Jean Pistre: un espace à l’échelle de la passion du Maroc pour le cheval
Octobre. 2015 \\ Par Imane Charhaddine

JEAN PISTRE, UN DES ARCHITECTES DU NOUVEAU PARC DES EXPOSITIONS D'EL JADIDA, INAUGURE A L'OCCASION DU SALON DU CHEVAL, DECRYPTE SA REALISATION ENTRE POIDS DE LA TRADITION MAROCAINE, SAVOIR-FAIRE ARTISANAL ET OUVERTURE INNOVANTE SUR LA MODERNITE.

Un joyau et des promesses. Le Parc des Expositions d’El Jadida, véritable pépite architecturale, promet une révélation exclusive qui sera découverte lors de la huitième édition du Salon du Cheval (13 au 18 octobre 2015). Sa conception est le résultat d’une collaboration des plus fructueuses, entre deux cabinets d’architectes aussi passionnés qu’inspirés: le cabinet d’Omar Alaoui de Casablanca, et celui de Valode et Pistre de Paris (dont les bureaux sont également présents en Pologne, en Chine et en Russie).

Né il y a trente ans de l’amitié entre Denis Valode et Jean Pistre, le cabinet de Valode & Pistre a rejoint l’équipe de travail suite au choix de la SOREC et de son directeur, Omar Skalli. A l’aune de magnifiques réalisations dans plus d’une vingtaine de pays, ce cabinet a démontré que son équipe est capable de faire de l’architecture un métier de création technique; c’est aussi une occasion d’approche sociologique quelque soient le lieu et la culture.

Jean Pistre a accepté de répondre à nos questions et de parler du nouveau Parc des Expositions d’El Jadida qui pourrait accueillir prochainement le Salon de l’Automobile de Casablanca et des spectacles internationaux. Retour sur un projet exaltant.

Cheval du Maroc.- Comment est venue la proposition de collaborer sur le projet du Parc des Expositions d’El Jadida ?

Jean Pistre.- Nous avons été sélectionnés par la SOREC et son directeur Omar Skalli pour participer à un concours international d’architecture. La SOREC avait apprécié nos travaux sur le Parc des Expositions de la Porte de Versailles à Paris. A El Jadida, nous étions en présence d’un site immense à restructurer et reconstruire par phases successives. Notre démarche architecturale était à la fois de réaliser un outil d’expositions très performant et d’offrir au public des lieux conviviaux, de qualité avec une forte identité. Ce concours, que nous avons mené avec notre ami architecte Omar Alaoui, nous a passionnés. Mettre en œuvre notre savoir-faire en matière de Parc des Expositions, nous a permis de plonger à la fois dans la culture marocaine et de découvrir l’univers de cet évènement incroyable qu’est le Salon du Cheval.

Parlez-nous du déroulement des travaux au Parc des Expositions d’El Jadida...

Le projet du Parc des Expositions avait été conçu pour un autre site à El Jadida, et c’est au moment du démarrage des travaux que des problèmes administratifs, plus l’opportunité d’un meilleur site, l’ont fait déménager. La conception modulaire, faite de halls parallèles reliés d’un côté par une vaste promenade piétonne et de l’autre par une zone logistique, a permis que ce déménagement se réalise sans modification et donc sans perdre trop de temps. La bonne volonté et le sens de l’adaptation ont permis que l’ouverture du Salon du Cheval 2015 ait lieu au Parc des Expositions, même si beaucoup de travaux resteront à finaliser.

Quelles sont les particularités du travail architectural sur le chantier marocain ?

Le Maroc est un pays où le poids de la tradition et le savoir-faire artisanal sont très forts et aussi très valorisés. C’est en même temps un pays ouvert à la technologie et aux solutions innovantes. Nous avons ressenti et très bien vécu cette double dimension tout au long des études et du chantier. Ce projet, avec d’un côté ses halls ultra-modernes de 85 mètres de largeur sans poteaux, aux façades en verre sérigraphiées et de l’autre les bâtiments des fonctions-support en enduit de couleur bleu Majorelle incarne cette dualité. Pendant la construction elle-même, la cohabitation des charpentiers avec leurs immenses grues de levage et des artisans maçons ou menuisiers reflétaient exactement l’âme de ce pays.

Que promet l’inauguration du Parc des Expositions d’El Jadida aux visiteurs du Salon du Cheval ?

Le public va découvrir d’abord d’immenses espaces: le parvis d’accueil, les allées ombragées, les aires pour la Tbourida et les pavillons d’expositions eux-mêmes; des espaces à l’échelle de la passion du Maroc pour le cheval et de l’ambition de ce Parc pour l’activité économique du pays. Il va aussi découvrir un espace qui nous tient beaucoup à cœur, les pergolas, vaste promenade, le long des halls. Il s’agissait de créer de l’ombre sans obscurcir et d’assurer une ventilation naturelle pour éviter la chaleur. Ces immenses ombrelles en forme d’arcs couvertes de lames d’aluminium parallèles, dont l’espacement est calculé pour le meilleur équilibre ombre-lumière, sont inspirées des circulations ombragées des souks que l’on rencontre du Maroc jusqu’à la Syrie. Ensuite, le public découvrira aussi un travail spécifique que nous avons mené sur l’évocation contemporaine de la tradition graphique marocaine. Pouvez-vous citer quelques exemples de cette mise au goût du jour de la tradition graphique marocaine?

Quelques exemples, les sérigraphies des murs rideaux entrelacés d’octogones et de carrés qui reconstituent des étoiles, les murs de clôtures qui, par un effet d’optique en se déplaçant, reconstituent des étoiles à partir de carrés, ou encore, les entrées des halls qui sont signalées par des portes dont la silhouette est une retranscription contemporaine de l’arc outrepassé marocain. Enfin, le public découvrira le restaurant panoramique, depuis lequel on aperçoit la mer, en forme de disque posé sur le toit du 1er hall.

Il y a le public, mais il y a aussi les utilisateurs et les organisateurs d’expositions...

C’est le sujet le plus technique du dossier car nous avons mis au point un véritable outil d’expositions capable d’accueillir tous les évènements possibles, autant d’expositions classiques que de grands spectacles ou évènements spécifiques comme le Salon du Cheval. Les grands halls de 85 mètres de largeur sans poteaux offrent une liberté totale d’implantation et d’organisation des évènements. Les charpentes peuvent supporter des charges importantes : 200 kilos sur une maille de 3 mètres, soit un total d’environ 200 tonnes par hall. Cela permet de suspendre tout ce qui est nécessaire à l’installation de stands ou de spectacles. Au sol des regards permettent les branchements d’eau, d’électricité et de téléphone sur une trame de 6m X 9m. L’ensemble de ces dispositifs situe le nouveau Parc dans les meilleurs standards internationaux.

Si vous deviez qualifier votre expérience au Maroc en tant que cabinet international ?

Tout d’abord, le Maroc est un pays très attachant par sa culture et par la qualité spontanée des relations humaines quotidiennes. Le contexte était donc très positif et nous avions déjà pu l’apprécier lors d’autres projets que nous avons déjà réalisés ici. Ensuite, et c’est le plus important pour nous architectes, il y a une très grande curiosité et ouverture d’esprit, tant pour les concepts nouveaux que pour les innovations techniques. Donc, même si les sujets administratifs freinent parfois le bon déroulement des opérations, le dynamisme et l’engagement des responsables y pallient largement. Nous commençons de nouveaux projets en particulier dans l’hôtellerie et nous sommes donc très heureux et honorés de pouvoir continuer nos expériences marocaines.