aussi propriétaire de deux laiteries, mais il est mort avant de les exploiter. Ce sont les frères de ma mère qui s’en sont occupés. Dans la ferme, on possédait nos propres vaches pour le lait qu’on transportait en camion dans les laiteries.
Il y a toujours une brasserie Marcel Cerdan à Casablanca...
C’est la femme de Henri, le frère de ma mère, qui la tient. C’est ma mère qui la lui a laissée. Quand Henri est mort, sa femme a repris l’exploitation de la brasserie.
Retournez-vous encore au Maroc ?
J’y vais rarement. Je n’ai plus de famille. Je vais à Casablanca passer quatre ou cinq jours. Pourtant, c’est au Maroc que j’ai eu la plus belle vie. C’est un pays extraordinaire. Je vous parle de ma jeunesse, bien sûr ! Je m’en souviens comme si c’était hier.
Pensez-vous que si le combat avait eu lieu, votre père aurait récupéré son titre de champion du monde ?
Alors là, j’en suis plus que persuadé : archi-certain !