Génération Seybah Dagoma.
Date erreur. 0000 \\ Par Jérôme Lamy

Le 1er arrondissement a de la chance. C’est Bertrand Delanoë qui l’a dit. Candidate socialiste dans le plus petit arrondissement de la Capitale, Seybah Dagoma a de grandes ambitions pour le Centre de Paris et pour ses résidents. Pourtant, l’histoire n’était pas tracée. Née en Province à Nantes, Seybah a grandi à Sarcelles où elle débarque à l’âge de cinq ans. C’est là qu’elle a rencontré Dominique Strauss-Kahn et qu’elle a nourri son engagement politique. C’est toujours en banlieue qu’elle a commencé ses études. C’est à la Sorbonne et à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées qu’elle les a brillamment conclues.Aujourd’hui, cette avocate spécialisée dans le droit des affaires à l'international chez Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP, vit à Paris, dans le 1er arrondissement, à mi-chemin entre le Palais Royal et les Halles. Trait d’union entre les quartiers huppés et les quartiers populaires, entre la banlieue et Paris, Seybah se présente avec la force et la faiblesse de son âge (29 ans). Persuadée que la politique est une affaire de conviction, une chose noble et qu’elle peut changer la vie des gens, Seybah apparaît, même si elle s’en défend, comme le porte-drapeau d’une nouvelle génération. Plutôt calée sur l’aile droite du PS, sociale démocrate assumée, prônant l’égalité des chances et du talent, un socialisme du réel, libéral, solidaire et humain, cette femme brillante affronte Jean-François Legaret, poids lourd UMP de la droite parisienne. Ce duel s’annonce comme une des batailles les plus intéressantes des élections Municipales à Paris (9 et 16 mars).

Clin d’oeil.- Depuis que vous avez été désignée tête de liste dans le 1er arrondissement, vous avez  réalisé une campagne très active? Quels enseignements tirez-vous de ces rencontres ?
Seybah Dagoma.- C’est en écoutant chacun, des points de vue différents, que l’on peut mener une politique de proximité inventive et généreuse. Et, par conséquent, je suis heureuse d’organiser notamment des cafés débats et des réunions d’appartements qui sont pleins de vie, d’échanges, d’idées. Ce sont des moments riches.

Vous avez écouté les habitants afin d’établir un programme en concertation avec eux. Ca ressemble à la démocratie participative de Ségolène Royal …
Créer un espace ou chacun puisse faire part de propositions, c’est pour moi la première pierre d’une démarche de tout homme ou femme politique. C’est celle portée par Bertrand Delanoë depuis 2001. C’est le sens des comptes rendus de mandats, des consultations inédites à l’échelle de Paris (120.000 personnes ont donné leur avis sur le Plan local d’urbanisme et 140.000 sur le Plan de déplacement de Paris) ou encore de la phase de consultation des riverains et des associations lors de projets d’urbanisme ou d’aménagement de voirie tels que le Carreau du temple ou le projet des Halles.

Avec Najat Belkacem à Lyon, vous êtes considérée comme l’étendard d’une nouvelle génération politique. Quelle est votre conception de la politique et qu’est-ce que la jeune génération peut apporter au personnel politique actuel?
Avant tout, je ne suis pas un étendard. J’ai reçu un « mandat » des militants socialistes du 1er arrondissement pour conduire notre liste lors des élections municipales des 9 et 16 mars 2008. Et donc, je me bats pour gagner la Mairie du 1er arrondissement afin de mettre en place une politique solidaire et responsable.
Je m’inscris dans le réel tout en ne renonçant jamais à nos objectifs de justice sociale, d’émancipation de l’individu et de progrès partagé. Je pense que ma génération va modifier le rapport à la politique. Beaucoup d’entre nous souhaitent concilier activité professionnelle et exercice de responsabilité politique.

Vous avez 29 ans. Y-a-t-il de la place, notamment au PS, pour cette jeune génération ?
La preuve que oui !

Pourquoi avez-vous refusé de nombreuses sollicitations des médias nationaux. Avez-vous peur de vous exposer ?
Je ne fais pas de la politique pour faire la une des journaux people ! Je préfère une campagne de terrain ou l’on s’expose aussi. C’est cela que les habitants du premier arrondissement attendent de moi.
Vous avez ouvert un blog et une fiche sur Facebook. Est-ce que vous pensez qu’une campagne peut désormais se gagner sur le net ?
Une campagne se gagne d’abord sur le terrain mais je pense que les nouveaux outils de communication sont utiles. Facebook et mon site « www.seybahdagoma.net » sont des moyens efficaces, parfois amusants d’échanger, de faire savoir, de recueillir des avis.
Vous êtes membre du club "A gauche, en Europe", où vous avez l’habitude de fréquenter des hommes comme DSK ou Pierre Moscovici. Qu’est ce que vous avez appris à leurs côtés ?
Auprès de Michel Rocard, Pierre Moscovici et Dominique Strauss-Kahn, j’ai appris le courage d’affirmer mes convictions, la force de la volonté politique, la pugnacité et surtout l’acceptation des contraintes du monde tout en gardant la flamme de réduire les inégalités.

Est-ce que DSK, dont vous êtes proche, vous donne des conseils pour mener campagne dans le 1er arrondissement de Paris ?
Je connais DSK depuis plus d’une dizaine d’années. Nous échangeons et ses conseils me sont précieux. S’agissant de la campagne municipale, je la mène avec mes colistiers, les militants socialistes du 1er arrondissement et l’équipe de Bertrand Delanoë.

C’est quoi être de gauche en 2008?
Etre de gauche en 2008, c’est vouloir que chacun puisse exprimer ses talents, ses potentialités. Pour ce faire, il faut offrir le plus de chances à tous, et ce, dès le plus jeune âge. Etre de gauche en 2008, c’est accepter le réel tout en gardant nos idéaux. C’est admettre l’économie de marché tout en la régulant au service de la solidarité.

Ca vous fait râler quand Tony Blair est applaudi au Congrès de l’UMP ?
A force de rouler du mauvais côté des routes, Tony Blair finit peut-être par confondre sa gauche et sa droite...

Que répondez-vous si on vous dit que vous êtes sociale démocrate et que vous représentez l’aile droite du PS ?
Je me revendique, depuis toujours, comme sociale-démocrate. Pour changer le monde, il faut le comprendre, en saisir les rouages pour mieux répartir son énergie sur les points de levier. C’est une obligation presque morale que d’être efficace quand on veut réduire les injustices. Et pour moi, c’est vraiment être de gauche.
Très tôt, vous avez été présentée comme la Rama Yade de gauche. Cette comparaison vous agace…
Non cette comparaison me fait sourire car extrêmement réductrice. La politique ce n’est pas une question de couleur de peau, c’est une question d’idées et de conviction. Il ne me viendrait pas à l’esprit de comparer une femme blonde de droite avec une femme blonde de gauche !

Quelle est la différence entre une femme de gauche comme vous et une femme de droite comme Rama Yade ?
La différence est majeure. Elle défend la politique de Nicolas Sarkozy (Discours scandaleux de Dakar, les tests ADN, la référence à la religion dans un discours d’état (laïcité positive), le paquet fiscal…) alors que moi je la combats.

Ca doit également être fatigant d’être présentée comme la caution parisienne de Bertrand Delanoë, soucieux de présenter des candidats venus d’horizons divers.
Ma candidature est le fruit de ma volonté. J’ai toujours été de gauche. Je fais de la politique depuis plus d’une dizaine d’années (notamment avec DSK) même si j’ai pris ma carte récemment au sein du parti socialiste. Bertrand Delanoë est très heureux que je sois tête de liste mais ce sont les militants socialistes qui m’ont désigné lors d’un vote démocratique. J’ai été élue avec 58% des voix. Ce n’est pas le fait du prince.

Affronter Jean-François Legaret, qui est très implanté dans le 1er, ce n’est pas un cadeau…
La politique n’est pas un cadeau, c’est un combat d’idées ! Je souhaite une nouvelle dynamique pour notre arrondissement. Tous les habitants qui veulent le changement et qui ont de vraies ambitions pour le 1er sauront quel bulletin mettre dans l’urne lors des élections des 9 et 16 mars 2008.

Pensez-vous être en mesure de renverser les pronostics et de remporter cette bataille ?
Je suis convaincue que la victoire est possible. La bataille sera serrée mais je vois aux sourires sur les marchés, aux espoirs lors de mes visites d’appartements ou mes cafés débats qu’il y a une attente pour un renouveau, une attente pour une vraie politique généreuse dans cet arrondissement, pour la fin d’une politique d’immobilisme. Même nos plus anciens soutiens ressentent cette brise du renouveau. Et voir tous ces sourires aux lèvres décuple mon énergie.
Quels sont les vrais enjeux dans le 1er arrondissement ?
Il s’agit de faire du cœur de Paris un lieu où l’on vit mieux : plus de logements à prix abordables ; plus de dialogue avec les habitants ; plus de solidarité intergénérationnelle ; plus de services pour les habitants ; plus de respect pour l’environnement, assurer le maintien des commerces de proximité et lutter contre la mono-activité …
Comment peut-on protéger le commerce de proximité?
Là encore Bertrand Delanoë a fait preuve d’une grande inventivité. Il a trouvé une solution ambitieuse et innovante en confiant à la SEMAEST (Société d’Economie mixte parisienne) la mission de promouvoir la diversification du tissu économique des quartiers. Cette société acquiert des locaux commerciaux afin d’installer des activités susceptibles de redonner vie à nos quartiers : commerces alimentaires, artisans, librairies… Grâce à elle, plus de 230 locaux ont échappé à la spéculation immobilière et aux grossistes pour être réservés au commerce de proximité. Ainsi, dans le secteur de la rue Saint-Denis, la mission Vital’quartier a été engagée en décembre 2003.

Les commerçants tancent l’implantation du marché Montmartre. Qu’en pensez-vous ?
La création du marché de la rue Montmartre est le fruit de discussion entre les habitants, les associations de riverains et le conseiller de Paris Alain le Garrec. Les habitants attendaient un marché régulier dans ce quartier.
Depuis 2001, six nouveaux marchés ont été créés à Paris, à l’initiative du Maire de Paris, et c’est ce dernier qui a le plus de succès. Je considère que c’est une bonne chose.
Jean-François Legaret a dit lors des vœux que Bertrand Delanoë a perdu sept ans dans le processus de rénovation des Halles. Quelle est votre religion sur le ripolinage des Halles ?
Bertrand Delanoë a eu le courage, dès son élection en 2001, de prendre à bras le corps le dossier de la rénovation des Halles qui a été bâclée sous Jacques Chirac et laissé à l’abandon sous la mandature de Jean Tibéri,  dont Jean-François Legaret était l’adjoint aux finances.
Pendant des décennies, l’urbanisme était trop souvent subi et non concerté. Bertrand Delanoë est le seul maire de Paris qui a associé les associations, les riverains et toute personne intéressée  à un projet d’une telle envergure. Après un vote à l’unanimité du jury, nous sommes en présence d’un projet exceptionnel qu’est la Canopée. Bien que longue, la concertation est une excellente chose !
L’immobilier ne cesse de flamber dans le 1er arrondissement et de plus en plus de gens vivent dans des conditions précaires. Est-ce le rôle d’un responsable politique de freiner les spéculations immobilières ?
Bertrand Delanoë s’est employé à lutter contre la spéculation immobilière. Il a sauvé plus de 8000 logements des ventes à la découpe et a ainsi préservé un parc locatif accessible dans notre cité. Par ailleurs, sous cette mandature, un effort historique a été fait en faveur du logement. Plus de 30.000 logements sociaux ont été financés contre 9334 sous la mandature précédente. Aujourd’hui, nous prenons l’engagement de financer 40.000 logements si nous sommes élus, et ainsi, d’atteindre les objectifs de la loi SRU (20% de logements sociaux) non pas en 2020 mais en 2014.
Françoise de Panafieu accuse Bertrand Delanoë de vouloir transformer le centre de Paris en un musée sans voiture. La voiture a-t-elle encore sa place à Paris ?
Inventer une nouvelle façon de circuler à Paris, plus fluide, plus silencieuse et plus sûre. Se déplacer de jour comme de nuit, passer d’un véhicule à l’autre selon ses besoins, rompre avec la logique du « tout voiture », lutter contre la pollution étaient les engagements de Bertrand Delanoë. D’ailleurs, Paris n’est pas la seule métropole à avoir rompu avec cette logique un peu archaïque du « tout voiture ». De Londres à Rome en passant par Madrid ou Stockholm, nombreuses sont les grandes villes européennes à avoir placé la question des déplacements au cœur de leur politique d’aménagement sans que leur centre ville ne devienne un musée ! Le but n’a jamais été d’éradiquer la voiture de Paris, ni de stigmatiser l’automobiliste. L’automobile constitue un mode de transport pertinent dans de nombreux cas mais nous assumons en revanche la conviction qu’elle ne peut demeurer le mode de déplacement dominant, celui autour duquel toute la ville s’organise, aux dépens des autres modes de transport.
C’est une question de santé publique ! Les premiers résultats sont là, avec une baisse de 20% de la circulation automobile depuis 2001, celle de 32% des émissions d’oxyde d’azote et de 9 % des rejets de dioxyde de carbone, gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. Cette évolution est encourageante mais il faut évidemment amplifier le mouvement. C’est pourquoi, nous proposons Autolib’ c'est-à-dire un minimum de 2000 voitures propres (électrique ou hybrides) en libre service dès 2009.
Vous avez grandi à Sarcelles, en banlieue. Vous vous présentez comme un trait d’union entre la banlieue et Paris. Est-ce un atout pour faire campagne dans le 1er arrondissement ?
Si le 1er arrondissement est le cœur de Paris, il est aussi sa première porte pour les franciliens qui travaillent à Paris et les Parisiens qui travaillent en Ile de France. Lieu privilégié de passage avec ses 800 000 voyageurs par jour, la gare des Halles place notre arrondissement au centre de la réflexion sur « Paris Métropole » (réflexion à l’échelle de l’agglomération sur des enjeux comme le logement, les déplacements, l’environnement et le développement économique).
Jusqu’en 2001, Paris traitait la banlieue comme un lieu de relégation de tout ce qu’elle ne voulait pas chez elle. Autrement dit, par le mépris. Bertrand Delanoë a changé la donne puisqu’il a restauré un rapport de confiance et de respect mutuel avec nos voisins.
A ma manière, je suis en effet une sorte de trait d’union entre Paris et la banlieue. Et donc, ma désignation par les militants socialistes du 1er arrondissement est un signe fort de cette solidarité. Cela donne un temps d’avance à Paris et un temps d’avance au 1er arrondissement.

Vos adversaires disent qu’en cas de victoire, vous laisseriez votre fauteuil de maire à Alain Le Garrec, votre second de liste, et que vous seriez appelée à occuper d’autres fonctions auprès de Bertrand Delanoë ou au sein du PS. Que leur répondez-vous ?
Je m’inscris en faux ! Je me bats pour être maire, et si les électeurs votent pour ma liste, j’exercerai ladite fonction et notre arrondissement sera en mouvement.

Est-ce que ce n’est pas trop compliqué de concilier votre métier d’avocate d’affaires et cette campagne où vous faites preuve d’une présence incessante sur le terrain.
J’ai mis entre parenthèse mon travail en cabinet et la rédaction de ma thèse sur les restructurations de dettes des entreprises pour me consacrer pleinement à la campagne. C’était indispensable.