Legaret : La Droite peut battre Delanoë
Octobre. 2007 \\ Par Jérôme Lamy

JF Legaret, aussi détendu sur le balcon de la mairie du 1er, que dans son bureau, n’a éludé aucune de nos questions. Et pense la reconquête de Paris possible.

Clin d’oeil.- La Droite a-t-elle d’ores et déjà perdu les prochaines Municipales à Paris?
Jean-François Legaret.- Un sondage récent donnait 73% pour Delanoë et 26% pour Françoise de Panafieu. Ces chiffres ne sont pas crédibles. D’autant qu’il faut attendre les répercussions locales de la politique d’ouverture de notre Président de la République pour se prononcer.
Est-ce que vous approuvez la politique d’ouverture menée par Nicolas Sarkozy?
Je crois qu’il a raison. La frontière droite-gauche n’existe plus. D’ailleurs, je dois avoir le record national des commissions pluralistes dans la mairie du 1er arrondissement. J’ai donné une grande place à l'opposition dans les délibérations pour les places en crèche, les créneaux sportifs ou l’agenda des expositions par exemple. ça nous permet de sortir du rôle d’opposition stérile dont je souffre aujourd’hui au Conseil de Paris.
Voulez-vous dire que vos camarades UMP manquent de force de propositions au Conseil de Paris?
Non, nous essayons de faire avancer les débats mais Delanoë nous méprise. Il nous traite comme des chiens. Je lui ai écrit pour obtenir un rendez-vous, il n’ a jamais eu la délicatesse de me répondre alors que j’avais des propositions à faire notamment pour le projet des rénovations des Halles, qui sont situées dans mon arrondissement. D’ailleurs, il ne parle pas d’opposition mais de minorité ! Delanoë est un communicant exceptionnel. Il parle d’ouverture mais il fait exactement le contraire. Quand il tombe le masque, on découvre un homme sectaire, qui ne supporte pas les avis contraires. C’est un omnipotent redoutable. Il est également très nerveux et susceptible. La réalité du personnage est très éloignée de son image. Il a l’art de passer par toutes les couleurs des plumes du paon.
Comment Françoise de Panafieu peut-elle battre Bertrand Delanoë?
En communication, elle n’a aucune chance. Dans ce domaine, le maire de Paris est imbattable. Mais sur le fond des dossiers, oui! Rien n’est jamais acquis. Aujourd’hui, l’opération Velib’ est plébiscitée. C’est une formidable idée à laquelle j’ai souscrit. Mais la répartition des vélos et des stations n’est pas aussi bien équilibrée qu’à Lyon. Au 31 décembre, il y aura 1451 stations pour 20600 vélos, alors qu’aujourd’hui, on compte déjà 750 stations pour 10648 vélos. Il y aura donc une station tous les 300 mètres. Que penseront alors les Parisiens? Ce n’est qu’un exemple. Et puis, les élections municipales à Paris, ce n’est pas une élection mais 20 élections. Le deuxième arrondissement peut, par exemple, basculer à droite à cause de la division patente à gauche, entre les Verts et les socialistes.
Françoise de Panafieu est-elle la meilleure candidate?
C’est la personne idoine et, en plus, c’est la personne qui a été choisie par nos militants après une procédure démocratique. Je soutiens Françoise et je suis très ami avec Bernard Debré. L’addition de ces deux talents, peut nous mener vers le succès. Ne comptez pas sur moi pour encenser l’un, pour taper sur l’autre et ajouter à la division. Je ne veux surtout pas rejouer le scénario Tibéri-Seguin?

 

 

 

Avec Jean Tibéri dans le Ve, vous êtes le dernier “tibériste” rescapé à Paris. Vous assumez cette fidélité à Jean Tibéri?
Pourquoi devrais-je avoir honte de mes amitiés politiques? Pour moi, la fidélité n’est pas un gros mot en politique. En 2001, après la défaite de la Droite, on m’a dit : ‘t’es gentil mais t’es mort’. Aujourd’hui, je suis encore vivant et je peux me regarder dans une glace. Jean Tibéri est un homme courageux, qui a supporté des choses abominables de la part de la presse. Il fallait être costaud. C’est malheureux mais je crois que le temps va réhabiliter son bilan. Personnellement, il m’a confié une tâche exaltante en me nommant adjoint au budget.
Que pensez-vous de Paris-Plage?
Paris-Plage, c’est bien. Je soutiens l’initiative, mais ça ne doit pas être l’alpha et l'oméga de la politique du maire de Paris. Paris-Plage, ça symbolise assez bien la politique de Delanoë : un peu de paillettes, un peu de ponctuel mais pas de grands chantiers. En plus, on valorise davantage  une pataugeoire ridicule que la Seine. Avec Paris-Plage, la Capitale est aussi un bouchon permanent en été.
En tout cas, Paris-Plage valorise le patrimoine historique parisien et notamment la Seine...
Depuis 2001, on note surtout un ralentissement des initiatives pour la valorisation de la Seine. Il faut se souvenir qu’en 1998, nous avions effectué le ravalement complet des quais de Seine, que nous avions valorisé à travers la Fête de la Seine. Il ne faut pas oublier que nous avons également créé la marina et les parkings de Bercy. Or, il faut miser sur la Seine. Je crois beaucoup à son potentiel écologique. Sous notre mandature, nous avions multiplié par trois le tonnage fluvial. Je ne suis pas sûr qu’il soit possible de multiplier par 3 le trafic bus, RER ou tramway...
Êtes-vous candidat à votre succession lors des Municipales dans le 1er arrondissement?
Oui, je me présenterai à nouveau devant les électeurs.
Craignez-vous un parachutage de Christophe Girard (PS), adjoint à la culture, face à vous?
Je ne crains personne (rires). Mes racines, ce sont les Pavillons Baltard, les gueules des Halles, les récoltants de carottes, les mandataires qui avaient pignon sur rue. Mon père nageait comme un poisson dans l’eau dans ce décor à la Zola. Je lui tenais la main et je me laissais transporter par cette atmosphère, ces odeurs. Je crois que les électeurs y sont sensibles.
Pourtant, vous avez été battu lors des élections législatives?
Je crois pourtant avoir fait une bonne campagne. J’ai bossé dur. On parlait de tsunami bleu. On me disait que j’allais gagner les doigts dans le nez. Et, il y a eu une inversion de tendance entre les deux tours.
Vous êtes une des nombreuses victimes à droite de la TVA sociale...
Je suis un sacrifié ! La TVA sociale, c’était une grosse connerie. Ce dossier a été mal géré entre les deux tours d’autant, qu’aujourd’hui, il est complètement abandonné.
Est-ce que vous regrettez d’avoir utilisé un automate téléphonique la veille du second tour?
C’était une erreur de communication, cela a eu un contre effet. Si vous me demandez, si je le referais, la réponse est non.

 

 

 

Avez-vous digéré cette défaite?
Oui, même si c’est encore douloureux. Surtout que mon adversaire, Martine Billard, n’a pas franchement fait parler d’elle lors de la mandature précédente. Elle n’a pris aucune initiative. Elle s'est seulement investie contre les OGM et pour la rénovation des prisons. Or, je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de champs OGM ou de prisons dans le centre de Paris.
Dans le centre de Paris, la gauche perce de plus en plus...
C’est un grand paradoxe et une vraie mutation. Dans le centre de Paris, il y un électorat populaire, des petits commerçants qui sont sensibles aux valeurs de droite et des golden boys friqués qui votent à gauche. Je ne vais quand même pas marcher sur les mains pour plaire aux bobos.
Ne croyez-vous pas que la Droite paye son ancienne position sur le PACS?
J’ai évolué sur cette question. Aujourd’hui, comme le propose Nicolas Sarkozy, il faut  aller plus loin pour améliorer le PACS.
Êtes-vous favorable au mariage homosexuel?
Employer le mot ‘mariage’ est une erreur de terminologie. C’est un affront à toutes les religions. Pendant les législatives, je suis allé voir tous les hommes de foi, de toutes les confessions. Il faut prendre des décisions en conscience. Je suis le seul maire de droite a avoir participé à des parrainages républicains. Le monde a changé. Il faut envisager ces mutations pour envisager l’avenir.
L’avenir, c’est aussi la rénovation du Forum des Halles. Que pensez-vous de ce grand chantier?
J’ai apprécié le projet de Berger et Anziutti pour sa simplicité. Mais la mairie a perdu sept ans. C’est d’autant plus dommage que l’attribution de la rénovation des jardins à Mangin est une vraie fausse attribution. Delanoë aurait été plus courageux en disant que le concours a été infructueux et en lancant un autre appel d’offres.

 

AU NOM DU PÈRE
Chez les Legaret, la politique est une histoire de famille. Jean-François est né en 1952, l’année où son père, Jean, est élu député de la Seine. Le paternel deviendra aussi sénateur de Paris et Chevalier de la Légion d’Honneur. Jean-François Legaret met ses pas dans ceux de son père. A tel point qu’il a installé ses bureaux à l’adresse familiale de la rue des Prouvaires. “Le paradoxe, c’est que j’ai longtemps nié mon envie de faire de la politique pour en avoir trop fait par procuration.”
En fait, son patronyme a davantage été un héritage lourd à porter qu’un sésame pour brûler les étapes dans les méandres de la politique parisienne. Entré en 1983, à 30 ans, au Conseil de Paris où il demeurera six ans, ce passionné d’équitation a franchi les obstacles les uns après les autres. Ces années de bénévolat le rapprochent des Parisiens et de leurs préoccupations quotidiennes.
Quand il est élu conseiller de Paris RPR en 1989, son père est décédé depuis treize ans. “On ne peut donc pas dire que mon père a fait ma carrière” précise Jean-François. De son emblématique ascendant, Jean-François Legaret conserve un sens aigu, parfois galvaudé, du service public et une approche éthique de la politique.?Ces valeurs l’aident à assumer la lourde responsabilité d’adjoint au Maire, chargé des Finances et des marchés publics, que lui confère Jean Tibéri de 1995 à 2001. A l'Hôtel de Ville, il est alors à la tête d’un budget de 7 milliards d’euros, soit le deuxième budget de la France.
Devenu entre temps président du Port Autonome de Paris (1997 à 2001) et surtout maire du 1er arrondissement au printemps 2000 à la suite de la démission de Michel Caldaguès, il est confirmé dans cette fonction lors des Municipales de 2001 face au socialiste Le Garrec et au ‘Séguiniste’ Longuépée. Battu aux dernières législatives par la candidate verte, ce véritable dandy parisien restera comme une des premières personnalités politiques françaises à avoir utilisé des automates téléphoniques auprès de ses électeurs pour les sensibiliser à sa candidature.