Boutault : Le 2e a déjà un temps d’avance
Novembre. 2007 \\ Par Jérôme Lamy

Avant de briguer un second mandat, Jacques Boutault s’est confié à Clin d’Oeil. La politique de Bertrand Delanoë, le Grenelle de l’Environnement, l’avenir du 2è : le premier maire Vert d’arrondissement a abordé tous ces sujets avec force et précision.

Demander à Jacques Boutault si la campagne des Municipales a débuté est presque une provocation. Depuis qu’il a été élu maire en 2001, il n’a cessé de jouer la carte de la proximité avec les résidents du 2è arrondissement, dialoguant inlassablement, notamment le dimanche matin, sur le marché Montorgueil, pour expliquer ses choix, ses orientations, sa vision du centre de Paris et de l’écologie moderne. Premier maire Vert d’un arrondissement parisien, cet ancien journaliste est surtout un maire “nature”. Il n’est pas de ceux qui parle par dogmatisme. Il est de ceux qui agissent avec probité pour montrer que la politique et l’écologie sont au cœur des préoccupations des Parisiens. Celui qui vient de faire son entrée au who’s who a répondu avec franchise à Clin d’Oeil, avant de briguer un second mandat.

Clin d’oeil.- Vous êtes candidat à votre propre réélection. Pourquoi avez-vous décidé de vous représenter devant les électeurs du 2è arrondissement ?
Jacques Boutault.- Tout le monde en convient : aujourd’hui, l’écologie est indispensable. Lorsqu’en 2001, bien avant le « Grenelle de l’environnement », je parlais de bio dans les cantines, de vélos à Paris ou de la nécessité de combattre l’effet de serre et la pollution, je me heurtais à l’incompréhension, pour ne pas dire aux réticences, de beaucoup de gens qui n’en comprenaient pas l’intérêt. Aujourd’hui, le 2è a un temps d’avance ! Cette équipe municipale, que j’ai dirigée durant près de sept ans, a pu démontrer que l’attention portée aux plus faibles (enfants, personnes âgées, mal-logés…), l’amélioration de la qualité de vie et de l’environnement, le rétablissement de la morale politique et le respect de chacun étaient parfaitement compatibles. Le bilan est bon… même nos adversaires en conviennent !

Les dernières élections nationales (Présidentielles et Législatives) ont été un vrai échec pour les Verts. Etes-vous inquiet dans l’optique des Municipales ?
Lors d’une élection municipale, les électeurs sont plus attentifs au bilan, au projet et à la personnalité des candidats qu’aux étiquettes politiques. Et ils ont raison ! Les Présidentielles de 2007 ont été marquées par le traumatisme du 21 avril 2002. Beaucoup d’électeurs traditionnels des Verts ont voté dès le premier tour pour la candidate de gauche. On peut les comprendre. Mais le contexte municipal est radicalement différent. A Paris, les électeurs devront dire s’ils souhaitent que la politique d’amélioration de l’environnement soit poursuivie ou pas. Le vote écologiste au premier tour devient le vote utile puisqu’il garantit à la fois la mise en œuvre d’une politique environnementale aujourd’hui indispensable, tout en garantissant qu’au deuxième tour, les électeurs pourront se reporter sur un candidat de gauche.

Envisagez-vous une défaite ?
Bien sûr, en démocratie, c’est possible !

Denis Baupin est-il le meilleur candidat des Verts à Paris ?
Oui, il a un bilan excellent en matière de Transport et déplacements. C’est un élu courageux et un vrai bûcheur qui connaît parfaitement ses dossiers.

Comment expliquez-vous l’érosion du vote écologiste entre 1997 et 2007 ?
Il n’y pas d’érosion du vote vert. Tout au plus, des hauts et des bas.

La gauche plurielle a-t-elle vécu ?
Ce qui se passe en Italie et en Allemagne démontre que l’Union de la gauche, sous d’autres formes ou un autre périmètre, a encore de beaux jours devant elle.
Peux-t-on dire que vous êtes le candidat des bobos ?
Le bobo est un concept marketing, pas une catégorie sociale. Je suis le maire de tous les habitants du 2è. Je suis donc un candidat pour tous les habitants du 2è arrondissement.  Et notamment de ceux qui se reconnaissent dans l’action menée depuis sept ans et qui souhaitent la voir poursuivie.

Comprenez-vous la décision du PS de présenter  une candidate socialiste face à vous ?
Chaque commune possède ses particularités et sa géométrie électorale propre. A Paris, le PS et les Verts ont choisi de partir, au premier tour, sous leurs propres couleurs. Dans le 2è arrondissement, les socialistes ont donc fait le choix de présenter une candidate contre le maire écologiste sortant. C’est une situation que je n’ai pas choisie et qui s’impose à moi. J’en assume ma part de responsabilité. Mais je ne doute pas que nous nous retrouvions, ensemble, au deuxième tour !

 

“Vélib’, Paris Plage ou la Nuit Blanche n’auraient pas
pu se faire sans la volonté des écologistes parisiens”

 

Etes-vous fier d’être le premier maire Vert d’un arrondissement de Paris ?
Je suis surtout fier du travail réalisé au cours de ces années. Fier, non pas personnellement, mais pour les habitants du 2è, fier de diriger un arrondissement dans lequel chacun se sent considéré, écouté, respecté.

Lors d’un récent Conseil de Paris, vous êtes monté au front contre Delanoë. Que lui reprochez-vous ? De prendre à son compte les initiatives vertes ?
J’ai adressé des reproches non pas à l’homme, pour lequel j’ai beaucoup de considération, mais pour le candidat qui entamait sa campagne en faisant un mauvais procès aux écologistes. J’ai peu apprécié ses critiques, un peu “bateau” d’ailleurs sur les Verts qui feraient de la surenchère, mais j’ai surtout vécu comme injuste qu’il ne reconnaisse pas que le travail et les innovations les plus emblématiques de ces dernières années à Paris sont souvent à l’initiative des écologiques. Certes, le maire décide et assume ses responsabilités. Mais il aurait été juste de reconnaître que Vélib’ a été porté par les Verts  sans relâche, depuis le début de la mandature,   que le tramway, le Plan climat, les quartiers verts, le bio dans le cantines, le développement du Wifi, le tri des déchets, Paris Plage, Nuit Blanche, etc, n’auraient pu se faire sans l’apport et la volonté des écologistes parisiens.

Vélib’ est largement financé par la pub. ça vous choque ? La mairie de Paris doit-elle financer Vélib’ ?
Les Verts ne sont pas opposés à la publicité. Seulement, ils combattent la pollution visuelle qu’entraîne, dans le paysage urbain, la prolifération sans limite de la publicité. J’ai d’ailleurs, personnellement contribué, en tant que membre du groupe de travail sur la publicité à Paris, au vote d’un règlement local de publicité à Paris qui comporte des avancées très importantes puisque le nombre de panneaux va diminuer de 20% et les grandes affiches de 4 mètres sur trois, interdites. En outre, les Verts s’interrogent sur l’indépendance de toute structure qui ne tire ses recettes que de la publicité et qui en est donc dépendante. Or l’indépendance, l’autonomie et la liberté sont des valeurs essentielles. De plus, il est naïf de penser que la publicité est gratuite ; le consommateur la paie. Mais pour répondre plus précisément à votre question, oui il était possible de faire baisser le nombre de pubs à Paris, tout en augmentant la redevance payée par les annonceurs – cela a été fait ! Mais il fallait continuer et affecter le montant de ces recettes supplémentaires au financement d’une régie municipale gérant le système de vélo en libre service à Paris. C’était  possible sans que cela ne coûte rien aux Parisiens.
Que pensez-vous du Grenelle de l'environnement ?
Le Grenelle de l’environnement comporte des intentions très intéressantes qui vont dans le bon sens. La méthode du dialogue à cinq  partenaires (Etat, associations environnementales, collectivités locales, patronat et syndicats) est bonne et innovante. Des avancées ont été actées notamment sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les aides aux économies d’énergies dans le bâtiment. Elles devront toutefois se concrétiser par un passage à l’acte. En revanche, rien sur le nucléaire, sur la politique agricole, pas un mot sur l’Europe et l’international (alors que la question écologique dépasse largement les frontières) et aucun lien avec la question sociale. On aurait pu par exemple intégrer au code du travail les questions environnementales – en étendant les prérogatives des Comités hygiène et sécurité des entreprises - car on sait que ce sont les salariés les plus mal payés qui sont, les premiers, les victimes de la pollution au travail : amiante, éther de glycol.

Sarkozy et l'UMP ne seraient-ils pas en train d'être plus volontaristes que les socialistes dans ce domaine ?
Il est sûr qu’en ne prenant pas au sérieux les idées des écologistes et en ne leur accordant pas leur juste place, dans les précédents gouvernements, les socialistes ont pris un temps de retard, dans ce domaine. C’est pour moi un regret très vif. J’ai l’impression d’un rendez-vous manqué. Car je suis convaincu qu’il n’y a pas d’écologie possible sans solidarité. Une politique qui prône la concurrence entre les êtres humains, l’enrichissement personnel sans limite et qui place la compétition économique au cœur de sa doctrine ne peut pas vraiment être écologiste ou alors superficiellement. Le monde n’est pas une marchandise.

Ne trouvez-vous pas que dans le 2è arrondissement on en fait plutôt moins qu’ailleurs dans le domaine du tri sélectif, notamment en ce qui concerne le recyclage du verre et des emballages?
Non, les habitants du 2è sont, au contraire, champions du tri ! Les chiffres le disent : dans le 2è, on trie plus que dans les autres arrondissements parisiens. Par ailleurs nous avons mis en place, dans le Sentier, une collecte supplémentaire, pour les cartons des professionnels.

Comment expliquez-vous que les camions poubelles, qui polluent toutes les terrasses à l’heure du déjeuner rue Montorgueil, ne soient pas tous électriques ?
La Ville de Paris est la première collectivité à avoir muté vers des bennes au GNV (gaz naturel pour véhicules), inodore, peu polluant, faiblement émetteur de gaz à effet de serre et comportant de bonnes performances énergétiques. Cela n’était pas évident au départ. La motorisation au gaz n’existait pas pour ce genre d’engins. La demande de la ville a suscité un marché et les constructeurs s’y sont mis. Cela constitue un progrès immense, il y a quelques années encore, jusqu’en 2004, les camions de ramassage des poubelles fonctionnaient au diesel. Bonjour l’odeur ! Personne ne s’en souvient. Ceci dit, c’est vrai qu’il n’est pas agréable de déjeuner en terrasse pendant le passage de ces engins qui restent bruyant. On pouvait aussi supprimer une collecte, mais cela n’est pas souhaitable pour maintenir une rue propre. Je rappelle aussi que la rue  est nettoyée au jet une fois par jour, c’est exceptionnel à Paris. Pour se faire dans de bonnes conditions, les poubelles doivent être rentrées.

Comment défendre le commerce de proximité ?
A mon initiative la mission parisienne de la SEMAEST, destinée à défendre la diversité commerciale a été étendue à la rue Saint-Denis.

Que pensez-vous de la situation de la poissonnerie Soguisa rue Montorgueil par exemple, qui est menacé d’expulsion ?
La protection des voies commerçantes est une nécessité. J’ai fait inscrire la rue Montorgueil comme une rue commerçante à préserver dans le plan local d’urbanisme, afin que seul un artisan puisse reprendre un local laissé vacant par un artisan. Cette disposition a été attaquée par l’Etat devant le tribunal administratif. La ville a fait appel.

Etes-vous favorable au marché Montmartre et à celui de la Bourse qui peuvent apparaître comme une concurrence déloyale pour les petits commerçants, qui payent des loyers de plus en plus honéreux ?
Les marchés découverts contribuent à l’animation d’un quartier. C’est aussi une nécessité pour la diversité commerciale. La concurrence ne nuit pas au commerce. Au contraire elle contribue à son dynamisme.

Quel est votre avis sur la législation des terrasses dans le quartier piéton?
Les terrasses sont un élément essentiel de qualité de vie à Paris. Mais leur prolifération nuit à la tranquillité des riverains. Il faut donc trouver la bonne mesure, entre cette qualité de vie que le monde entier nous envie et le calme dont les habitants ont besoin, surtout la nuit. C’est ce que nous tentons de faire en concertation. Cette question est fréquemment évoquée dans les conseils de quartier et avec les commerçants eux-mêmes.

Etes-vous favorable à l'extension du quartier piéton en commençant par ajouter les rues Etienne Marcel et Louvre?
Non, la piétonisation des rues Etienne Marcel et du Louvre n’est pas à l’ordre du jour. En revanche, il faut progressivement supprimer la circulation de transit dans le centre ville. Pour pacifier la circulation avant de la diminuer largement je souhaite que soit instaurer une vaste zone au centre de Paris dans laquelle la circulation est limitée à 30 kilomètres/heure. Les rues étroites doivent être aménagées pour sécuriser les déplacements piétons et être réservées à la desserte locale. Les trottoirs doivent être élargis là où nous n’avons pas eu le temps de le faire.

Quel est votre avis sur l’avenir du Sentier ?
Permettre à l’activité économique de s’exercer tout en diminuant les nuisances subies par les habitants. Cela passe par des emplacements de livraisons, la dissuasion de la circulation de transit, des améliorations pour les circulations piétonnes. Et l’encouragement à la mutation vers des entreprises des technologies de l’information pour succéder au départ de la mode et du textile, tout en accompagnant l’évolution de  ce dernier vers des show rooms de présentation des collections. C’est la politique que je mène depuis sept ans dans ce quartier et que nul ne conteste ; ni les commerçants, ni les habitants dans leur majorité.

Pourquoi couper la circulation dans le Sentier le dimanche alors qu’il n’y a aucun commerçant ouvert et que ce n’est pas franchement un lieu de balade ?
Justement parce qu’il n’y a pas de commerçant ouvert  et que cela devient de plus en plus un lieu de promenade. L’architecture y est souvent magnifique et vaut bien celle du Marais, et de plus en plus de gens le remarquent et se baladent en familles le dimanche dans ce très beau quartier.

N’avez-vous pas peur que le Centre de Paris devienne un musée grandeur nature avec un prix au mètre carré complètement inabordable ?
Pour la première fois depuis plus d’un siècle le 2è arrondissement regagne à la fois des habitants et des emplois. C’est donc le contraire de la muséification qui se passe. Les familles et les emplois reviennent ! Mais c’est vrai que le prix du foncier excessivement cher est un très grave problème. Nous avons plus que doublé le nombre de logements sociaux dans l’arrondissement. Il faut aller plus loin et l’Etat devrait décréter la limitation des loyers,  mettre en œuvre la loi de réquisition et la loi sur le droit au logement opposable.