Ali Hassan : « Brel voulait s'installer à Goulmina »
Août. 2016 \\ Par Hervé Meillon

le présentateur  radio et le chanteur ont partagé 48 heures d’intimité, à marrakech, a bord de la fiat du journaliste...

Il aime à dire que son pseudo n’est qu’un « bleu de travail ». Originaire de Midelt, Ali Hassan intègre,  en 1964, la radio et la télévision d’état avec son  pseudo et son talent. Il avait 18 ans. Journaliste et écrivain, Ali Hassan, qui n’a jamais révélé son vrai nom, a raccroché en 2007 sans jamais vraiment décrocher. C’est un homme intègre, passionné de cinéma et pas seulement en noir et blanc. A 2M et à la RTM, il a été chargé au début de sa carrière de couper les scènes trop osées des films. «Pas grave !»  di-t’il. «Dans la mesure où cela ne nuit pas à l’intrigue.» Et il rajoute: «autrement on n’achète pas le film».

Ali Hassan a le franc parler des honnêtes gens ; il a la vérité qui déborde… Il est donc logique que la rencontre entre les deux hommes provoque une affection à la hauteur des valeurs de Brel pour qui une amitié d’une heure se convertit en amitié de toute une vie. Ali Hassan n’a jamais revu Brel. Au fond des cœurs fragiles de ces hommes, la fraternité humaine contribue au bonheur.

Jeune étudiant, il voit pour la première fois, en 1962, une affiche annonçant un spectacle de Brel.  La route d’Hassan ne croisera celle de la star qu’au début de la carrière radio du journaliste. Il  était le benjamin d’une équipe composée essentiellement de Français. « Moi, j’avais ma culture musicale marocaine pour bagage, celle des chanteurs marocains, égyptiens et tamazigh, culture d’où je viens !» explique-t-il. «Le responsable radio pour laquelle je travaillais terminait toujours son émission par une chanson de Brel. C’était une émission hebdomadaire et populaire. Et c’est ainsi que j’ai appris à le connaitre ».

Ayant acquis une certaine maturité, Ali Hassan se voit confier l’émission …  et il  garda lui aussi l’habitude de passer systématiquement une chanson de Brel.  « J’ai même assuré une séquence qui lui était entièrement consacrée» di-til. «J’avoue que je connaissais toutes ses chansons par cœur.»

Brel décide de donner, en 1966, son dernier spectacle en France, à l’Olympia, suivi d’ une tournée à travers le monde. Il s’arrête à Rabat, puis deux soirs à Casablanca avant de prendre la route de Meknès. «J’ai assisté aux quatre concerts qui étaient tous les quatre identiques» se souvient Ali. «Ses concerts duraient 55 minutes, il sortait toutes ses tripes.»  Le jour de son passage à Rabat, le Centre cinématographique marocain devait l’interroger pour Le journal des actualités. C‘est le patron d’Hassan qui doit s’en charger.  A ses côtés, à peine âgé de 20 ans, notre Ali Hassan ne pipe mot.

Ce n’est qu’en 1973 que la glace sera brisée entre Ali et Brel. Ce dernier est invité par le ministère du tourisme à assister au Festival des Arts traditionnels de Marrakech.  «J’ai dû me rendre sur place pour faire quelques reportages» explique Ali. Brel avait horreur des interviews et le jeune présentateur le savait bien. Il se risque cependant à l’interpeller. « Chaque jour, je prenais des pauses avec des amis au bar de l’hôtel Sâadi» se souvient Ali. «C’est là que nous nous trouvions quand Brel est arrivé. Il était accompagné d’Eddy Barclay (NDLR: son producteur de disques). La salle était vide, j'ai eu l'audace de prendre mon verre et de le lever vers Brel en disant : ‘je suis très honoré de boire dans la même taverne que Monsieur Jacques Brel’. Après, nous avons trinqué ensemble et nous avons sympathisé. »

Brel décide de donner, en 1966, son dernier spectacle en France, à l’Olympia, suivi d’ une tournée à travers le monde. Il s’arrête à Rabat, puis deux soirs à Casablanca avant de prendre la route de Meknès. «J’ai assisté aux quatre concerts qui étaient tous les quatre identiques» se souvient Ali. «Ses concerts duraient 55 minutes, il sortait toutes ses tripes.»  Le jour de son passage à Rabat, le Centre cinématographique marocain devait l’interroger pour Le journal des actualités. C‘est le patron d’Hassan qui doit s’en charger.  A ses côtés, à peine âgé de 20 ans, notre Ali Hassan ne pipe mot.

Ce n’est qu’en 1973 que la glace sera brisée entre Ali et Brel. Ce dernier est invité par le ministère du tourisme à assister au Festival des Arts traditionnels de Marrakech.  «J’ai dû me rendre sur place pour faire quelques reportages» explique Ali. Brel avait horreur des interviews et le jeune présentateur le savait bien. Il se risque cependant à l’interpeller. « Chaque jour, je prenais des pauses avec des amis au bar de l’hôtel Sâadi» se souvient Ali. «C’est là que nous nous trouvions quand Brel est arrivé. Il était accompagné d’Eddy Barclay (NDLR: son producteur de disques). La salle était vide, j'ai eu l'audace de prendre mon verre et de le lever vers Brel en disant : ‘je suis très honoré de boire dans la même taverne que Monsieur Jacques Brel’. Après, nous avons trinqué ensemble et nous avons sympathisé. »

Le présentateur et le comédien chanteur se sont revus le soir même et ont fait  plus ample connaissance. «Il a voulu visiter le pays, il voulait quitter la civilisation» confie Ali. «Il  trouvait que c’était bien de vivre ici. Le soir de notre rencontre donc, je lui ai proposé de lui servir de guide dans l'arrière-pays marrakchi. Il a accepté, puis nous sommes partis. Lui a pris la route sans prévenir son entourage. Pendant plus de  48 heures, nous avons vadrouillé dans ma Fiat 1500, une grande voiture confortable.»

Notons que Brel n’était pas trop connu physiquement et que c’était plutôt Ali Hassan vedette de la télévision qui fut reconnu au cours de leur petit périple. A cette époque-là, Brel en avait marre de ce qu'il appelait “la civilisation”. Brel voulait être loin de tout le monde. Il a beaucoup apprécié Ifrane, le site de Michlifen, station de ski dans le Moyen-Atlas. «Ce n’était qu’à deux heures d'avion de la France, raconte Ali Hassan, il a fini par abandonner l’idée de s’y établir.» En plus, Brel souffrait de maux de dents, du coup, le climat froid de cette région l'incommodait. « Je lui ai montré aussi Goulmina qui l’avait séduit, là, il voulait s’y installer, vraiment au détriment d’Ifrane. » Brel avait été emballé par cette localité située dans la province d'Errachidia, véritable oasis à palmiers.

Au moment de leur séparation, Brel dit à Hassan: «Tu es l'un des seuls journalistes avec qui je suis resté marié plus de 48 heures, parce que tu n'as pas posé une seule question professionnelle.» Après son départ, Ali n'a jamais essayé de reprendre contact avec Brel. Il ne lui a même pas avoué qu’il passait du Brel dans chacune de ses émissions.

Ali Hassan reste imprégné des mots et des chansons de Brel : « Une phrase  de lui : Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ont raison, mais on a toujours droit à l’erreur. Dans notre culture arabe, il existe une citation du prophète qui dit que tout individu qui va voir s’il a raison obtiendra deux bonus et s’il se trompe, il en aura un seul ». Brel a toujours eu du respect pour la croyance des autres, et la pudeur de les respecter.

Lundi 9 octobre 1978, Brel nous a quittés vers 4 heures du matin. Ali Hassan: «Le soir de sa mort, alors que depuis plusieurs années, j'animais une émission généraliste où je ne programmais plus Brel, j'ai passé une de ses chansons, au titre plus qu'évocateur : Mon dernier repas».