Collet, la boulangerie dans le sang.
Septembre. 2007 \\ Par Jérôme Lamy

Au 100 de la rue Montorgueil, la boulangerie Collet est une affire de sang. Hier René, aujourd’hui Fabrice et demain sans doute Charles. Ici, la baguette est de tradition et surtout une passion

Marie Collet se souvient encore de sa belle-mère, Monique, insistant pour que son fils Fabrice ne reprenne pas la boulangerie familiale. Elle ne souhaitait pas que ses 3 fils subissent cette vie folle sans horaire, ni repos. Mais les générations se suivent et se ressemblent au 100 de la rue Montorgueil. Aujourd’hui, Charles Collet, 6 ans, n’hésite pas à mettre la main à la pâte pour aider son père à faire les baguettes traditions. Cela amuse Fabrice, cela inquiète Marie.
C’est en 1988 que la famille Collet s’installe dans le quartier. A cette époque, Fabrice, l’un des trois fils de Monique et René Collet fait des études de comptabilité. Mais la pomme ne tombant jamais bien loin de l’arbre, il trouve un emploi de comptable chez un meunier. Sa bonne humeur et son énergie transforment le comptable en animateur de choc. Il fait la promotion des farines de sa meunerie en montant des animations chez les boulangers. Son succès est tel qu’il en fait près de 150 par an. C’est au cours de l’une d’elle, en 1996, qu’il rencontre sa Marie.
La famille de Marie elle aussi est dans la boulangerie. Dès lors, les espoirs de Monique d’éloigner définitivement Fabrice du milieu de la baguette semble s’effondrer. En secret le jeune couple n’aspire qu’à reprendre une affaire et les aléas de la vie vont précipiter leur destinée à Montorgueil.
En 1998, la maman de Fabrice, épuisée par son rythme de travail décide avec son mari de mettre la boulangerie en gérance pour un an. Lorsqu’ils reviennent au bout d’une année sabbatique, le stress emporte Monique en quelques mois. Fabrice se rappelle :  «nous étions aux Ecuries d’Argent pour une fête, ma mère faisait un discours, elle est tombée dans nos bras, victime d’une rupture d’anévrisme».
La question de sa vocation de boulanger ne s’est alors plus posée. Monsieur Collet Père était soucieux de voir débuter Fabrice et Marie dans une si grosse boulangerie. Il reste plusieurs mois avec eux pour les aider. Aujourd’hui encore il vient donner quelques coups de main, notamment pendant les fêtes. Du reste, l’équipe du père suit le fils. Bidule, le plus ancien de la maison est aujourd’hui encore au fournil chaque matin.
Fabrice savait alors que le défi serait difficile à relever. Au moment de se lancer, il se souvient avoir dit à Marie que malgré les hauts et les bas, il leur faudra rester soudés.  «Mes parents se disputaient beaucoup, je tenais à ce que l’ambiance demeure agréable entre nous, c’est difficile de travailler en couple, d’être 24h/24H ensemble. Heureusement, notre plaisir à travailler l’emporte et l’on a trouvé notre rythme» dit-il. Avec le recul, et malgré leur amour pour leur métier, le couple reconnaît que les inquiétudes de Monique étaient fondées. «En 3 ans, j’ai l’impression d’avoir pris 10 ans» précise Marie, qui ne perd pourtant pas sa joyeuse humeur. Les clients et l’envie de leur faire plaisir les motivent et les fait avancer. L’an dernier, ils ont hésité à partir. «Au bout de sept années qui correspondent aux crédit d’un fond, on se remet forcément en question». La rue Montorgueil désormais très convoitée a suscité des propositions de rachat très alléchante, mais les Collet les ont déclinées et ont préféré refaire entièrement leur boutique : «on a trouvé un entrepreneur formidable qui nous a écoutés et nous avons décidé de toute la décoration quasiment» s’enthousiasme Marie. «On dit souvent que dans le commerce, changé la décoration tous les sept ans.»
Avec succès puisque le ripolinage, outre son côte visuel  tout à fait  séduisant, a eu pour effet immédiat d’attirer le chaland. Du coup, la boulangerie ne désemplit pas depuis sa réouverture début août. Pari d’autant plus réussi que de nombreux clients demandent si la direction a changé...
Les voilà donc reparti pour 7 ans de labeur. Mais ils ne regrettent pas leur choix. Plutôt regrettent ils l’hégémonie des franchises qui poussent comme des champignons dans le quartier. «Dans les magasins franchisés, on a à faire au responsable, pas au patron, chez nous on est à l’écoute des clients, réactifs à leurs remarques, c’est notre force» précise Fabrice.
Pour autant il ne veut pas jeter d’huile sur le feu, et voudrait retrouver une plus grande solidarité dans la rue. «Depuis le temps que nous sommes là, il y a des petites histoires dans le quartier, on est amis avec un grand nombre des commerçants, un peu moins avec d’autres, mais je compte faire une inauguration pour la nouvelle boutique et inviter tout le monde !».
On attend avec impatience cet événement de la rentrée que Clin d’orgueil, bien entendu, ne manquera pas.

 

87 cms de bonheur
La Maison Collet a sa spécificité! La baguette Collet ne fait pas 83 cm mais 87 cm. Façonnée deux fois, elle est très appréciée des restaurateurs qui peuvent faire 3 vrais sandwichs avec une seule baguette.