Djordje Varda: Fine fleur
Décembre. 2008 \\ Par Jérôme Lamy

Il fleurit très officiellement, toutes les semaines depuis 2 ans, les salons du Ritz, et avec eux, les sultanes d’Orient, les héritières des Amériques, les princesses de l’Inde… ...et la rue Montorgueil !

Djordje n’est pas un opportuniste. Il ne s’est pas posé comme une fleur, rue Montorgueil, pour profiter de la renommée du lieu et se faire connaître… Comme on dit là-bas, c’est un enfant de chez nous, du centre de Paris ! Bon bien sûr, son nom le trahit un peu, il n’est pas né vers les Halles mais bien à Belgrade. A 18 ans, il débarque en France pour rejoindre son père, qui est alors correspondant pour une maison de presse en France.

Quatre ans plus tard, alors qu’il termine des études couplées d’audiovisuel et de droit, la guerre éclate dans son pays. Sa famille est rappelée là-bas. Lui refuse de participer à cette guerre civile et souhaite rester à Paris.

Le destin ne lui donne alors aucun coup de pouce, au contraire, alors que tous les flux d’argent sont bloqués depuis la Serbie, l’après-midi du retour de sa famille vers Belgrade, son père est hospitalisé d’urgence pendant 10 jours pour une embolie cérébrale. La famille n’a aucun soutien de la Serbie et doit payer au prix fort les frais hospitaliers, anéantissant un éventuel pécule pour Djordje.

Qu’importe, il décide de rester, malgré l’éloignement, la guerre, la précarité. C’est ainsi qu’il trouve dans l’urgence un petit job, à Noël comme vendeur dans un Body Shop, il y fera finalement ses armes durant 8 ans, franchissant un à un les échelons pour terminer au poste de Responsable Commercial de Body Shop France. Il poursuit ensuite sa carrière d’homme d’affaires chez Bruce Field et enfin avenue Montaigne, pour les fourrures Revillon.

Mais l’apparat et le luxe l’ennuient. Ayant posé ses valises dans le centre de Paris en 1995, il aspire à de petits plaisirs simples, à l’ambiance de village de la rue Montorgueil où il vit au numéro 94. Le dimanche, pour combattre le stress du businessman qu’il est devenu, il rempote des plantes dans sa baignoire. «ça me détendait » précise t-il. Sa passion pour les fleurs commence doucement à germer…

Un jour de mars 2003, il rend visite à monsieur Agha, le propriétaire de l’épicerie orientale en bas de la rue Montorgueil et lui demande s’il peut installer un petit stand de fleurs, le week-end, à l’avant de sa boutique. Monsieur Agha accepte. Djordje se souvient : « J’allais à Rungis aux aurores, le samedi je travaillais avenue Montaigne, c’est ma femme, Elisabeth, qui tenait le stand, le dimanche c’était mon tour ».

Le succès s’installe, l’engouement de Djordje pour les fleurs est tel que trois mois après il abandonne tout pour ouvrir une boutique, rue Greneta. Il lance alors les « Happy flowers », c'est-à-dire la vente des fleurs coupées à moitié prix le dimanche entre 12h et 13h (il réitère d’ailleurs aujourd’hui l’opération, chaque dimanche, entre 12h et 13h, pour une tige achetée, une autre vous est offerte). Les journalistes aiment le concept, la presse s’en empare et très vite, à nouveau, le succès est au rendez-vous.

Le 23 décembre 2003 (Djordje n’est pas prêt d’oublier cette date), le directeur de l’hébergement du Ritz appelle Djordje et lui demande s’il peut venir le voir. Le fleuriste croit d’abord à une plaisanterie mais à 17h, le jour même, une belle voiture se gare devant la boutique de la rue Greneta et on l’invite alors à participer à l’appel d’offres du Ritz, qui recherche un designer floral. Les plus grands fleuristes tentent leur chance, et contre toute attente, c’est Varda qui se retrouve en final contre Christian Tortu. Enfin après plus de deux mois de guerre des fleurs, c’est Djordje qui remporte le concours !

Son talent, bien loin d’être un feu de paille, est salué dans les mois qui suivent puisqu’il obtient le prix récompensant l’excellence et la créativité dans l’hôtellerie de luxe parmi 38 participants en Europe dans la catégorie « fleurs ».

A nouveau, Djordje se retrouve confronté au monde du luxe qui l’avait un peu lassé. « Fleurir le Ritz c’est formidable, mais cela m’enferme. Je savais que j’entrais dans un univers extrêmement exigeant en travaillant place Vendôme et après 2 ans, je ressens le besoin de contacts humains plus légers. » Ceux qu’il retrouve rue Montorgueil où il a installé une boutique, à l’emplacement de l’ancien spa Lyhan. « Je retrouve un peu de décontraction en ne sacrifiant rien à la créativité, ni à la qualité des fleurs » dit-il.

Djordje reconnaît que le seul point qu’il a du mal à déléguer, c’est l’achat des fleurs. Il fait confiance à son équipe, qui le connaît par cœur et sait travailler son univers quand il n’est pas là mais le marché aux fleurs reste son moment privilégié. «J’avoue que je suis infidèle avec les fleurs » précise t-il mutin, « mes préférées sont pourtant l’anémone Mona Lisa, l’orchidée Sabot de Vénus et la pivoine. Je m’évertue à trouver à chaque fois des fleurs que les autres n’ont pas ».

Outre le choix des fleurs qui est primordial, Djordje attache beaucoup d’importance à la mise en scène et aux contenants. Il a d’ailleurs créé une collection de vases qu’il vend en exclusivité dans sa boutique. Malgré son grand attachement au quartier, on ne doute pas que Djordje fasse encore des étincelles dans d’autres multiples domaines insoupçonnés, comme il le dit lui-même, à l’heure où il approche catastrophé sa quarantaine d’années. « La vie est trop courte pour ne faire qu’un seul métier et vivre toujours au même endroit ». Au fond, seul lui importe vraiment le plaisir de voir pousser ses deux garçons, sa vraie fierté ! On le retrouvera donc ici et ailleurs. Nulle part et partout....

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